CHAPITRE 15

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Plusieurs mois plus tard

Walter

Quand ils avaient ouvert la porte en bois de notre cellule, nous étions encore endormis. Ils s'étaient dépêchés de nous couvrir le visage et de nous ligoter les mains, puis nous avaient fait sortir de notre pièce. La panique s'empara de moi. Ils ne faisaient jamais cela, même lorsque l'on nous offrait le bénéfice d'une douche, ils ne nous réveillaient pas aussi brutalement, et ne nous couvraient pas le visage.

Mon rythme cardiaque s'accéléra au fur et à mesure de notre progression, d'une part car la marche était rapide et d'une autre car la peur s'insinuait en moi. Je n'avais pas eu le temps de voir si ils avaient amené Shane, j'espérais, égoïstement, que oui. Autour de moi, les cris fusaient dans tous les sens, et l'agitation était palpable, un homme me bouscula dans sa course et ne rata pas de m'insulter.

Toujours aveugle, je tentais vainement de me faire des hypothèses sur ce qui se passait, mais mon esprit avait du mal à se concentrer avec l'agitation ambiante, et l'homme, qui dans mon dos, m'ordonnait d'avancer.

J'avais chaud, extrêmement chaud, et au fond de moi j'espérais que tout cela cesserait bientôt. Mon souhait fut exaucé, car quelques instants plus tard, un vent frais vint que fouetter le visage, à travers le tissu de la cagoule. Ce vent, qui dans un premier instant m'apaisa, ne fit que redoubler ma peur. Que faisions-nous dehors ? En pleine nuit qui plus est. Etait-ce enfin la fin de ce calvaire ? Allaient-ils enfin nous exécuter ? Une partie au fond de moi souhaita que la réponse soit positive, pour être enfin libre. Mais une autre partie voulait encore vivre, même si c'était dans cette prison, je tenais encore à la vie. Et qu'allait-il arriver à Shane ? Allaient-ils le tuer lui aussi ? Le laisseraient-t-ils vivant, supportant seul le calvaire que nous endurions depuis de nombreux mois ?

Le cri de l'homme derrière moi me ramena à la réalité, et celui-ci me poussa dans une direction inconnue. Une sensation de vertige s'empara de moi et je sentis mon sang tambouriner violemment dans mes tempes. Mes pieds nus s'enfonçaient mollement dans le sable froid –ce qui confirme bien l'heure de la nuit- et je regrettais déjà d'avoir laissé mes chaussures dans la cellule. La marche frénétique ne dura pas plus longtemps car on m'obligea à grimper dans ce qui me semblait être un véhicule. Mes hypothèses s'avérèrent être justes quand le vrombissement d'un moteur se fit entendre. Ce son qui pour bien des personnes était désagréable, car bruyant, était pour moi un renouement avec la société moderne, dont j'avais été écarté depuis bien longtemps. Le véhicule se lança sur un sol caillouteux, qui faisait cahoter la voiture à chaque instant.

Le voyage dura assez longtemps pour que l'air ambiant se réchauffe et que la sensation de soif ne l'accompagne. Je ne disais rien. J'avais bien compris qu'au moins un homme se trouvait aussi à l'arrière du véhicule, et qu'il n'hésiterait pas à me frapper si je parlais trop. Pourtant, l'envie d'appeler Shane me tiraillait, pour savoir s'il se trouvait, lui aussi, dans le véhicule. Je le fis, tant qu'à faire, autant le savoir maintenant.

-Shane ?

La seule réponse reçue fut le poing de l'homme qui s'écrasa sans douceur sur mon nez. Pourtant la douleur physique ne semblait pas m'atteindre tant la douleur psychologique était grande : Shane n'était pas là, peut-être était-il déjà mort, peut-être encore vivant, je n'en savais rien, mais ce que je savais c'est que nous avions été séparés.

Quand le camion s'arrêta enfin, la chaleur me submergea et l'homme qui se trouvait à côté de moi hurla dans sa langue natale de descendre du véhicule. Posant fébrilement mon pied sur le sable chaud, j'attendais la suite des instructions. La peur qui ne m'avait pas quitté depuis notre départ s'intensifia, et je ne pus rien faire pour résoudre cela, ce qui me rendait encore plus nerveux. Une main se plaqua dans ma dos et me poussa, bien que le geste ne soit pas violent, mon absence de visibilité me fis chuter de tout mon poids dans le sable, sans que je puisse me rattraper à cause de mes liées dans le dos. J'entendis des rires moqueurs tout autour de moi, puis une autre main me releva, et enleva la cagoule qui me couvrait le visage. Le soleil m'aveugla un court instant, et mon premier réflexe fut de chercher désespérément Shane du regard. Je poussais un soupir de soulagement quand un deuxième véhicule s'arrêta quelques mètres plus loin, et que Shane descendit. Ne pensant pas aux conséquences de mon acte, je me précipitais vers lui, tentant d'accélérer le pas pour y arriver au plus tôt. J'étais à peine à quelques mètres de lui que l'on me plaqua violemment sur le sable. L'homme qui venait de me broyer le dos, me retourna et me menaça directement avec son fusil d'assaut. Dans mon champ de vision, entrèrent en même temps, Shane et le traducteur, l'un me jetait un regard plein de haine, l'autre un regard plein de compassion. Le traducteur ordonna à l'homme de me relâcher puis s'éloigna en soupirant. Je me relevais difficilement sans l'aide de mes mains et à peine remis sur pied, Shane s'inquiéta pour mon état.

Séquestrés {Boy x Boy}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant