Chapitre 35 - S'enfuir encore

3 2 0
                                    

Finalement, même si son souhait le plus grand était de quitter cet endroit où il était venu pour rien, il avait tout son temps. En fait, il n'était attendu nulle part. Et puis, une mauvaise expérience par jour était suffisante.

Cette épreuve le ramena à ses souvenirs au château. Le manque de confiance, ses échecs successifs. Son sentiment de fierté n'avait été que feu de paille.

Comment rester digne alors qu'il repartait les mains aussi vides qu'il était venu. Serait-il alors capable de rentrer aux Hauts de Galante ? Après s'être prétendu sauveur de son royaume, s'il repassait les grilles du château sans trésor, il serait, à n'en pas douter, encore plus affligé qu'à son départ. Ce n'était juste pas possible. Dans ce cas de figure, tout ce qui lui restait à faire était de s'enfuir ailleurs.

S'enfuir encore une fois...

La brûlure s'était estompée et avec elle la douleur. Il toucha son poignet et apprécia le soulagement. Le jeune aventurier n'avait de cesse d'imaginer avec tristesse ce possible avenir et ce fut de tapageurs cris d'oiseaux qui le sortirent de ses réflexions.

Des oiseaux de toutes les couleurs avaient fait de cette île leur repère. Des perroquets, des aras, ces grands oiseaux à bec crochu dont les plumes multicolores les rendent majestueux. Ils étaient aussi beaux à regarder que terrifiants par leur taille. Garrigue contourna le seul édifice de l'île, en prenant bien soin de ne pas déranger les volatiles. Lorsqu'il était arrivé sur l'île, l'idée ne lui était pas venue d'en faire le tour, tant il était emballé à l'idée de monter découvrir « son » trésor caché dans la malle. Aujourd'hui, il en avait presque le sourire aux lèvres !

La magie, la sorcellerie, les trésors... C'était beaucoup, beaucoup trop pour lui !

Il en avait assez.

Le long des fondations de la tour, il trouva toutes sortes de baies. Il y avait de belles mûres bien noires mais aussi des framboises parfumées, des myrtilles sauvages, des grappes de cassis pulpeuses. Il s'empiffra de ces petits fruits réconfortants. Une fois son estomac calmé, il ressortit la tasse qu'il avait flanqué dans son sac. Elle ressemblait vraiment beaucoup à celle du vieil homme.

Mais c'était il y a si longtemps...

Il fouilla encore le contenu de son sac, il ne lui restait pas grand-chose : le grimoire et la fiole « pour retrouver Frioul ». Car il ne devait pas oublier que même s'il n'avait pas découvert de trésor, apte à lui rendre toute sa prestance, il devait tout de même ramener le livre magique à la tribu des Maldia.

Et puis, il reverrait Frioul...

Son esprit vagabonda dans ses souvenirs. Son impression lors de son arrivée au village, puis tout devenait assez flou, sauf la danse de Frioul dans la grande tente. Sa longue natte brune l'avait quelque peu hypnotisé et l'effet produit par cette vision envoûtante ne s'était pas un instant dissipé. Sa tête ne voulait pas abandonner ses pensées à la triste réalité qui s'abattait encore sur lui. Pourtant, son avenir était tout tracé, il ramenait le bien précieux à la Chamane qui occupait son esprit, puis il laisserait Panache d'Or choisir le chemin qu'ils suivraient et par la même leur destin à tous les deux.

Assis à même le sol, il avait vidé tout son sac à côté de lui, il y avait le livre, la tasse, le chiffon dans lequel elle était pliée et la fiole de liquide magique pour retrouver le village.

Il essuya soigneusement la belle tasse de porcelaine blanche et y renversa d'un seul coup le contenu du flacon sur lequel était inscrit « pour me retrouver». Advienne que pourra ! Son esprit revenait sans cesse sur le souvenir que lui avait laissé la jeune et belle Maldia. La couleur de ses yeux, la douceur de sa peau, le parfum de ses cheveux... Il porta le récipient à sa bouche, le liquide, sombre, mêlant bleu indigo et rouge sang était guère appétissant. Pourtant, il tenait, là, la meilleure solution pour confier son avenir à son destin.

Il prit une grande respiration, ferma les yeux et bascula tout le contenu sans déglutir.

Aussitôt avalé, son estomac le fit se tordre de douleur. Ses yeux le brulèrent jusqu'à ce que sa vue se brouille. Alors, le sol se couvrit d'une fumée mauve, semblable à celle qui avait précédé l'arrivée du vieil homme qui lui avait jeté le sort.

Renversé sur le sol, Garrigue pouvait sentir la fraîcheur de la terre de l'île. Elle dégageait un parfum si doux, la même fragrance que celle qu'il pouvait sentir un peu avant l'apparition de la chouette. Mais tous ces évènements se mélangeaient dans sa tête.

Soudain, il eut l'impression d'être emporté par un manège. Sa tête tournait comme une toupie. Certainement les effets de la potion commençaient à se faire sentir.

La magie opérait.

Et à nouveau, il plongeait vers l'inconnu.

L'ŒIL DE PAONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant