Chapitre 41 - Peuple barbare

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Les yeux de Frioul se posèrent sur son grimoire, qui avait retrouvé sa place sur l'autel. Peut-être contenait-il une solution. Il fallait faire vite, elle était maintenant à quelques heures de la cérémonie. Elle ne savait toujours pas si elle devait dire toute la vérité à Garrigue ou non. Il restait tellement évasif.

Au milieu de la tente principale, une longue table avait été dressée, sur laquelle de multiples fioles se dressaient. A l’intérieur, des liquides étonnant aux couleurs flamboyantes. C’était les potions. Tous les mélanges de feuilles et de graines, que les femmes du village avaient préparé en décoctions, et qu’elles absorberaient dans les heures à venir.

Et puis, Frioul devait revêtir la tenue d'apparat. C’était le protocole. Ensuite, les femmes les plus âgées, celles qui avaient déjà eu plusieurs enfants, et qui avaient participé maintes fois à ces célébrations, viendraient alors lui poser les peintures de la féminisation. Celles qui possèdent le pouvoir. Alors Frioul devrait avaler la potion bleue préparée à base d’œil de paon, celle qui permettra à l'embryon d’entrer en transe.

La sorcellerie prendrait alors le relais et il adviendrait de l'enfant qu’elle portait ce que la magie en déciderait.

Elle regarda le petit pot dans lequel se trouvait la fameuse peinture destinée à lui enduire le corps de dessins ésotériques. Des larmes dans les yeux, elle sorti de leur lit.

Elle se retourna un instant, et demanda à Garrigue de quitter la pièce. Il tenta alors le tout pour le tout et saisit sa dernière chance.

— Ecoute-moi Frioul, avant de partir, je veux que tu entendes ce que j'ai à te dire. Je sais que tu as des choses à faire qui n’appartiennent qu’à ton peuple. Mais je ne partirai pas d'ici tant que tu n'auras pas entendu ce que j’ai à te dire. Certes ta cérémonie te perturbe et tu peux avoir du mal à me prêter attention, mais tu dois savoir. Sinon, tout ceci ne restera qu'un échec pour tous les deux.

Je veux te parler de mon voyage. Je suis parti en emportant le livre de la vie de ton peuple ; manuel que tu m’avais délibérément prêter. Je veux que tu saches ce que j’en ai fait.

Ton livre m'a aidé dans bien des tâches mais il ne m'a pas permis de trouver le trésor sonnant et trébuchant que j'espérais. Ne me rejette pas, Frioul, écoutes moi. Tu dois entendre l'intégralité de mon récit.

Pendant tout mon voyage, je n'ai eu de cesse de penser à toi. C'était un peu comme si ce voyage n'était plus le mien, je ne cherchais plus vraiment de trésor, la seule chose qui occupait mon esprit était le moment où j'allais te rendre ton livre. Où j’allais te revoir. Au fil du temps, ma quête de trésor s'est transformée en quête pour te retrouver. Aujourd'hui, je suis là. Tout ce que je souhaite est de te garder dans mes bras à tout jamais. Naïf, je suis parti chercher un trésor composé de pierreries et de joyaux mais c'est un trésor de chair et de sang que j'ai trouvé. Je suis parti de ton village en prince peureux et j'y reviens en conquérant de ton cœur.

Frioul, je t’aime et je veux rester avec toi.

Frioul avait écouté sans broncher, la tête baissée pour dissimuler les larmes qui roulaient sur ses joues. Elle avait entendu tout le récit de Garrigue. Partagée entre un sentiment de joie et de haine, elle repoussait cette petite voix au fond de son cœur qui ne souhaitait qu’une seule chose : avouer à Garrigue qu’elle n’avait cessé de l’attendre.

Comment, quelques heures seulement, avant la nuit de la féminisation, pouvait-elle lui révéler que son souvenir avait occupé toutes ses pensées durant sa trop longue absence. Mais surtout comment lui avouer en quoi consistait cette fameuse « féminisation ».

Pourrait-il comprendre ? Que penserait-il de son peuple de barbare qui n’hésitait pas à détruire tout ce qui était masculin ?

Pourrait-il comprendre qu’elle mourrait de peur à l’idée qu’on lui ôte son enfant et que ce qu'elle souhaitait le plus au monde était de s'enfuir avec lui. Il n’y avait que ce problème de bracelet que Garrigue semblait vouloir cacher et Frioul ne pouvait jouer l’avenir du village Maldia sur des probabilités.

L'ŒIL DE PAONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant