Chapitre 19 - Que des femmes

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Les sons assourdissants à ses oreilles lui faisaient tourner la tête, sa vision se troublait, sa tête allait exploser. La foule l'entraînait malgré lui, il n'était plus maître de sa monture, il serra plus fort le pommeau de sa selle afin de ne pas être désarçonné. Panache d'Or obéissait à la foule et s'arrêta. Garrigue fut arraché de sa selle et emporté dans une des maisons.

Les déchirements acérés dans ses oreilles furent remplacés par des bourdonnements saoulant. Ce peuple, que Garrigue avait un instant considéré pacifique, ne l'était finalement peut être pas tant que ça.

Etait-ce le soleil trop chaud, la peur ou encore les hurlements dans ses oreilles, Garrigue perdit rapidement connaissance.

Lorsqu'il revint à lui, il était seul, allongé à l'abri du soleil. Il promena son regard sur l'intérieur spacieux de la hutte dans laquelle on l'avait abandonné. Ses yeux firent doucement connaissance avec les lieux. Il était allongé sur une peau de léopard dans une grande pièce circulaire, dont le toit en forme de cône donnait une impression d'immensité. Il était seul, et il pouvait voir la lumière du dehors par la porte ouverte. Il n'était donc pas enfermé, pas ligoté non plus, donc pas prisonnier. Enfin, il ne savait pas trop. Quelques minutes lui furent nécessaires pour se remémorer son arrivée dans le village. Mais comment il était arrivé là et depuis combien de temps était-il allongé sur cette peau de bête, il ne trouvait pas de réponse à ses questions.

Le pourtour de la pièce était meublé d'étagères emplies de toutes sortes d'objets, des boîtes, des livres, des ossements, des bocaux garnis de bizarreries, des animaux séchés, des masques montrant la joie, la peine ou encore la peur et posées sur des guéridons de bois précieux des centaines de petites bougies bleues.

Étonné par la décoration insolite, Garrigue voulu se redresser sur un coude, son corps était lourd mais le pire était ses jambes qui ne répondaient pas. La panique vint s'ajouter au stress de la situation. Il n'était pas enfermé dans la hutte, mais dans son propre corps. Ce peuple avait pour le moins des méthodes particulières. Que lui voulait-on ? Pourquoi l'avait-on ainsi abandonné ? La panique habitait maintenant Garrigue. A ses yeux affolés, le regard de l'homme-chouette vint le rassurer.

- Vous êtes là ? Vous pouvez me sortir d'ici, je ne peux pas bouger, je suis cloué au sol s'exclama Garrigue, de plus en plus apeuré.

- Je ne peux faire cela, Prince. Mais voici ce que je peux t'apprendre.

L'homme chuchota rapidement quelques informations, pour instruire Garrigue sur le village dans lequel il se trouvait.

- Ce village est un village très connu des envoûteurs, il n'est peuplé que de femmes. Aucun homme ne vit ici, peu s'y rendent et ceux qui ont pu en repartir ne parlent jamais de leur expérience. Tu dois être d'une prudence extrême et ne pas donner l'impression à ces femmes que tu leur es supérieur. Surtout que tu ne l'es pas. Elles sont mille fois plus fortes que toi. Depuis la nuit des temps, elles vivent seules et ont appris à se débrouiller mieux que des hommes. Leurs muscles sont plus développés, leur intelligence s'est accrue, quant à leur cerveau, elles sont capables d'utiliser quatre vingt pour cent de leurs facultés. Par leurs pensées et leurs incantations, elles te feront faire, sans que tu n'y prennes garde, tout ce que tu t'es juré de ne jamais faire. Leur peuple s'appelle "Maldia". Elles connaissent tous les secrets de la magie qu'elle soit blanche ou noire, elles excellent dans leurs pratiques et sont d'une efficacité redoutable. Il te faudra être capable de droiture envers elles, car elles sauront détecter le moindre de tes mensonges, elles sentiront tes faiblesses et se joueront de tes prétentions. Tu devras être d'une extrême honnêteté. La dernière chose que tu dois savoir, c'est que ces femmes n'utilisent les hommes que pour la reproduction. Tu n'auras de valeur à leurs yeux que par ta capacité à être un bon mâle et si elles estiment que ta descendance pourra leur fournir de beaux enfants. Mais tu n'as aucun avenir avec elles.

- Pour ce qui concerne ta quête et pour trouver le chemin qui te mènera à ton trésor, tu devras utiliser leur grimoire. C'est leur livre sacré. Il renferme les secrets de leur peuple accumulés depuis les temps anciens. Il te faudra user de tout ton courage, de ruse et d'honnêteté pour les amener à te laisser approcher ce livre magique. Ensuite, fuis le village et ne te retourne jamais jusqu'à ce que le paysage te masque la vue des toits de chaume, alors tu pourras penser que tu as peut-être réussis, et tu pourras t'arrêter de courir.

- Merci pour ces informations, répondit Garrigue. Si vous pensiez me rassurer, autant vous dire, que le résultat attendu n'est pas là ! Et puis vous pouvez me dire comment je vais les amener à me montrer leur livre magique ? Sans compter que je ne peux plus bouger, je suis comme paralysé ?

L'homme à la cape ne répondit pas.

Le prince répéta sa question et chercha à s'asseoir, il mit tout son courage et les forces qui lui restaient dans ses bras pour essayer de se redresser. Une fois assis, il tourna la tête dans tous les sens, la pièce était à nouveau vide, il était seul, l'homme chouette avait disparu.


Certes, il savait ce qu'il avait à faire. Mais comment il allait réussir ce miracle ? c'était autre chose. Il arrivait dans un village où les femmes n'en voudraient qu'à sa virilité et où il devait voler un livre de sorts qui était certainement l'article le plus surveillé de tout le village. L'affaire était plus que mal engagée...

L'ŒIL DE PAONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant