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Je froissai mes paupières ainsi que mon nez sous l'écho de mon réveil, qui commençait nettement à me taper sur le système.
Je m'enroulai un peu plus dans ma couverture en tournant le dos à cette stupide sonnerie, couinant comme un petit animal, me tortillant comme un asticot pour ne pas sentir cette fraîcheur matinale.

Qu'est-ce que je déteste ces réveils fracassants.

Je me frottai le visage en reprenant mon sens initial, faisant face à mon réveil qui résonnait dans toute la chambre, pour finalement lâcher ma main molle dessus, en vue de l'éteindre.
Je poussai un soupir de soulagement en n'entendant plus cette mélodie robotique dans mes oreilles, avant de finalement sortir un de mes deux yeux du sommeil profond dans lequel j'étais plongé.
6h13.
Il était exactement six heures treize du matin.
Je lâchai un grognement d'apitoiement sur ma propre personne ; je m'étais trompé d'heure. Cette journée commençait bien. Je gonflai mes joues sous l'agacement avec lequel je commençais mon jour de travail ; m'allongeant sur le dos, une main blottie contre mon torse sous la couette chaude de mon lit, et l'autre déposée sur mon front.
Je regardai avec difficulté mon plafond dans le noir, en ne discernant aucunement les quatre coins de ce dernier.
Je sentais clairement que tout mon organisme était lourd et marchait encore au ralenti. J'avais beau apprécier mes heures de sommeil et répéter qu'elles étaient précieuses, j'étais le premier à être médaillé pour mes insomnies, et lorsqu'il me manquait des heures de sommeil, cela se ressentait dans mes attitudes qui viraient directement à des attitudes de ronchon.

Je sortis alors mon deuxième bras de sous les draps pour le déposer au-dessus d'eux, et commençai à m'amuser en tapotant le moelleux du lit de mes cinq doigts, sur un rythme non prédéfini.

Je laissai mon esprit sortir de la brume matinale, sachant très bien que je ne pourrais pas me rendormir avant ce soir, deux heures du matin si tout allait bien.

Ma solitude vint me rattraper violemment, comme à chaque moment de ce genre.
J'ai 26 ans, bientôt 27, et je ne suis pas marié.
Je n'ai même pas de petite copine, et en plus de cela ça doit faire cinq mois au minimum que j'ai pas baisé un truc.
Je me désespérais.
Et comme si tout ça n'était pas suffisant, cela faisait facilement trois mois que je n'avais pas de boulot.
Par chance, un lycée voisin ayant besoin d'un nouveau professeur de littérature m'avait embauché... Était-ce vraiment de la chance ? À l'origine, je suis professeur de sport, mais ayant fait des études de langue, j'ai rajouté ça à ma liste pensant que cela serait un plus au cas où... Au final, j'avais été embauché dans la matière que moi-même détestais le plus en tant qu'étudiant, mais dans laquelle je n'étais pas trop mauvais par miracle.

J'avais uniquement accepté le poste parce que je n'avais pas de boulot, mais si j'avais vraiment eu le choix, je ne l'aurais pas pris... Pourquoi ? Eh bien voir ces petits cons papillonner pendant deux heures devant mon nez, les entendre brailler sans aucune raison apparente, devoir tenir tête au pseudo-rebelle de la classe, répondre à leurs questions sans queue ni tête, sourire chaque matin en voyant leurs visages encore endormis ou bien alcoolisés de la veille, sentir leur transpiration se mélanger à leurs odeurs de clope, stopper les discussions sur qui a baisé qui dans les toilettes du lycée, séparer les idiots qui se font la guerre, calmer la petite Soomin parce qu'elle n'a pas eu la note qu'elle voulait, entendre leurs stupides excuses à deux balles pour leurs devoirs rendus en retard, faire taire le petit blagueur de la classe qui sait pas se la fermer, et tout le reste... Bah c'était pas trop mon truc à vrai dire. Mais vraiment pas.
Sans oublier le fait que je devais m'imposer devant eux en tant qu'homme dur mais parfois drôle, et non en tant que leur super prof qui faisait pitié : celui à qui on aime bien faire des blagues pendant le cours et dont on n'a pas peur.
Je ne voulais pas finir comme ces profs victimes de leurs classes, je n'avais pas le moral pour.
Faire des dépressions à cause des plaintes des parents, qui ne comprenaient pas les mauvaises notes de leurs gosses les branleurs, n'était pas mon délire non plus en fait.

ᴋɪɴᴋ ᴍᴇ, ygjmOù les histoires vivent. Découvrez maintenant