Agnès se rappelait de ce jour où elle avait cherché à comprendre ce qu'était l'amour. Elle s'était rendue dans les pièces attribuées à son très chers père et lui avait demandé d'une frêle voix :
- Père, m'aimez-vous ?
Alors Charles Sorel n'avait point répondu. Il s'était contenté de fixer sa fille d'un regard morne et distant. Elle essayait de percevoir ne serait-ce que de l'affection en ces pupilles marrons noisettes. Mais que pouvait elle y faire ? L'amour, un sentiment dangereux et pourtant si beau ne pouvait lui être offert. Elle avait eu ce désire de pouvoir choisir elle même son mari... Mais alors, le destin en avait fait autrement. Il y avait eu le doute, la crainte, la peur même et la guerre. La mort amenait les gens à s'aimer. C'était sublime et douloureux à la fois...
Pourtant il lui semblait que Charles Sorel l'aimait plus que tout. A la mort de son épouse, il s'était retrouvé avec une fille fragile et tremblante de tristesse. Dès lors, les bras qui avaient si chaleureusement accueillit Agnès avait été les siens... Et depuis, il n'avait cessé de lui apprendre le sens même de ce mot prénommé Amour.
On disait qu'il suffisait de sincérité, de désire et d'affection. Ces trois aspects apportaient l'Amour, tout comme s'ensuivait le respect, la confiance et la bonté. On pouvait décrire ce sentiment avec si beaucoup de définitions. Mais jamais, ho grand jamais Agnès n'avait connu si bonne représentation de l'amour. Lorsque le Duc se trouvait près d'elle, le visage enfouit dans son cou frissonnant, elle perdait la raison. Elle paraissait s'envoler dans le lointain, là où rien ne pouvait lui faire obstacle, où rien ne pouvait la rendre malheureuse. Elle ne pouvait bouger ou parler, elle était paralysée.
Elle avait comprit depuis peu qu'elle était amoureuse du Duc, et cela était même une certitude. Cependant, tout s'illuminait à présent, devenait simple et grandiose. Le véritable Amour, comme dans les paroles de son père, celles dont elle ne cessait de rêver l'existence et qu'elle avait cherché pendant si longtemps...
Elle se força à ouvrir la bouche, tentant désespérément de dire quelque chose. Mais les mots ne voulaient pas, eux, sortir et exprimer tout l'étendu de ses sentiments. Elle ne put qu'écouter les dires de Louis, le coeur battant à la chamade.
- Je vais repartir Agnès. Je pourrai rattraper les soldats et ainsi reprendre ma place. Il ne s'agit que de détermination et de courage. ( Il releva la tête, les yeux pétillants, scintillants merveilleusement bien. ) Je me dois de nous sauver, pourriez vous faire de même ?
Elle se demandait si son regard avait le même éclat, si elle paraissait ainsi face au monde, comme le Duc. Quelle douce perspective.... Elle hocha alors la tête en signe d'approbation, un petit sourire se dessinant sur son visage. Elle était prête à faire tout ce qu'il fallait pour lui. Malgré la peur et la peine, elle savait qu'elle en était capable... Elle se devait de tuer la Reine.
Le Duc se releva, marchant jusqu'à son cheval en silence. Agnès fit de même, le regard viré au sol. Devait elle lui dire qu'après cette guerre, quoi qu'il se passait, ils n'auraient aucun future ? Eux deux, ne pouvaient être liés, ne pouvaient véritablement s'aimer au grand jour. Elle avait affirmé à Thibault qu'elle le choisissait lui. Jamais elle ne pourrait revenir sur une telle promesse... Elle garderait simplement la tête haute, n'oubliant jamais son amour si grand et magnifique envers Louis. Elle se devait d'être forte, la faiblesse n'avait pas sa place en temps de guerre. Elle renoncera au Duc dès son retour. Car entre temps, elle espérait prier pour sa vie.
Il prépara correctement la selle et se retourna face à Agnès. Les cheveux de celle-ci s'envolaient aux vents, son regard était des plus subtile et envoûtant, son parfum, sa senteur, tout cela lui étaient enivrant. Tout comme leur première rencontre, ils restèrent à se regarder ainsi un petit moment, formant un monde à eux deux, coupé de ce qui les entourait. Il ne pouvait s'empêcher d'y percevoir un adieu. Cela le déchirait.
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Agnès Sorel
Historical FictionEn l'an 1563, tandis que les guerres de religion éclatent et bouleversent le pays, Agnès Sorel, fille d'un riche peintre français et ami de la couronne se trouve en sûreté dans le palais royale. Les protestants et les catholiques cherchent le pouvoi...