~"I'm not crazy..."

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Novembre 1996, Londres, Angleterre.

Bethlem Royal Hospital.

La tombée de la pluie, émettant un bruit inaudible à mes oreilles insensibles. Mes yeux ne peuvent voir les gouttes s'écraser sur le ciment dur, c'est sûr, il va me trouver.

Je m'engage à essayer de le tromper, je rage à trouver un moyen de l'éviter. Son ombre, elle, reste là, tout bas, elle me parle. Des paroles, qui ne veulent pas faire comme le son des gouttes de pluie, elles, elles restent dans ma tête, m'embêtent. Ma pauvre tête, moi qui suis trop bête pour bien m'en servir. Je dois recourir à lui et à ses démons infinis.

C'est fou comment l'infini c'est grand, il m'a dit que ça ne s'arrêtait jamais, qu'on ne voyait pas la fin. Il m'a dit, qu'avec lui, l'infini serait à portée de mains, que demain matin, je pourrai m'enfuir loin avec lui seul comme copain. Il me hante de ses remarques méprisantes, de ses paroles terrifiantes.

Par contre, je ne suis bonne qu'à lui obéir, à l'heure où je dois dormir, il vient et j'abandonne face à lui. Ce monstre me traque tout au long de ma journée et, quand il parvient à me trouver, je remarque sa présence en moi.

Me chuchotant des injures, me disant que je ne suis qu'une enflure, il se moque de mon désespoir. Le soir, c'est réveillée que je suis dans mon lit, essayant d'ignorer ses piques, mais dans son ton elliptique, je ne m'imagine pas sans lui.

Cette silhouette obscure, dont l'âme n'est pas pure, me contrôle, m'épaule sans s'en aller. Personne ne la voit, sauf bien sûr pour moi. Comme si, à chaque fois que je le vois, il n'est pas vraiment là. Comme s'il ne m'appartenait pas, mais bien que ce soit moi qu'il détient.

Jeune, je regardais les gouttes tomber du ciel. J'étais assise, cet individu, que personne n'avait vu, à mes côtés. Il était tout noir, comme le soir. Il me reflétait, comme un miroir. Il m'emprisonnait, comme un étouffoir. Sans visage, parfois il disparaissait, ne laissant derrière lui que poussières.

Plus les années passèrent, j'ai vite compris qu'il n'était pas ce que je croyais. Parlant de lui à mes amis, tous m'ont rejetée, disant de moi que je n'étais qu'une écervelée.

Puis, à mes parents je leur ai dis, ils n'ont pas souris, sachant déjà ce qui me hantait. Sans un mot, ils m'ont tournée le dos, pris le téléphone et ont composé le pire des numéros. Je n'avais pas les mots, mon cœur avait lâché. Le dos droit, je regardais devant moi, retenant mes larmes. Elles n'allaient pas me servir d'arme, je savais que mes ascendants se réjouissaient de mon départ.

Après cet événement, les agents débarquèrent dans l'entrée. Des gens m'entouraient, me parlaient, mais l'ombre de mes songes était la seule à pouvoir me parler.

Il me dit de crier, de leur faire peur, de retenir mes pleurs. Fixant mes orbes dans ceux qui m'étouffaient, deux mèches tombèrent devant mes yeux, tels avec des pieux, je pouvais poignarder leurs âmes. « JE NE SUIS PAS FOLLE. Je ne suis pas folle, je ne suis pas folle, je ne suis pas folle, je ne suis pas folle, je ne suis pas folle, je ne suis pas folle, je ne suis pas folle. » M'écriais-je, faisait sursauter mes supposés parents. Des yeux terrifiés se retrouvaient devant moi, tandis que la figure noirâtre riait, se moquait.

On m'emmena dans l'âtre de l'hôpital, s'attendant de moi que je ne devienne dingue. Ma vie boulingue devait se terminer dans ce centre.

Me voilà aujourd'hui dans ma chambre, à 36 ans, toujours à regarder les gouttes de pluie, essayant de distinguer leur bruit. Comme la première journée ici, j'attends qu'il ne me retrouve, qu'il n'ouvre la bouche pour me répéter que je ne suis qu'une écervelée.

Bombardée de rendez-vous, j'ai finalement compris que la schizophrénie n'est peut-être pas une maladie.

Et si, nous n'avions pas uniquement qu'une seule âme dans notre corps, mais que ce soit la plus forte qui nous contrôle ? Et si, les gens atteints de schizophrénie ne possédaient aucune âme plus puissante, donc toutes se battent pour nous avoir ?

« Stupide. » Chuchota la voix rauque.

Dans ma chambre fermée, aussi glauque qu'à l'habitude, il me retrouve, son souffle invisible, pour lequel je devrais être insensible, glisse sur ma nuque. Il m'a encore retrouvée.

« Je ne suis pas folle... » Murmurais-je.

Textes d'une idioteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant