L'épreuve fut rude, mais Garrigue avait gagné, il avait su dépasser ses peurs et enfin il pouvait être fier de lui. Ni la magie, ni aucune sorcellerie n'avait fait le travail à sa place cette fois-ci. C'est seul qu'il avait accompli ce périple. Et l'homme chouette l'avait félicité, à sa manière un peu particulière...
Les yeux tournés vers le ciel, il savourait sa victoire, la vraie, la seule enfin qu'il puisse réellement revendiquer. Immédiatement, il se sentait fort et prêt à tout, à combattre n'importe qui, à affronter n'importe quoi.
Lorsque tout est toujours venu à soi sans que l'on ait à fournir d'effort, même le plus infime, le plus petit obstacle parait soudain infranchissable. C'est alors qu'il faut fouiller dans ses ressources, et si la volonté est vraiment là, alors une certaine confiance fait son apparition et développe la persévérance.
Le nouveau Garrigue avait su puiser dans cette force.
Cette tour, qui se dressait devant lui, allait être son nouveau défi.
Elle s'érigeait là, tout près de lui. Bien réelle et semblable à ce que les pages du grimoire lui avaient montré. C'était une belle tour, bien ronde, bien haute. Pareille à celle dans laquelle attend une future princesse, promise à un destin fabuleux, dés lors que son prince de futur époux aura réussi à venir la délivrer. Une grande tour, bâtie avec de belles pierres, une tour robuste et solide.
Garrigue resta un moment immobile à évaluer cette montagne de grés taillés. Maintenant qu'il touchait au but, il voulait voir ce qu'il y avait dans ce coffre quelques marches plus haut. Sa patience était encore mise à l'épreuve...
Il attacha solidement le harnais de Panache d'Or, puis dissimula son sac près de l'entrée de la tour. Ce précieux sac rempli du grimoire et de la potion pour retrouver Frioul. Même s'il était évident qu'il se trouvait sur une île déserte, Garrigue ne voulait pas prendre le risque d'égarer ses précieuses affaires.
L'appréhension de la noyade avait été incontrôlable.
Et même s'il avait senti son corps se soulever lorsque les sabots de Panache d'Or avaient perdu le contact avec le fond vaseux du lac, il n'était pas prêt à admettre que l'eau pouvait le porter. Et c'est terrifié à l'idée de se perdre dans les profondeurs des eaux, qu'il avait focalisé toute sa concentration sur son ultime sésame, le pommeau de cuir, qu'il broyait de ses doigts.
L'épreuve avait été rude. Il céda à un repos mérité et nécessaire tellement ses muscles étaient contractés et douloureux, à force de s'être crispés à sa selle. Quelques minutes encore, et il pourrait entreprendre l'exploration de la tour. Gravir les marches qui le séparaient encore d'un avenir qui allait forcément s'éclairer.
Ce temps octroyé s'éternisa plus qu'il ne l'aurait pensé.
Garrigue se réveilla après plusieurs heures de sommeil. La lumière était la même que lorsqu'il s'était assoupi.
Sur cette île pas de nuit, pas de jour, le temps était arrêté. Seuls la fatigue, le froid et la faim rappelaient que les heures défilaient quand même. Un peu perdu dans les couloirs du temps il ramassa son sac, passa la bandoulière par dessus sa tête et entreprit de gravir les volées de marches quatre à quatre. Pressé d'atteindre son trésor.
Son sommeil avait été agité tant il avait imaginé son ascension et enjolivé la découverte de quantités d'or et de bijoux.
Seulement, son départ sur les chapeaux de roues s'atténua très vite. Il cessa rapidement d'enjamber les marches deux par deux. Ruisselant de sueur et les cuisses tétanisées par ses violents efforts, il gravissait maintenant les marches une à une, ses pieds fatigués ne pouvant faire mieux. Garrigue avait estimé l'ascension de la tour à quelques minutes. Seulement, chaque fois que ses yeux cherchaient à entrevoir le sommet, les volées de marches, les paliers, se multipliaient.
Lorsque, via le grimoire, il avait survolé les étages de la tour, il ne lui avait pas semblé que ceux-ci étaient si nombreux et que la tour était si haute.
Le grimoire, la solution était là. Il n'était pas encore suffisamment familiarisé avec la sorcellerie pour avoir recours à elle au premier problème, ce n'était pas encore un réflexe. Mais, il apprenait vite. Il s'assit sur une marche, leva encore les yeux vers le sommet par le milieu du colimaçon. Les marches s'étendaient à perte de vue. On aurait dit qu'il lui restait encore mille étages.
Alors qu'il se saisissait du grimoire Maldia, il serra les dents, feignant d'ignorer la douleur à son poignet. Puis, de manière presque précieuse, il défit toutes les fermetures du livre. Les lourdes pages se tournèrent alors seules, sans hâte. Soudain, elles dévoilèrent, des images d'escaliers. Une fusion du livre et de l'escalier sembla se produire. Le trajet jusqu'à la malle aux merveilles apparut d'une clarté sans commune mesure. C'était sûr, il n'y avait pas d'erreur possible, il était bien là où il devait être.
Garrigue referma soigneusement le livre, un peu surpris par le peu d'effet du grimoire. Il le replaça dans son sac, en évitant que les bords ne frottent son poignet rubicond.
Lorsque Garrigue reprit son ascension, il lança un regard au sommet de la tour, il lui semblait ne compter que quelques étages, trois ou quatre peut être, pas plus.
La magie avait fonctionnée !
Ravi de cette constatation, il voulu estimer à quelle hauteur il était du sol.
Incroyable ! Il pouvait entendre le cliquetis du harnais de Panache d'Or. Il était à nouveau au rez-de-chaussée. Il se retrouvait au point de départ.
Tenace, Il reprit alors son ascension. Il redoubla d'énergie pour se hisser en haut des marches, ne quittant plus des yeux le sommet. Il montait à un rythme lent mais régulier. Les paliers ne se multipliaient plus. Il voyait le sommet s'approcher et apercevait maintenant les poutres de la charpente.
Les meurtrières laissaient tout juste filtrer une lumière immuable qui maintenait cette notion du statu quo du temps. Il escaladait ces marches depuis le matin lui semblait-il et il n'avait toujours pas atteint le sommet.
Lorsqu'à nouveau il voulut prendre la mesure des étages enfin parcourus, Garrigue compris à l'instant même où il baissa les yeux qu'il était victime de la magie.
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L'ŒIL DE PAON
FantasyL'œil de Paon est un conte, un folklore oublié. Les contes, c'est de 7 à 99 ans. Cette histoire se déroule à l'époque des châteaux forts, des rois, des manants et où la sorcellerie agissait dans le secret des alcôves dissimulées. Garrigue vivait tr...