CHAPITRE 40

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Walter

Il était tard, une fois encore, lorsque j'éteignis mon ordinateur. Shane dormait dans la chambre depuis plus de deux heures, et pourtant je n'avais aucune envie de le rejoindre. Mes paupières papillonnaient sans cesse mais mes idées me semblaient plus claires qu'elles ne l'étaient auparavant. Je savais ce que j'allais faire, et je n'avais plus aucuns doutes quant à mes actions futures. Ma main se dirigea par automatisme vers le paquet cartonné de mes cigarettes. Le refus de Shane me revint en tête, pourtant mes gestes se poursuivirent. Le briquet en main éclaira doucement la pièce, dans une lueur jaunâtre. Pour cacher au mieux mon acte, je sortis sur le ballon et crachais la fumée blanche qui s'évapora dans la nuit froide.

Mon esprit était calme, cela faisait bien longtemps que je n'avais pas éprouvé cette sensation. Ne rien faire de plus que respirer et regarder, sans compliquer la scène par nos idées noires. Cependant le plus grand désavantage de cette sensation est sa durée, aussi longue qu'un battement de cils, car au final nos idées ne quittent jamais nos pensées.

Quand la cigarette se consomma dans son entièreté, je jetais le mégot dans le cendrier et rentrais dans la chambre, où Shane dormait tranquillement. Je me changeais et me glissais à ses côtés, le faisant frissonner dans son sommeil. Il me sembla que le sommeil ne se fit pas attendre, malgré les pensées tourbillonnantes et invasives.

Il faisait chaud. Chose normale pour un désert. La chaleur s'insinuait dans les poumons à chaque inspiration et s'étendait dans le corps entier, envahissant le moindre petit espace. La peau suintait par tous ses pores et collait au moindre touché. Se rajoutait à cela une pellicule de sable qui s'accrochait et grattait. Le soleil tapait fort et éblouissait.

Puis plus rien, le retour dans l'obscurité, la chaleur oppressante était toujours là. Cependant la noirceur du lieu était en a donner des frissons. Ce lieu, cette pièce, Walter la connaissait, la reconnaissait, même dans le noir complet. L'odeur d'essence et de sueur donnait à l'espace une fragrance piquante. Il chercha le matelas sur lequel il avait passé tant d'heures à attendre, discutant avec Shane ou réfléchissant à son propre sort. En repensant au brun, il se rendit enfin compte de son absence. Cette simple nouvelle eu pour effet de le pétrifier. Que faisait-il dans la pièce ? Ou était Shane ? Toutes ces questions lui redonnèrent le mouvement, et il commença à d'agiter dans tous les sens. Il ne savait pas ce qu'il chercher, mais il devait le trouver. Il commença à avancer pour trouver le mur le plus proche. Il avait fait ça pendant ses deux ans de détention, lorsque la panique le gagnait, et il n'avait pas perdu le geste. Il utilisait les murs comme points d'ancrage à sa raison. Il fit quelques pas en avant, préparé à rencontrer le mur. Cependant la surface dure de la pierre ne se manifesta pas sous la paume de sa main. Il avança encore un peu plus, sans résultats plus concrets. Ses pas se précipitèrent, il manqua de trébucher, mais continua tout de même. Il avait perdu tous ses repères. Le noir du lieu l'enveloppait de plus en plus, et l'étouffait, lui faisant perdre son souffle.

La lumière se fit soudainement, tout comme le noir était apparu quelques instants plus tôt. Il ne bougea plus, il avait beau voir, il était tout aussi perdu. Il n'y avait aucun bruit, pas un mouvement. Il ne savait pas vraiment comment décrire l'endroit. Tout paraissait vide et si plein en même temps. Les bâtiments étaient soit somptueux soit complètement détériorés, et se mélangeaient dans un décor oxymorique. Malgré le calme de l'endroit, l'esprit de Walter ne s'était en rien reposé, et était toujours aux aguets. La chaleur qui s'en était allée sans qu'il s'en rende compte revint de plein fouet. Au loin il aperçut une tempête de sable arriver à une vitesse qu'il aurait crue impossible. Il tenta de fuir, de se mettre à l'abri, mais ses jambes restèrent bloquées, comme engluées dans le goudron noir et liquide qu'était devenu le sol. Le vent de la tempête arriva à lui alors que ses mollés étaient empêtrés dans le sol. Le sable fouetta et entailla sa peau, le faisant grimaça de douleur. Autour de lui, les bâtiments sombraient, peu à peu dans le sol, comme avalés par des sables mouvants. La boue noirâtre avait atteint ses hanches, et tout mouvement de jambe lui devenait impossible. Au loin il sembla apercevoir des silhouettes. Il cria de toutes ses forces, le sable s'infiltra dans sa gorge et ses poumons brûlant sa trachée au passage. Le vent enveloppa son cri, et Walter abandonna. Il laissa son corps glisser dans le goudron, et il ferma les yeux s'abandonnant à son sort. Alors qu'il ne restait que le haut de son torse encore à l'extérieur, une main se posa violemment sur son épaule. Il rouvrit brusquement ses yeux. Ceux-ci le brulaient avec le sable, et il mit plusieurs secondes avant de discerner la silhouette enturbannée qui se tenait au-dessus de lui. L'homme portait un Qamis bleu traditionnel des populations musulmanes du Moyen-Orient. Il fut rejoint quelques secondes après par une deuxième personne, qui elle portait un costume trois pièces des grands tailleurs italiens. Il affichait aussi un grand sourire victorieux, que Walter reconnut après une courte réflexion: celui de Marcus. Que faisait-il là ? Il n'en avait aucune idée. Mais celui-ci ôta ses lunettes de soleil, surement hors de prix, et jeta le même sourire au premier homme. Celui-ci enleva son turban, et afficha un rictus carnassier à Walter. Ce sourire qui l'avait torturé pendant deux années de sa vie. Ces dents noires et jaunes, qui l'avaient méprisé et torturé. Il n'avait jamais su le nom de la personne qui l'avait emprisonné, mais il savait qui il était, comment le reconnaitre et le cerner. Les deux se jetèrent un regard entendu, posèrent presque délicatement leur main sur le crâne de Walter, et appuyèrent de toutes leurs forces, jusqu'à le faire disparaître dans le sol. Walter se sentit suffoquer, il tenta d'ouvrir la bouche pour respirer, crier, il ne savait pas vraiment. Tout ce qu'il savait c'est que la boue s'infiltrait maintenant dans sa bouche, descendit dans sa gorge. Il tenta de refermer sa bouche ou de bouger ses membres englués en vain. Il perdit peu à peu possession de ses membres, et son rythme cardiaque ralentissait à chaque battement. Ses poumons se contractèrent sous la pression du goudron et par le manque d'oxygène. La douleur était bien présente, alors que sa conscience le quittait petit à petit, et que les battements de son cœur cessèrent.

Le cerveau en ébullition et le cœur en affolant, je rouvris les yeux. Le réveil était brusque et non-voulu. Il me fallut quelques instants pour prendre conscience de l'endroit où je me trouvais. Ma vision était trouble, malgré la lumière de la lune qui filtrait à travers les rideaux. J'avais chaud, comme si la chaleur du désert m'avait poursuivie. Cette sensation de chaleur s'accompagnait d'un sentiment nauséeux. Je me levais le plus discrètement possible, et me dirigeais d'un pas lent vers la salle de bain. La lumière du petit néon accrochait au miroir m'éblouit lorsque j'appuyais sur le bouton. Ledit miroir me renvoya une image bien médiocre de moi-même : le teint livide, les yeux éclatés et cerclés de cernes noirs. Le sommeil me manquait depuis plusieurs jours et son manque nuisait à ma capacité de concentration, c'était souvent ce que me reprochait Shane. S'il savait à quel point j'aimerais dormir sans me soucier du procès futur et des cauchemars répétitifs tous plus effrayants les uns que les autres.

Après m'être rincé le visage, je retournais m'allonger sans savoir si le sommeil allait revenir. La respiration calme et régulière, qui me permit de balancer entre somnolence et sommeil léger, l'esprit encore mouvementé par le cauchemar qui m'avait réveillé.

Le lendemain je fus étonné de voir que Shane était tranquillement assis dans le canapé alors que j'émergeais d'un sommeil difficile. Devant mon regard déconcerté, celui-ci m'informa que le weekend venait de commencer. Je commençais à perdre la notion du temps à force de rester enfermé comme un lion en cage. J'avais besoin de bouger, de prendre des décisions et d'agir pour récupérer ce qui m'appartenait. Cela allait commencer. C'était du quitte ou double, mais j'étais près à prendre ce risque.

Séquestrés {Boy x Boy}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant