Chapitre 34 - Enchantements

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Dès qu'il regardait en bas, la magie du grimoire le ramenait vers le dehors, dès que ses yeux se portaient sur le faîtage du toit, tous les enchantements du livre se déchaînaient pour le propulser au plus haut de la tour.

Dommage, qu'il lui ait fallu autant de temps pour comprendre cela, il devait maintenant recommencer à gravir inlassablement les fameuses marches. Mais cette fois-ci, il ne ferait plus l'erreur de regarder derrière lui ! Il avait consommé un temps infini dans l'ascension des marches et par là même avait utilisé toute son énergie. C'était le prix à payer. Il le savait, on le lui avait assez répété que chaque utilisation de la magie avait un prix...

Ces interminables marches semblaient monter jusqu'au ciel. Les minutes s'allongeaient. La fatigue et la faim s'imposait désormais lourdement.

Ereinté, à bout de souffle, il posa enfin le pied sur la dernière marche. L'escalier débouchait au centre d'une large pièce claire. Les murs en pierre sur lesquels reposait le faîtage lui confirmaient qu'il était bien tout en haut de la tour. Au-dessus de sa tête, quelques oiseaux le surveillaient, posés sur les fermes de la charpente.

Enfin, ses yeux se portèrent au centre de la pièce. Là, se trouvait un coffre étrange, enseveli sous une poussière séculaire. Bien en vue.

Dès que ses yeux se posèrent dessus, sa fatigue s'envola comme par enchantement. Garrigue reprit courage et goût à sa quête de trésor. Il s'approcha de la malle. Elle semblait tellement grande qu'il aurait pu se glisser à l'intérieur. Les ferrures étaient rouillées, mais sous la puissance retrouvée de ses doigts agiles, le couvercle fut rapidement dégrippé et Garrigue pu le soulever, lentement, très lentement, comme pour mieux apprécier ce qu'il allait y découvrir.

Le grincement des charnières, le cri aigu du métal longtemps resté oublié, ajouta encore du suspens à la manœuvre. Une fois soulevé suffisamment haut pour que le couvercle ne retombe pas, un bric-à-brac mystérieux s'offrit aux yeux éberlués de Garrigue. De vieilles choses débordaient de cette malle et semblaient être là depuis la nuit des temps. Des tissus, de la vieille vaisselle, des ceintures, des chaussures usées. Il déballa tout ce qui se trouvait à l'intérieur. Il extirpait tout objet étrange. Il cherchait son trésor, sa surprise, sa libération, son rêve, ce qui allait lui rendre sa fierté et la reconnaissance de son père.

Malheureusement, plus il fouillait, plus ses trouvailles n'étaient composées que d'objets abandonnés et sans valeur. Lorsqu'il atteint enfin le fond de la malle et que tout son contenu faisait un fatras sur le sol, il martela le fond à la recherche de doubles parois. Le trésor devait être mieux dissimulé, caché dans un fond secret peut-être. Il cogna, tapa, frappa, tambourina à se faire saigner les poings. Rien, ni double fond, ni trappe secrète, le coffre ne contenait que de vieilles frusques et de la vieille vaisselle ébréchée.

La curiosité et la fougue qui avait mené Garrigue jusque là disparurent immédiatement pour être remplacées par une déception inimaginable.

Tout ça pour rien !

Bougon, il attrapa toutes les babioles et tissus et les remit en tas dans la malle, maugréant contre sa maudite guigne. Puis ce fut le tour des quelques pièces de vaisselle défraîchie que la colère lui souffla de fracasser. Mais au moment de les jeter, il se ressaisit. Une tasse attirait son attention. Cette vision le ramena instantanément quelques années en arrière. Cette tasse ressemblait à celle qu'un homme étrange lui avait un jour tendue à la fontaine aux mille incantations...

Là, elle avait l'air un peu sale, mais si elle était nettoyée... Sacrebleu, comment cela était-il possible ? Etait-ce simplement le hasard, ou bien...

Garrigue étudia un instant l'objet et décida finalement qu'il pouvait bien le conserver. Il roula la fine porcelaine dans un morceau de tissu soyeux, qui lui rappelait les robes de sa mère, et la glissa dans son sac.

Il remit tout en place dans le coffre, le referma soigneusement, et s'en retourna, tête basse, vers les marches qui le ramèneraient vers Panache d'Or.

Dire qu'il était déçu était bien en deçà de ses sentiments. C'est un Garrigue totalement abattu qui se laissait couler dans le colimaçon de la tour. Tout ce chemin, pour rien. Il passa et repassa tout le déroulé du film exposé par le grimoire, lorsqu'il avait vu le chemin à parcourir. Là, il ne comprenait pas. Il avait bien suivi cette route toute tracée que lui avait indiqué le livre. Alors pourquoi n'avait-il rien trouvé dans cette malle ? Est-ce qu'il arrivait trop tard ? Peut-être quelqu'un l'avait devancé et s'était emparé du contenu précieux du coffre. Pourquoi n'avait-il pas trouvé de trésor ?

Ou alors le trésor était-il ailleurs ?

Triste, mais toutefois plus aguerri, car il y a encore peu de temps, il aurait fondu en larmes. Aujourd'hui, il avait gagné en confiance. Sa déception était forte, mais il avait toutefois accompli son destin, même si celui-ci ne concordait pas tout à fait avec ses rêves et avec les prémonitions du livre magique.

Il aurait aimé pouvoir rentrer avec de l'or, des bijoux, des valeurs. Au lieu de ça, il avait quoi ? Une tasse en porcelaine et il ne savait même pas pourquoi il l'avait récupérée. En plus, ce n'était pas un objet qui lui rappelait un souvenir agréable, bien au contraire. Quelle étrange idée avait-il eu de faire cela. Mais, le fait de ne pas trouver les richesses qu'il attendait l'avait mis dans un état second. Il avait du prendre cet article par dépit.

Arrivé au rez-de-chaussée, il retrouva le plus fidèle d'entre tous, Panach' d'Or qui l'attendait devant la tour. Dehors, le soleil brillait comme s'il était parti depuis quelques minutes seulement.

Abattu par sa longue escalade et sa terrible déception, il choisit de visiter cette île au temps paradoxal. Profiter un instant et prendre son temps avant de rebrousser chemin.

Et de retraverser les eaux du lac...

L'ŒIL DE PAONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant