Chapitre 40 - La Nuit du Cérémonial Féminin

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Frioul avait un peu reprit ses esprits. La fin de journée s’annonçait et le soleil commençait à faiblir. Il lui restait peu de temps. Bientôt, il faudrait demander à Garrigue de quitter la tente et le village. L’heure d'entamer sa préparation approchait et elle ne voulait pas qu’il puisse y assister.

Ses retrouvailles avec l’homme de ses pensées avaient été compliquées. Elle reconnaissait cependant qu'elle n'avait pas été très explicite, et qu’elle comme lui n’écoutait que leurs propres intérêts, d’où les tentions dans leur conversation.

Les émotions trop fortes, certainement liées à son état et à ses hormones qui grimpaient en flèche, empêchaient la future maman de réfléchir sereinement. Sa peine était si lourde que pour couronner le tout, elle venait de remballer sèchement la seule personne qu’elle avait vraiment envie de voir à ce moment précis. Elle errait dans une impasse.

Comment réussir à reprendre une discussion apaisée ?

Frioul épiait Garrigue qui s’était assis tout près d'elle. La tête baissée, il ne savait trop que faire ou dire, convaincu que leurs retrouvailles étaient perdues.

De son côté, Frioul, blessée par cette vision, surpassa ses craintes et fit fi de ses doutes. Oubliant un instant sa future cérémonie, elle se concentra sur l'instant présent et sur Garrigue. Cette pression en moins, tout devint alors plus simple.

Parce que finalement tout était tellement naturel entre eux. Elle glissa sa main dans celle de Garrigue. Ils ne parlaient plus, ils se souriaient, ils riaient presque même. Alors leurs regards se connectèrent. Leurs doigts s'entremêlèrent, leurs respirations se firent plus rapides et plus fortes. Et c'est tout naturellement qu'ils se laissèrent aller l'un contre l'autre. La bouche de l'un embrassait la bouche de l'autre, tandis que les mains de l'un caressaient le corps de l'autre. D’un même élan, ils s'allongèrent simplement côte à côte, dissimulés par les peaux suspendues. Garrigue ne pensait plus à son trésor et Frioul oubliait pour un temps le bracelet ensorcelé, la cérémonie et le danger pour son bébé.

Après ce long moment intense où ils ne formaient plus qu'un, ils restèrent serrés, blottis dans les bras l'un de l'autre. Les langues se délièrent plus naturellement, Garrigue raconta plus en détail les difficultés rencontrées lors de son voyage et comment le grimoire l'avait aidé dans les épreuves qu'il avait traversées. Il lui fit aussi partager avec entrain son exploit de la traversée du lac pour rejoindre la tour, en avouant, un peu honteux quand même, qu'il ne savait pas nager… Frioul écoutait, sous le charme, des aventures de son héros.

Lorsque Garrigue raconta sa déception de n'avoir pas trouvé de trésor pour sauver ses parents, il fondit presque en larmes. Sans honte il dévoila ses faiblesses. Et avoua qu'il avait trouvé un autre trésor, bien plus précieux. Ce trésor, c’était elle, Frioul. Et que son vœu le plus cher était de ne plus jamais la quitter.
Au-dessus de leur couche, les yeux de Frioul passait un à un sur les petits pots soigneusement étiquetés. Ils contenaient les herbes, les feuilles et les racines soigneusement lavées, séchées et broyées qui allaient servir un peu plus tard à la cérémonie, tout comme les bougies, toutes bleues, spécialement fabriquées pour l'occasion. La réalité les encerclait. Il ne lui restait plus beaucoup de temps pour éclaircir le pourquoi du bracelet que Garrigue avait arraché de son poignet un peu plus tôt.

Toujours enlacée par les bras de son amant, elle laissa ses doigts caresser la peau meurtrie du poignet de Garrigue.

— Que t'est-il arrivé au poignet ? On dirait que quelque chose t’as brûlé ?

Garrigue évita le sujet. Maintenant qu’il était débarrassé du colifichet, ce n’était plus la peine de lui donner de l’intérêt. Libéré de cette engeance, il n'avait plus du tout envie de reparler de cette histoire. Et puis, il sentait que Frioul se laissait attendrir, petit à petit, il pourrait alors peut être la faire parler.
Frioul ne se satisfit guère de cette réponse qui ressemblait beaucoup trop à une éviction, mais elle pris le parti de remettre cette question à plus tard. Pour l’instant, elle préférait donner la primeur à cet homme avec qui elle rêvait secrètement de s'enfuir. Quand elle était dans ses bras, tout devenait simple, elle oubliait sa mission de Chamane du village, sa future vie, déjà toute tracée parmi les femmes. Elle oubliait tout ce dont elle ne voulait pas et dont elle n'avait jamais osé parler à personne.

Lovée contre Garrigue, elle entrevoyait simplement l’opportunité d’une vie différente. Une vie avec un homme à ses côtés, un homme présent qui pourrait être le père de ses enfants. Une vie simple, à des années lumières de la vie qui lui était promise dans son village.

Là, elle profitait simplement du bien être que lui prodiguait le contact de cet épiderme masculin. Elle s'autorisait à rêver qu'ils partiraient tous les deux sur son cheval et qu'ils pourraient alors vivre ailleurs, loin de ce village féminin qui refusait la mixité. Elle aurait adorer passer sa vie toute entière auprès de lui. A condition que ce bracelet...

L'ŒIL DE PAONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant