Chapitre 6 - Trop pressé

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Garrigue était encore bien jeune au moment des faits. Et pourtant, ce jour maudit resterait à jamais gravé dans sa mémoire.

Il n'avait que onze ans lorsque son existence bascula. Onze ans, c’est bien jeune pour passer des fastes du château à la misère. S’habituer à la pauvreté quand on est né dans le luxe, est d’autant plus compliqué lorsqu'on est seul responsable du changement.

C'est vrai qu'il était jeune, mais même des années après, il se rappelait encore la chaleur du soleil, jusqu'à la ressentir sur ses épaules.

  C’était par un beau jour de printemps qu’il s'était faufilé dans l'écurie pour y seller celui qu'il appelait alors
son destrier. Il s'agissait d'un poulain nommé Panache d'Or, qui lui avait été offert pour son dixième anniversaire. Il aimait jouer à faire comme les paysans qu'il espionnait toute la journée, et avec ce cheval, il pouvait donner libre court à son imagination.

Il se revoyait encore, ignorant les regards qui le chaperonnaient alors qu'il se dirigeait, seul, vers les remparts, pour prendre la direction de l'abreuvoir maudit.

Habité par son indéfectible certitude qu'il rencontrerait quelqu'un qui ne fuirait pas en le voyant, quelqu'un qui ne le connaissait pas ou bien qui ne s'occuperait pas de l'origine de sa naissance, il franchit les portes du château, la tête haute, paré de ses beaux atouts précieux.

Effectivement, vêtu comme un pauvre hère et chevauchant un animal au tablier flanqué des armoiries royales, lui aurait immanquablement valu d'être pris pour un vaurien et arrêté sur le champ.
Cela aurait peut-être mieux valu.

C'est pendant que la reine, très occupée à contempler ses richesses, que Garrigue réussissait, une fois encore, à fausser compagnie au personnel du château. Le jeune garçon savait bien que ses prérogatives se limitaient à l'enceinte du château, mais son incessante envie de faire des rencontres était plus forte que les interdits qui lui étaient posés.

Alors, Garrigue s'éclipsa du Royaume avec Panache d'Or. Libre, il galopa sur les chemins, bien trop dangereux pour un jeune prince ignorant et naïf, qui ne se doutait pas un seul instant que les rencontres qu'il pouvait faire ne seraient certainement pas à son avantage.

Son aventure serait simple. Il avait tout anticipé : il conduirait son cheval à la fontaine ensorcelée pour l'abreuver, comme le font les paysans, et s'en reviendrait évidemment sain et sauf. Ensuite, il raconterait son épopée à son père, qui ferait certainement relater les aventures de son vaillant prince de fils. Ainsi, il deviendrait une sorte de super héros, qui ne se laisse pas conter des histoires à dormir debout. Les enfants du village le vénèreraient et il pourrait enfin les approcher, puisque ceux-ci ne se moqueraient plus de lui et auraient même envie de faire partie de ses amis !

Le programme était simple, flatteur et séduisant.

L'ŒIL DE PAONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant