CHAPITRE 17

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Walter

18 heures d'avions, c'est très long, mais ça vous laisse le temps de réfléchir. J'allais enfin retrouver mon pays après deux d'absence. A peine cette idée me traversait l'esprit, j'avais la sensation de replonger dans un rêve éveillé. J'avais l'impression que j'allais plonger dans un monde inconnu, comme si je n'avais jamais vécu avant ma période de prison. Tous mes souvenirs de ma vie antérieure étaient comme bloqués au fond de moi, et je n'arrivais pas à me rendre compte que ces souvenirs allaient devenir ma réalité, et que la prison allait, elle, faire partir des souvenirs. Il m'était impossible de me projeter dans le futur qui arriverait d'ici quelques heures, je n'arrivais pas à me dire que j'allais retrouver tous les êtres qui me sont chers. Non, pour moi l'avion allait se crasher et je me réveillerais en sursaut dans cette pièce si familière et pourtant détestée. J'avais le pressentiment que si je m'endormais, tout redeviendrait comme avant, dans cette pièce froide et obscure, c'était sûrement pour cela que, inconsciemment, je m'interdisais de dormir pendant les longues heures de vol.

Quand le pilote nous indiqua qu'il ne restait plus qu'une heure de vol, tous les soldats s'enthousiasmèrent, pourtant cette nouvelle apporta une autre idée dans mon esprit. Que se passerait-il entre Shane et moi ? Après ces deux ans de vie commune dans un enfer sans nom, est-ce que Shane pourrait encore me voir, me parler sans que mon image ne lui rappelle certains souvenirs douloureux ? Je ne savais pas pour sa part, mais de mon côté, il était clair que je ne voulais pas que le lien que nous avions tissé, au fil de nos discussions, se brise, mais si Shane, ne voulait plus me voir au vu de ce que nous avions vécu, j'accepterai sa décision, même si je sais que j'en serai touché. Shane et moi n'avions pas parlé de tout le voyage, d'une part car mon ami avait dormi pendant de longues heures, mais surtout car nous n'avions plus notre contexte privilégié de discussion, que nous avions dans notre pièce. Cet éloignement de Shane me ramena à mes idées noires, où Shane et moi, devrions nous séparer car il serait trop dur de supporter l'autre sans avoir les images de notre détention. Toutes ces idées occupèrent mon esprit pour le restant du voyage.

Paradoxalement, plus le temps de vol diminuait, plus on pouvait lire la joie sur le visage des soldats, alors que je devais plutôt être de plus en plus blême et complètement dans le vague.

Quand les roues de l'engin touchèrent une première fois le sol, faisant tressauter l'avion, la réalité s'imposa à moi. Nous étions bel et bien arrivés, sains et presque saufs. L'avion ralentit, pendant ce qui me parut une éternité, puis s'arrêta enfin et la soute s'ouvrit, accompagnée d'un grand souffle d'air frais. Quand nous descendîmes de l'avion, je fus étonné de reconnaître les murs de l'aéroport de San Francisco, et non ceux d'un aéroport militaire. La veste qui me fut prêtée par l'un des militaires me parut bien légère face au climat de ce mois de novembre, mais bizarrement, cela ne me dérangea pas, je préférais largement cette température, à la température étouffante, que j'avais supporté pendant deux ans. Je posais un pied incertain sur le béton de la piste d'atterrissage, à côté de moi, Shane semblait tout aussi perdu que moi. Il me jeta un regard, partagé entre crainte et émerveillement, puis hocha la tête, comme pour me transmettre son courage. Nous suivîmes bêtement les militaires, qui semblaient connaître le chemin à suivre, et après une centaine de mètres, nous entrâmes finalement par une porte automatique, qui nous mena à l'intérieur du bâtiment vitré.

Autour de moi, les hommes et femmes à l'uniforme américain, retrouvait avec soulagement leur famille, qu'ils prenaient longuement dans leurs bras. Ce genre de scène étaient tellement émotionnelle, autant pour le militaire, que pour les gens autour, que la petite pièce réservée aux militaires s'emplissait petit à petit de de pleurs, de rires, et d'embrassades. L'homme que j'avais identifié comme étant le lieutenant de l'unité, vint nous voir, accompagné de sa femme et de son fils. Sa femme nous serra poliment la main, nous souhaita un bon retour au pays, et nous complimenta sur notre bravoure pour avoir survécu pendant si longtemps. Coupant sa femme, le lieutenant, nous informa que nous pouvions, à présent, quitter la pièce, et lançant, un sourire appuyé à sa femme. Sur le coup, je ne compris pas le fondement de sourire, malicieux, mais quand le lieutenant nous accompagna jusqu'à la porte, qui donnait sur le grand hall de l'aéroport, je compris enfin cette complicité. Sur le coup des émotions, violentes et contradictoires, je ne bougeais pas d'un pouce, et je vis Shane dans le même état que de choc.

Séquestrés {Boy x Boy}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant