Chapitre 5 - Le plan

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Regarder par la fenêtre ne lui suffisait plus.

Quotidiennement, la petite altesse échappait à la vigilance de sa gouvernante, pour disparaître dans les recoins du château et rejoindre la terre des paysans. Avec ses vêtements de pauvres, il passait totalement inaperçu, il se faufilait par les cuisines et les arrières cours, on le prenait pour un gamin de lavandières et pas même les gardes ne prêtaient attention à lui. Il était très fier de sa trouvaille, il était devenu un « invisible ».

Tous les jours, vêtu des habits volés aux lads, il allait rôder du côté des paysans. A la poursuite de son immuable objectif : parler, jouer, rire, et aussi peut-être découvrir l’amitié avec ceux de son âge, sentiment qui lui était tout à fait inconnu et qu’il ne demandait qu’à connaître.

Ses premières sorties étaient restées très discrètes. Il était peureux. Il passait du temps caché, simplement à espionner. Puis, au fil des jours, de ses sorties et de ses promenades, il avait appris à se fondre parmi la population paysanne. Depuis quelques temps, il pouvait se déplacer à visage découvert et personne ne le reconnaissait comme le fils du roi, mais il n’avait encore lié aucune connaissance, n’avait adressé la parole à aucun enfant.

Garrigue voulait tout et tout de suite et les choses n’allaient pas assez vite pour lui. Son manque de patience fit fi de sa nouvelle motivation. Ses choix bouleversaient ses habitudes de prince et écornaient sa  suprématie.

C'est son exaspération à persévérer qui le poussa à la bêtise et qui devint la source de son malheur.

Garrigue n'en pouvait plus d'attendre une hypothétique rencontre. Il voulait agir, créer l'événement, rencontrer des gens, et ça tout de suite.

Il décida donc d'aller plus loin que ses promenades parmi les paysans, de sortir du château et de s’aventurer à « La » fontaine, celle qui était au cœur de toutes les histoires de sorcellerie, de malin, et d'autres bizarreries.

Celle-ci se trouvait un peu à l'écart du palais. Pour s'y rendre, il suffisait de suivre le chemin qui contournait les masures des paysans et dépasser les grands arbres, ceux qui font comme une haie de quilles géantes. Ensuite, il paraît que la fontaine se dessinait d'un seul coup.

Lorsque Garrigue s'échappait, vêtu de ses habits sales, tapis à l'abri des regards, il avait pu entendre beaucoup de fables sur ce lieu mystérieux et soi-disant dangereux. Il était, le plus souvent, question de disparitions de jeunes filles, livrées en offrande. Mais il avait aussi entendu des histoires de sacrifices d'animaux et des racontars d’apparitions étranges, qui faisaient perdre la raison à ceux qui en avaient été témoin. Et puis aussi ces légendes qui racontaient que des sorcières se réuniraient, autour de cette fontaine, les soirs de pleine lune.

Le roi des Hauts de Galante niait tellement l’existence de ces commérages, que lui, ne savait pas quoi en penser.

Pourtant, même dans les couloirs du château, il avait maintes fois surpris le personnel relater des exemples de manifestations surnaturelles. Mais, comme, en parallèle, le roi se moquait de ces gens, qui, disait-il, jouaient à se faire peur, Garrigue, avait pris le parti de ne pas y croire.

D’un côté, ça l’arrangeait un peu, car ces histoires lui faisait froid dans le dos.

De l’autre, Garrigue des Hauts de Galante, prince du domaine des Hauts de Galante, unique fils du roi était de la race des gagnants. Ainsi, il était normal qu’il se fit à la version de son père comme étant la seule vérité. Doté d'une supériorité à tout rompre, prince de son état, il n'allait donc pas avaler ces histoires. A force de se le répéter, il ne pouvait qu’y adhérer.

L'ŒIL DE PAONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant