Garrigue voyagea ainsi plusieurs jours avec son cheval, son dos s'était habitué aux nuits sur des matelas végétal faits de soyeuse mousse verte. Les soirs, sa fatigue le faisait glisser dans un sommeil si lourd qu'il ne songeait même plus aux risques à dormir à la belle étoile. Quant aux appréhensions qui naissaient chaque soir, elles s'effaçaient grâce à l'apaisement procuré par les rayons blancs du soleil levant, à chacun de ses réveils.
C'était une sensation extraordinaire que d’ouvrir les yeux et d'admirer le soleil qui pointe et vient clôturer une nuit qui a permis un sommeil profond et réparateur, juste avant de donner naissance à une nouvelle journée de liberté.
A deux pas de sa couche, son compagnon de route était fringuant et reposé, les étoiles scintillantes de la nuit avaient veillé sur leur sommeil.
Un large sourire fendit le visage de Garrigue puis il s'adressa à son cheval comme si celui-ci avait été humain. Les hennissements joyeux et répétés de la bête lui firent penser que peut être l'animal le comprenait et qu'il lui répondait dans sa langue. Il se remémora alors sa première rencontre avec l'homme-chouette et à ses mots sur ceux qui savent écouter les animaux. Il comprenait mieux maintenant et regrettait ainsi de ne pas comprendre le « cheval ».
La tête emplie de pensées légères, il scruta un peu l'horizon. Il devait maintenant prendre une décision sur la direction qu'il allait choisir pour poursuivre son chemin.
La veille, lorsqu’il avait établi son campement au hasard du retrait d'un chemin, il faisait trop sombre, pour voir ce que lui masquait la nuit noire. Il n’aurait pu imaginer la jolie vallée qui ce matin s'étendait devant ses yeux ébahis. Quel spectacle que toutes ces toitures paillées d'un village, où les maisonnettes bâties à quelques mètres les unes des autres, formaient un ovale parfait. Des cheminées laissaient échapper leur fumée blanche, signe de vie et les rires et cris d'enfants qui venaient jusqu'à lui laissaient présager un village riche, vivant et accueillant. Il s'agissait certainement d'un signe. Il décida de prendre la direction de ce village.
Le soleil était maintenant suffisamment haut pour commencer à réchauffer le dos de Garrigue alors qu'il s'activait à seller son cheval. Il prit son élan et se hissa en selle puis tira vivement les rênes pour mettre Panache d'Or en ligne avec le village. Il fit rouler une fois encore son anneau rutilant entre son pouce et son index. Le courage lui coulait à nouveau dans les veines, comme insufflé par le bijou. C'était le moment, il devait prendre sa vie en main et ce village était porteur d'espoir. Peut-être allait-il rencontrer des gens susceptibles de l'aider dans sa quête puisqu'il venait en ami et ne montrait aucun signe d'agressivité. Après tout, même au château de son père, on offrait à manger aux étrangers de passage —et au château des Hauts de Galante ce n'était pas par gentillesse, mais pour que l'on vante les mérites et l'affabilité du couple royal—. Lui, il commençait bien à avoir un peu faim.D'un même élan, ses deux talons frappèrent les flancs de son cheval qui s'élança au galop vers le village.
Lorsqu'il fut à la hauteur des petites maisonnettes, Garrigue freina sa monture afin d'entrer dans le village à une allure sobre pour de ne pas inquiéter les habitants. Les huttes qui lui paraissaient minuscules depuis le haut de sa colline étaient finalement de belle taille.
Garrigue savait que dans tous les villages il y avait des chiens de garde, mais ici pas de chiens, seulement des paons, des dizaines et des dizaines de paons qui vivaient en toute liberté et prévenaient de leurs cris aigus les villageois de son arrivée.
Déjà, des enfants accouraient dans sa direction et formaient un attroupement autour de lui. Aux cris stridents de la marmaille, se mêlaient les cris des paons.
Et effectivement, les avertisseurs fonctionnaient parfaitement, les braillements des bêtes eurent tôt fais d’attirer les habitants hors de leurs huttes. De tout côté du village, des gens curieux vinrent grossir le groupe d'enfants. Au premier rang, Garrigue ne voyait que des visages d'enfants, ceux-là même qui l'escortaient maintenant depuis son arrivée dans l'allée principale du village, au second rang, c'était une foule d'adultes qui s'épaississait lentement jusqu'à former une haie d'honneur jusqu'au centre du village. Au vu de l'accueil chaleureux qu'il recevait, Garrigue estima ce peuple pacifique et plutôt bienveillant. Maintenant Garrigue cherchait des yeux celui qui pourrait être leur chef.
Petit à petit, les enfants du premier rang disparurent pour laisser place aux adultes qui étaient maintenant si nombreux et si serrés que Panache d'Or ne pouvait plus mettre un sabot devant l'autre. Les cris stridents des paons se mêlaient à ceux nasillards et pénétrants des habitants, enserrant tant et si bien Garrigue, qu’il était bloqué sur son cheval. Quant aux acclamations, elles lui lacéraient les tympans. Soudé à sa selle, il ne pouvait mettre pied à terre. Ce peuple n'était peut être pas agressif, mais la foule était si envahissante qu'il se sentit un peu prisonnier et que l'accueil lui paru d'un seul coup oppressant.
La foule prégnante émettait des sons dont la tonalité grimpait de plus en plus haut dans les aigus. Tous ces corps mouvants, qui interdisaient simplement à Garrigue le moindre geste, dégageaient maintenant des hurlements si stridents qu'ils couvraient le bruit des paons. Garrigue passait en revue tous les visages tournés vers lui, à la recherche du chef du village. Ses yeux allaient et venaient sur chacun des visages, désespéré à trouver celui dont l'allure lui signifierait qu'il était le chef.
Mais il ne voyait que des visages féminins.Plus simplement, aucun homme ne semblait appartenir à cette foule.
Juste des femmes et des filles devant ses yeux.
Et elles parlaient une langue qu'il ne connaissait pas.
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L'ŒIL DE PAON
FantasyL'œil de Paon est un conte, un folklore oublié. Les contes, c'est de 7 à 99 ans. Cette histoire se déroule à l'époque des châteaux forts, des rois, des manants et où la sorcellerie agissait dans le secret des alcôves dissimulées. Garrigue vivait tr...