CHAPITRE 4

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Shane
Voilà déjà trois semaines que je travaillais à l'Independant, et je ne pouvais pas en être plus heureux. L'équipe avec qui je travaillais était composé de personnes plus intéressantes les unes que les autres. La rubrique faits-divers n'était pas vraiment le poste que je souhaitais le plus, mais Walter m'avait expliqué qu'il s'agissait d'une étape obligatoire pour tous les nouveaux employés. D'ailleurs, j'avais rendez-vous avec lui, dans son bureau, d'ici quelques heures pour en reparler, mais pour l'instant, j'étais attablé, en train de me concentrer sur le sujet qui m'avait été attribué. L'article portait sur le braquage d'une bijouterie par un groupe de sexagénaire, âgés entre 58 et 69 ans. Même si cette histoire avait des semblants de blagues, les coupables s'étaient introduit pas l'aération pour voler un butin s'élevant à plus de trois millions de dollars, avant de se faire arrêter par la police.
Une fois l'article rédigé, imprimé, et approuvé par Abby, je m'accordais une petite pause, et descendit au rez-de-chaussée pour aller vers l'espace détente. En remontant, une tasse de thé fumante dans les mains, Walter m'interpella et me fit signe de le suivre dans son bureau. Il récupéra sa veste en cuir et son bonnet, avant de m'indiquer que nous allions déjeuner en ville, et discuter de mon nouveau poste. Nous descendîmes donc dans un San Francisco sous un léger brouillard. Après avoir marché pendant une dizaine de minute, nous entrâmes dans un restaurant tout à fait classique avec ses tables, ses clients et ses serveurs, qui voltigeaient à travers ce désordre ordonné. Une fois, les commandes prises, nous discutâmes de la pluie et du beau temps durant tout le repas. Au moment du dessert, Walter aborda enfin le sujet du nouveau poste en énumérant les différentes rubriques que possédait le journal : politique, économique, sociale, sport, culture et loisir, etc, cependant, mon choix était déjà fait depuis longtemps.
-Les affaires étrangères ?, répéta Walter, surpris par ma réponse.
-Oui, c'est ce qui m'a toujours attiré dans le journalisme.
-Tu sais donc que tu vas souvent voyager dans le cadre du journal, ce n'est pas forcément une bonne décision si tu souhaites rester proche de ta famille...
-Il n'y a pas de problème, la quasi-totalité de ma famille habite en Angleterre, et je ne les vois que très rarement.
-L'Angleterre ? Donc tu es Anglais, voilà la raison de ton accent...
-Ouais, je suis né et j'ai grandi là-bas, mais je suis venu en Amérique pour mes études. Mais reparlons plutôt du poste, est-ce que c'est possible de travailler pour les affaires étrangères ?
-Oui bien sûr, mais encore une fois, si tu as une copine, ou quelqu'un dont tu es proche ici, saches que les voyages réguliers ne sont pas bons pour une relation amoureuse.
-Non, c'est bon, je suis célibataire, et même si je venais à me mettre en couple, cela ne m'empêcherait pas de continuer à travailler.
-Très bien, si cela te convient, alors ça me va aussi, répondit Walter, tout en demandant l'addition au serveur.
En rentrant au bureau, Walter m'assigna un nouveau bureau et me présenta la nouvelle équipe avec qui j'allais travailler. L'espace de travail était plus grand que les autres rubriques, mais la place disponible était restreinte au vu des nombreux dossiers éparpillés un peu partout, mais surtout de tous les « souvenirs » de voyage qui trônaient au milieu.
Le reste de la journée, j'avais déménagé, le peu d'affaires, que j'avais dans mon ancien bureau, et j'avais commencé à enquêter, avec Josh, sur un des sujets, très présent dans l'actualité américaine : l'immigration illégale des mexicains. Pour ce sujet, Josh comptait réaliser un reportage vidéo, où il se mêlerait à un groupe de clandestins, pour suivre leur périple, tout en filmant leur voyage, à l'aide d'une caméra dissimulée. L'idée m'avait conquis, si ce reportage aboutissait, cela pourrait ouvrir les yeux à beaucoup de monde, sur les conditions de vie et de voyage que subissent les immigrés.
A la fin de la journée, Abby vint me voir pour le féliciter de mon nouveau poste, mais aussi elle m'invita à fêter son anniversaire, vendredi soir, au bar de ses parents, ce que j'acceptais volontiers. 


Vendredi, je quittais le bureau vers 18 heures, le temps de rentrer chez moi pour me changer, et pour ensuite me diriger vers le bar d'Angus. Je passais aussi acheter une bouteille de vin de marque français, pour l'offrir à Abby. Ce n'était pas forcément le meilleur des cadeaux, mais par pur problème d'éthique, je détestais venir les mains vides. Une fois à l'intérieur, je me dirigeais directement vers Abby, en lui souhaitant un joyeux anniversaire, et m'installais avec eux. Contrairement à ce que je pensais, Abby n'avait pas prévu d'inviter beaucoup de monde, il n'y avait que Walter et Ryan, Jody, une des amies proches d'Abby d'après ce que j'avais compris, et son frère ainé, Junan. Je lui tendis la bouteille de vin et sembla surprise par mon geste.
-Un cadeau ? Il fallait pas, surtout que ça a dû coûter cher !
-Ne t'en fais pas ça me fait plaisir de toute façon.
-Merci beaucoup, après, on ne m'en fait pas souvent des cadeaux, lança-t-elle à destination de ses invités.
-Je t'ai offert un massage par mes soins à ce que je sache, répondit Jody.
-J'ai voulu te faire un bisou mais tu l'as refusé, avec un coup de pied, renchérit son frère qui souriait de toutes ses dents.
-Et moi je te fais cadeau de ma présence, et celle de Ryan, donc tu devrais heureuse non ?, finit Walter tout en se retenant de rire face à l'air dépité d'Abby.
Et tous se mirent à rire ensemble, ce qui me fit sourire en retour, et Abby montra son plus beau majeur pour leur répondre, avant d'aller chercher un tire-bouchon. Pendant la soirée, j'apprenais que Walter, Ryan, Abby et Jody étaient des amis de lycée, et qu'ils étaient restés très proches au fur et à mesure des années. Au milieu, du plat principal, Ryan se leva pour répondre au téléphone et revint quelques minutes plus tard pour nous expliquer qu'il devait partir car il y avait une urgence à l'hôpital où il travaillait. Il nous salua tous, un par un, s'attardant sur Walter pour l'embrasser, puis me jeta un regard qui me défendait de toucher son bien-aimé.
Encore une fois, Walter avait bu plus que raison et n'était plus vraiment maître de ses mouvements. Plusieurs fois pendant le repas, je sentis sa main qui se dirigeait vers ma propre main ou vers ma cuisse, mais je le repoussais toujours gentiment, ne souhaitant pas reproduire un malentendu comme la dernière fois. Juste avant le dessert, Walter se leva et se dirigea d'un pas nonchalant et bancal vers les toilettes. A peine arrivé à la porte, je vis le corps de mon patron s'affaisser sur lui-même, et tomber bruyamment au sol. Je vins l'aider, en soupirant, à croire qu'à chaque fois qu'il avait trop bu, je devais veiller sur lui. Je l'aidais à rentrer dans les toilettes, et il se rinça le visage avec un peu d'eau. Cela semblait l'avoir réveillé, mais, il me semblait que dans ses yeux se trouvait une légère brume, qui enlevait toute intensité à ses yeux, qui d'habitude étaient si perçants. Il s'approcha doucement de la porte, et ferma le loquet, dans un cliquetis presque inaudible.
-Walter, à quoi tu joues ?, lâchais-je, exaspéré par son comportement.
Pour seule réponse, il posa son doigt sur sa bouche et souffla un petit « Shhhh ».
-Non, je me tairais pas, maintenant, laisse-moi sortir s'il te plaît, si tu veux tu pourras rester enfermer après, mais moi je ne vais pas rester là à attendre que tu arrêtes de faire l'enfant.
Il se plaqua encore plus à la porte, remua doucement la tête et dirigea ses yeux dans les miens. Je maintins son regard, puis lassé que rien ne se passe, je me décidais enfin à bouger, et de prendre la clé, qui se trouvait dans la main de Walter. Celui-ci ne se laissa pas faire, passa ses mains derrière son dos, tout en restant collé contre la porte, et remua à nouveau la tête alors qu'il souriait comme un enfant fier de sa bêtise. Résigné, je passais une main derrière son dos, et sans que je m'y attende, Walter, appuya de tout son poids, bloquant ainsi mon avant-bras contre le bois de la porte. Le sourire sur le visage de mon patron s'agrandit pour laisser voir ses dents, et je soupirais plus fort cette fois ci, en tentant de retirer mon bras.
-Walt, je vais m'énerver...
L'homme, ou plutôt l'enfant en face de moi, sembla prendre mes menaces au sérieux et je vis dans son regard un mélange de peur et de panique. Il fronça les sourcils, signe qu'il était en train de réfléchir, et je levais les yeux au ciel devant cette mascarade. J'étais bloqué par un homme ivre, qui se transformait en enfant, dans une position ridicule, mais aussi tout autant plaisante qu'agaçante : mon corps était presque collé à celui de Walter, un homme d'une beauté dans nom, mais malgré mon attirance physique, je savais déjà que celui était en couple ce qui rendait cette situation assez dérangeante de mon point de vue. Alors que dans ma réflexion, les émotions se faisaient contradictoires, je ne remarquais pas le rapprochement soudain de Walter, qui utilisa la surprise pour venir poser ses lèvres sur les miennes. Le baiser était simple, sans vraiment de saveur, mais pour moi, cela avait fait l'effet d'une bombe.
-Ryan me dit, que les bisous sont utiles pour apaiser la colère, lâcha Walter avec une voix enfantine et innocente.
Encore sous l'effet du choc, et voyant mon absence de réaction, Walter recommença, mais cette fois-ci je le laissais passer au-delà des lèvres. Un baiser au gout de bière, à l'odeur de cigarette, et à la douceur d'une peau de pêche. Toutes les sensations se mélangeaient, et je répondais, malgré moi, au baiser qui m'était offert. Même si le temps semblait ralenti par l'afflux de sensation, les lèvres finirent par me quitter et je sentis directement le froid s'immiscer sur mes lèvres.
-Ça va mieux, tu n'es plus en colère ?, demanda Walter, brisant le silence si confortable qui nous entourait.
Je ne dis rien, trop faible et secoué pour rétorquer quoi que ce soit, je hochais juste la tête pour répondre à la question de Walter. Celui-ci sembla fier de lui, sourit de toutes ses dents, et quitta les toilettes, me laissant seul et secoué. Au bout de quelques minutes sans bouger, je finis par me diriger vers le lavabo, ou je me rinçais le visage, surement, pour, inconsciemment, effacer la marque qu'avait laissé les lèvres de Walter. Pourtant la présence de ses lippes était toujours là, comme une trace indélébile, je regardais mon reflet dans le miroir face à moi, et pourtant aucune marque sur mon visage. Mais j'y constatais, mon air perdu, ma bouche toujours entre-ouverte par le choc et mes yeux vides de sentiment. Oui, j'étais vide, plein de vide, qui était lui-même vide à l'intérieur. Je n'étais rien, rien à ses yeux à part une belle connerie, qu'il regretterait demain, quand il serait sobre. Et je regretterais aussi de l'avoir laissé faire, car il m'avait fait connaitre ses sensations exceptionnelles, que je voulais oublier, sans y arriver, car, maintenant, je ne pourrais plus jamais les ressentir.

Séquestrés {Boy x Boy}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant