Chapitre 26 - Le rituel

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Autour d'eux, tout le village avait repris une activité normale et s'agitait comme s'ils étaient invisibles. Le regard de Garrigue s'éleva vers le lointain, ses talons piquèrent les flancs de son cheval, qui se lança dans un galop effréné.

Frioul resta encore quelques minutes à scruter l'horizon, ses yeux perdus dans la traînée de poussière soulevée par les sabots qui emportait un homme dont jamais elle aurait pu croire qu'il puisse occuper à ce point son esprit.

Voilà une bien étrange sensation qui habitait le cœur et le corps de Frioul. Des doutes l'envahissaient car elle était, elle, la Chamane, la dépositaire du grimoire, livre scrupuleusement peaufiné par des générations de sorcières, un recueil presque séculaire. Elle avait reçu le titre de Chamane et avec lui la charge du grimoire, voici cinq années. Le manuel se transmettait dès lors que la Chamane en titre atteignait un âge ne lui permettant plus de mettre des enfants au monde. Alors une cérémonie, au cours de laquelle le rituel de sacrifice était encore bien présent, le grimoire était transmis à celle qui laissait présager la plus grande force parmi les jeunes filles en âge de donner la vie.

Tout un rituel.

Frioul avait été la lauréate, « la » nouvelle Chamane, choisie parmi une cinquantaine d'autres jeunes filles, elle a qui tout un village avait accordé sa confiance, et c'est elle qui venait de prêter « Le Livre » à un inconnu, qui plus est, un représentant de leurs pires ennemis. Bien sûr qu'elle avait confiance, mais son esprit était brouillé par des sentiments qu'elle ne maîtrisait pas et les doutes s'installaient.

Frioul avait avalé en même temps que Garrigue l'antidote à la potion de l'oubli, elle devrait donc être prudente pour ne pas laisser paraître, devant les femmes du village, un sentiment qu'elle allait devoir cacher bien difficilement, celui de l'amour, du manque de l'autre et de l'inquiétude.

Garrigue se souvenait qu'il ne devait pas se retourner après avoir volé le grimoire. Lui ne l'avait pas volé, mais il céda tout de même aux conseils de l'homme en noir, et s'interdit de se retourner. Il aurait pourtant tellement aimé peut être apercevoir celle qui ne quittait plus son esprit, mais Panache d'Or courrait au triple galop, il aurait vite fait de mettre de la distance entre le village Maldia et eux.

La course de l’équidé se ralentit en traversant un paysage aride, lunaire. La terre était très sèche et rouge, les arbres n'étaient plus que des arbustes épineux, c'est en constatant cette différence avec les verdoyantes prairies proches du village Maldia que Garrigue s'autorisa à stopper sa monture et à se retourner. Il aperçu dans le lointain, très loin, trop loin, de fines traînées de fumées qui rejoignaient le ciel. Sans doute les cheminées des huttes du village de Frioul.

Quelle étrange aventure. Il avait réussi à faire que son passage dans le village des sorcières se passe bien et summum, que l'une d'elles, et pas la moindre, lui prête le fameux grimoire magique. L'homme en noir avait peut être un peu trop noirci le tableau lors de sa description du village et de ses habitantes. Ses geôlières, passée la peur qu'elles lui avaient flanqué à son arrivée, étaient plutôt conviviales, surtout une, surtout la Chamane, surtout Frioul.

De cette histoire, il en ressortait qu'il n'était pas pris en chasse par le village entier pour avoir dérobé le grimoire. Il se remit donc en route, mais plus calmement cette fois, il se devait de prendre soin de Panache d'or s'il voulait que celui-ci lui le mène à son destin. C'était son seul allié, et il devait pouvoir compter sur lui.

L'ŒIL DE PAONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant