Chapitre 2

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Un troupeau de moutons, rien que des moutons. Les élèves ici ne sont que des moutons, qui, lors de la fin des cours, ont un but, sortir de l'école et être libres.
Ils poussent, bousculent, foncent et bêlent. De vrais sauvages.
Pour ma part, je reste debout à attendre que ça passe, comme à mon habitude.
Après être sortie, j'aperçois Nick en train de papoter avec une fille. Je ne sais pas trop si je dois m'avancer vers lui, alors je me décide de rester plantée là. Après quelques secondes de plantage intensif, il me voit et me fait signe de venir.
« Morgan, viens », dit-il.
Ce que je fais, j'arrive, tel une bonne chienne. Bizarrement dit, mais c'est le terme.
Je fais la bise à la demoiselle, même si je n'aime pas trop ça, et je tape la main de Nick.
« Je te présente donc Clara, ma cousine, elle va venir dans l'école dans les prochains jours, me dit Nick en montrant du doigt sa cousine.
— Hm, d'accord. Pourquoi donc ?
— Et bien, longue histoire, mais en résumé, elle déménage ici, quoi. »
Nick sourit, comme à son habitude. Son sourire est enfantin. C'est le genre de sourire qui fait que nous avons envie de pincer ses joues. C'est ce que je fais d'habitude, mais pas devant sa cousine tout de même.
« Et tu voulais me dire quoi ? demandé-je.
— Ah oui, viens avec moi. »
Il laisse sa cousine qui reprend son portable.
« Donc, je voulais dire quoi déjà... Ah oui, désolé mais je romps avec toi. »
Je donne un coup d'épaule à Nick et lui dis de grandir un peu. Le fait est que l'on n'est même pas « en couple ».
Je soupire, libérée d'une masse, et m'apprête à rentrer chez moi lorsque Nick me rattrape.
« Non, en fait, je voulais te dire que Clarence s'est confessée à moi, et je me demandais ce que tu en pensais.
— Tu sais bien que je m'en fiche, fais ce que tu veux.
— Merci, Morgan, tes conseils me sont toujours d'une grande aide », me dit-il avec un ton sarcastique.
Les histoires comme cela, sans importances, ne m'intéressent guère. Surtout quand l'un à l'air de s'en ficher.
Je fais signe à Nick que je rentre chez moi, et fais la bise à Clara. Avant de partir, je vois une fille sortir de l'école. Je n'étais pas la dernière, mais elle l'était, cette silhouette que je n'oublierais pas.
Inconsciemment, je suis en train de l'attendre. Je reste plantée comme à mon habitude en train d'observer sa démarche gracieuse, d'une grâce féline. Elle semble me remarquer et me sourit. Je lui rends un sourire qui probablement n'a rien d'égal au sien. Elle s'avance vers moi.
« Bonjour, comme on se revoit. »
Sa voix a une certaine tonalité enjouée, ce qui me fait plaisir, après l'image que j'ai eu d'elle ce matin.
« Quelle coïncidence, n'est-ce pas ? lui dis-je.
— Belle coïncidence, effectivement. »
On se regarde pendant quelques secondes, il me semble. J'ai du mal à regarder les gens dans les yeux en principe, donc je détourne vite le regard.
Je ne sais pas trop quoi faire. Je ne sais pas par quel côté elle rentre, si je dois lui faire la bise, si je dois la saluer, si je dois lui dire au revoir. Je ne sais pas à quoi elle pense, je ne sais pas si je dois partir d'abord, je ne sais pas quoi faire. Je suis perdue.
« Et tu rentres par où ? me demande-t-elle.
— Par là.
— Ah tiens, moi aussi. »
Quelle coïncidence, encore une fois de plus.
Sur le chemin, elle prend la parole et se présente. Elle se nomme Ambre. Elle me dit qu'elle vient de retourner à l'école après une longue absence. Cela explique le fait que je ne l'ai jamais remarquée. Et oui, je l'aurais bel et bien remarquée. Je lui demande alors pourquoi elle marchait sous la pluie ce matin.
« Ah, tu m'as vu ? Et bien, tu vas trouver ça bête mais je voulais sentir le contact de la pluie sur moi. Je ne suis pas sortie de l'hôpital depuis environ 6 mois. Quand on est renfermée tout ce temps là, prendre un coup de soleil serait considéré comme merveilleux. »
L'hôpital ? Pourquoi l'hôpital ? C'est ce que j'aurais voulu demander, mais en connaissance de cause, je sais que c'est indiscret. Mais je voudrais tout de même savoir pourquoi. Un corps si fin pourrait avoir tellement de raisons d'être à l'hôpital.
On arrive devant une maison. La surface est rouge, il y a environ trois étages.
« Bon et bien, j'habite ici. À demain, j'espère ? me dit-elle.
— Bien sûr. »
Je ne voulais pas juste arrêter de lui parler, soudainement. C'était trop rapide. Il y avait bien d'autres questions que je voulais lui poser.
« Je peux avoir ton numéro ? lui demandé-je, avant qu'elle ne se retourne.
— Pourquoi pas. Mais j'utilise rarement le téléphone. »
Nous échangeons nos numéros à mon plus grand plaisir. Elle se retourne et rentre chez elle après avoir essuyé ses pieds sur le pas de la porte. Elle me fait un signe d'au revoir timidement.
Voici encore une fois un sentiment de satisfaction qui s'empare de moi faisant apparaître un sourire sur mon visage.
Sur le chemin du retour, je reçois un appel d'Ambre auquel je m'empresse de répondre. Elle continue notre discussion avec des sujets de conversations qui pourraient être des banalités mais qui sont pourtant forts intéressants venant d'elle, tel quelle est ta couleur préférée, ton plat préférée, ce que tu aimes faire dans ton temps libre. Trouves-tu quelqu'un d'intéressant ? Le temps passé au téléphone dépasse rapidement les quelques heures et je pourrais encore parler jusqu'à mourir de soif. Il y a tant de choses à découvrir d'une nouvelle personne, c'est fascinant.
Il faut pourtant, toujours se dire au revoir un jour, ce que je fais. Je lui souhaite la bonne nuit un peu plus tard et est très satisfaite de cette rencontre avec elle. Jusqu'à que je me rappelle que j'ai oublié de lui demander, pourquoi l'hôpital ?

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