Walter
La sensation de la couverture sur mes épaules m'était tellement agréable qui me fut difficile de m'en détacher, malgré le fait que je sois réveillé depuis plusieurs heures. La soirée m'avait exténué mais je n'avais pas beaucoup dormi pour autant, les rêves encore emplis de visions qui appartenaient désormais à mon passé. Mais ce qui m'avait aussi empêcher de dormir, c'était que ma mère m'avait appris tard dans la soirée, que Ryan viendrait me chercher dans l'après-midi. J'avais passé une partie de la nuit à me retourner le cerveau pour essayer de prévoir mon attitude quand nous serions enfin l'un face à l'autre, et malgré mes heures de recherches, je n'avais trouvé aucune solution crédible. J'avais aussi remis en question les sentiments que j'avais envers lui. Je ne savais pas trop ou j'en étais côté émotionnel, il était sûr que je voulais absolument revoir Ryan, mais notre relation serait-elle la même après ce qui nous avait séparé.
Quand mon père vint ouvrir ma porte pour me proposer de manger en leur compagnie, ce fut contrecœur, je quittais le confort de mon lit. N'ayant pas d'autres affaires, je dû remettre la tenue que je portais la veille. Une fois vêtu, je descendis les escaliers pour rejoindre mes parents dans la cuisine. Déjà préparé, un plat de chili con carne reposait sur la table centrale. Nous discutâmes de banalités, ce qui ne me déplut pas vraiment. Pourtant malgré la tranquillité de la situation, je ne pus m'empêcher d'angoisser sur la venue prochaine de Ryan. Après une tasse de café, la sonnette résonna enfin. Je ne dis pas un mot et me dirigeais directement sur la porte d'entrée. Comme espéré, Ryan se tenait sur le pas de la porte. Quand il posa ses yeux sur moi, je pus facilement y lire la joie mais aussi une certaine surprise. N'osant plus bouger d'un seul pouce, de peur de faire quelque chose mal, nous nous fixâmes juste sans rien faire d'autre. Il avait changé. Il s'était laissé pousser la barbe, et teint ses cheveux bruns en châtains clair, mais je retrouvais tout de même l'homme que j'avais aimé.
-Salut Ryan, dis-je pour briser le silence qui devenait gênant entre nous.
Sans répondre, il me prit dans ses bras, et j'allais volontiers m'y loger à mon tour.
-Tu veux rentrer, on est en train de boire le café, lui demandais-je une fois notre étreinte terminée.
Alors que Ryan allait accepter, ma mère intervint dans mon dos.
-Mon chéri, allez plutôt discuter chez vous, ou dehors, vous avez beaucoup de chose à vous dire.
Ryan lança un regard étrange vers ma mère, et quand je me retournais, il me sembla que me mère, derrière son large sourire, cachait une certaine tristesse.
-Ça te va Ryan ?, demandais-je en me retournant vers lui.
-Oui, oui c'est bon.
J'embrassais donc parents, avant de partir en compagnie de Ryan. Durant le trajet qui nous séparait de notre domicile, nous ne discutâmes que de ma santé, qui l'inquiétait vu « comment j'étais maigre », d'après lui. Quand notre maison pointa le bout de son nez, une sensation de plénitude s'empara de moi, et je me sentais comme invincible, intouchable.
Quand nous passâmes le pas de la porte, je ne pus m'empêcher de remarquer les petits détails qui avaient changé depuis que j'étais parti. Le canapé avait été changé, et la télé avait déplacée. Je n'eus pas le temps de voir le reste de la maison que Ryan me proposa de m'installer dans le salon et me demanda ce que je voulais boire. Je lui demandais un café, et malgré l'envie qui me rongeait l'estomac, je me retins d'aller fouiller dans le reste de la maison. Quelques minutes plus tard, Ryan revint dans le salon, avec deux tasses qu'il déposa sur la table basse. Le silence gênant, revint d'installer entre nous, et le sentiment d'invincibilité que j'avais ressenti plus tôt me quitta en quelques microsecondes.
-Et toi sinon comment ça va ?
Oui, je suis d'accord il y a mieux pour entamer une discussion, mais je détestais le silence qui nous séparait. Ryan me jeta un regard avant de baisser la tête pour la prendre entre ses mains.
-Comment t'expliquer...
Voilà que maintenant, l'angoisse prenait place en moi. Ce genre de phrase n'annonçait jamais rien de bon à la suite.
-Tu vois Walter, il s'est passé beaucoup de chose depuis... depuis que tu es parti.
Il semblait chercher ses mots, et en moi augmentait l'angoisse qui s'était installée, quelques instants plus tôt. Ryan n'eut pas besoin d'en dire plus car la porte d'entrée s'ouvrit et une voix claire retentit dans le petit couloir.
-Chéri, je suis rentrée !
La voix ne tarda pas avoir un visage : deux pommettes surplombées par de grands yeux bleus, où l'on trouvait une joie non-dissimulée. Ses cheveux blonds retombaient sur sa veste bleue, qui recouvrait un petit ventre rebondi. La femme vint voir Ryan et rapprocha son visage pour finalement y coller ses lèvres rosées. Cette vision me brisa en deux. Je ne sentais plus mes membres, juste la boule qui s'était formée dans ma gorge.
-Elliott n'a pas arrêté de gigoter aujourd'hui, dit-elle, en passant sa main sur son ventre rond.
Cette phrase me suffit pour m'achever. Ryan tourna à nouveau la tête vers moi, mais garda ses yeux rivés sur le sol. Sa femme se présenta sous le nom de Clara et me tendit la main. Je me saisis de sa main sans grande envie, et me présentais à mon tour.
-Et qui êtes-vous, je veux dire, par rapport à mon mari, demanda-t-elle toute souriante.
-Il est un ami, me coupa Ryan alors que je m'apprêtais à répondre. Ma chérie, tu veux bien nous laisser seul, juste cinq minutes.
-Bien sûr, mon cœur.
Puis elle partit, non sans oublier d'embrasser Ryan.
-Ouais il s'en est passé des choses, lâchais-je accompagné d'un rire nerveux.
-Ecoutes Walter, je peux t'expliquer. Clara est une collègue de travail et quand tu as disparu, elle m'a aidé, elle m'a soutenue de tout son être et je lui suis à jamais reconnaissant, et puis, on a fini par sortir ensemble, mais sache, que je si j'avais su que tu étais vivant....
-Tu sais quoi, je veux même pas savoir. Je te souhaite tout le bonheur du monde avec Clara, et je te remercie pour ce que tu as fait pour moi, quand ... avant.
Sur ces mots, je me levais et me dirigeais vers la sortie, ravalant ma rage intérieure. Dans les films, l'autre retient toujours l'être aimé par le bras, mais moi je n'en voulais pas, sinon je savais que j'allais cracher toutes les insanités du monde contre Ryan, alors qu'il ne les méritait pas. Je comprenais très bien ce qu'il avait fait, il me pensait mort, et il a eu de la chance d'être aidé par cette femme.
Je sortais donc de mon ancienne maison, laissant derrière moi mes sentiments, mais en emportant une rage et une tristesse contradictoires et pourtant si proches. Une fois assez éloigné de mon ancienne demeure, je me posais sur un banc pour faire le point sur ce qui venait de se passer. Je n'avais plus de petit copain, plus de maison, une mère qui semblait m'avoir caché la vérité, et aucun endroit où aller. J'aurais pu rentrer chez moi, mais j'étais quasiment certain que ma mère était au courant pour Ryan, et qu'elle me l'avait caché intentionnellement. J'avais envie de retrouver Shane, j'étais sûr qu'au moins lui ne m'aurait pas trahi et qu'il saurait m'écouter, mais je ne savais pas où il habitait, pour tout dire, je ne savais pas vraiment où j'étais moi-même. Le froid mordant m'obligea à me lever pour marcher et me réchauffer un peu. Après une bonne heure de marche, dans le froid, le soleil commençait déjà à se coucher, et l'un des écrans publicitaires m'indiqua qu'il était déjà 18 heures.
N'ayant pas plus de solutions, je décidais de rentrer dans un bar aléatoire, et commandait un verre de cognac. L'aiguille des heures, ne cessait d'avancer vers le douze et pourtant, les verres continuaient de défiler sous ma main. Il me sembla qu'aux alentours de deux heures du matin, je sortis du bar, peut-être trop ivre, ou trop fatigué, je me posais sur un banc dans un petit parc non-loin de là. Le vent froid me lécher le visage, et pourtant je ne me sentais pas frigorifié. Sous l'effet de la fatigue, je m'allongeais sur le banc, au moins ici, j'étais accepté, sans être trahi, et cette idée me fit rire alors que je m'endormais au milieu du parc, qui commençait à être recouvert de petits flocons blancs.
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Séquestrés {Boy x Boy}
Ficção GeralWalter est un journaliste, qui décide de partir en Irak, à la recherche de témoignages. Il part en compagnie de Shane, un des journalistes qui travaille avec lui, et qui possède aussi cette envie de voyage et de vérité. Seulement, aucun des deux n'a...