Chapitre 44 - L'oeuvre Maldia

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Tiraillée par la soif, elle chercha la cruche qu'on avait dû lui laisser, sa main heurta le verre que quelqu'un lui tendait.
C'était Garrigue, il était dans la cabane. Déguisé, il portait les mêmes vêtements que les femmes du village et pour davantage se travestir, une sorte de couverture lui recouvrait les cheveux. Lorsque Frioul comprit que c'était lui, il posa un doigt sur sa bouche lui signifiant de ne pas parler trop fort. La jeune femme ne comprenait pas. Son esprit embrouillé par l'activité pesante de la nuit rendait sa réflexion difficile, et avant qu'elle ne s'apprête à hurler pour qu'on lui vienne en aide, Garrigue la bâillonna de sa main.
Il entreprit alors de lui expliquer que Panache d'Or les attendait un peu plus loin à l'extérieur du village pour les conduire tous les trois vers le château de ses parents. Ils devaient juste attendre le bon moment, c’est-à-dire dès que toutes les femmes se retirent pour se reposer de leur intense activité nocturne.
Garrigue fit de son mieux pour rassurer Frioul qui ne savait plus quoi penser de cet homme à qui elle avait, la veille, dévoilé toute sa vie et qui, découvrant la vérité, avait immédiatement disparu. Cet homme dont elle avait douté de la loyauté, sous ses apparences faibles, s’avérait être finalement bien plus fort qu'elle.
Impressionnée, elle ne quittait pas Garrigue des yeux. Le regardant se démener, elle se sentait en sécurité. C’est en sa présence qu’elle se sentait forte, à ses côtés qu’elle gagnait du courage.
Pas un instant elle n’avait pensé à nommer ce qui se passait entre eux et qui allait jusqu’à l'empêcher de manger et de dormir.
Finalement, elle avait toujours su que son devoir n'était pas de rester dans le village, mais jamais elle n'aurait cru qu'elle l'aurait quitté de la manière dont elle s'apprêtait à le faire, sans rien dire, et en s'enfuyant avec un homme.
Une chose encore gâtait son plaisir, c'était cette marque au poignet que Garrigue persistait à dissimuler.
Assise face à lui, elle attrapa les deux mains de Garrigue par les poignets et baissa les yeux sur la zone brûlée. Elle caressa la peau fripée par l’action du mal et sans que ses doigts ne quittent la zone cloquée, elle interrogea Garrigue du regard. Il se livra alors sur cet épisode désastreux de sa vie. Il raconta ses parents, le château, son ennui d'être un enfant unique, seul parmi des adultes. Puis, pour la première fois de sa vie, il  confessa sa solitude, sa désobéissance à sa mère, Noémie la cuisinière, son voyage jusqu'à la fontaine aux milles incantations et sa rencontre avec le malin, point de départ de tous ses désagréments. Il détailla également comment, petit à petit, ses parents s'étaient ruinés. Il se confia totalement. C'était la première fois qu'il racontait son histoire sans subir de jugement et sans moquerie. Alors, il n'omit aucun détail et Frioul buvait ses paroles.
Elle savait maintenant que Garrigue n'était pas un danger pour le village, il ne voulait de mal à personne.
Par contre elle ne s’expliquait pas pourquoi le bracelet avait soudain lâché. Elle connaissait suffisamment la sorcellerie pour savoir que lorsqu'un charme est scellé avec l'aide d'un objet que l'on peut fermer par un nœud, comme le présent bracelet ou un collier, il est quasiment impossible de s'en défaire et la seule personne qui soit apte à le rompre est seulement celle qui a créé le sort.

Garrigue, n’était pas intéressé par le pourquoi. La seule chose qui lui importait était que ce bracelet ne lui ceigne plus le poignet. Pour quelle raison le lien avait cédé, il s’en moquait totalement.
Maintenant, qu’il s’était livré totalement à Frioul, qu’il ne lui avait rien caché, il pouvait lire dans ses yeux la reconnaissance pour son honnêteté.

***


Ne sachant que dire, il prit Frioul dans ses bras et l'embrassa tout simplement.

L'ŒIL DE PAONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant