10. Vertige

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Lorsque Nicolaï reprit conscience des heures plus tard, il était allongé sur un canapé, près d'un feu de cheminée. Il était étalé de tout son long sur un divan mangé par les mites, et le plancher sur lequel il reposait avait gonflé dût à l'humidité et la mauvaise isolation des vieilles maisons toujours inhabitées de Torla.

Les derniers événements avant sa chute lui revinrent brusquement et il se redressa dans un grognement de fureur. Ou étaient passés les enfants? Pourquoi s'était il retrouvé la? Personne n'aurait pris la peine de le transporter à l'abri ainsi. Quelque chose de particulièrement inhabituel était à l'œuvre.
Sa réponse ne tarda pas à arriver. Dans une chaise de salon, un peu plus loin, se tenait un des garçons qui s'étaient enfuis la veille. Immobile, il le regardait d'un œil sombre. Nicolaï ne pût se souvenir de son nom.

- Je me tiendrai tranquille si j'étais toi, avança il. Il pointa les côtes de Nicolaï et celui-ci, baissant le regard, vit que la blessure que lui avait infligé la dague avait été pansée. Le meurtrier au regard glacial ramena rapidement ses yeux vers le jeune homme. Il était impossible que ce dernier ne le reconnaisse pas. Pourquoi alors l'avait-il donc aidé?

- J'ai tué toute ta famille il y a six ans. Pourquoi ne m'as tu pas déjà tué?..

Le garçon devant lui prit le temps de se redresser pour appuyer son dos contre le dossier de sa chaise, avant de serrer les mains sur les bras de bois sombre. Une note de colère teintait sa voix.

- Je t'aurais simplement laissé mourir si ce n'avait été de mon compagnon. C'est aussi lui qui t'a...

Il fit un signe du menton en désignant Nicolaï. Ce dernier comprit ce que son interlocuteur n'avait pas mentionné.

- Que diable faisiez vous à Torla, avez vous donc décidé de renoncer à la vie? Parce que vous ne sembliez pas trop désireux de vous laisser tuer, à ce que j'ai vu.

Le garçon dans la chaise ne répondit pas et le fusilla du regard.

- Vous avez eu une chance inouïe que je me sois trouvé la, si on peut dire ça ainsi. Je suit constamment les patrouilles qui sont à votre recherche. Je ne veux pas en voir un seul mettre la main sur vous vivant.

- Pourquoi simplement ne pas nous avoir tués hier soir dans ce cas, plutôt que nos assaillants?

Nicolaï garda un moment de silence; non pour réfléchir, mais simplement en hésitant à dévoiler ce qu'il comptait faire quelques heures plus tôt.

- Vous n'êtes que deux à ce que j'ai pu voir. Les autres ne vous ont pas suivi. Je comptais mettre les hommes de la Frontière en déroute avant de vous laisser fuir vers votre repaire. Et la...

Il s'arrêta, une grimace amer dans le visage.

- Ma lame c'est brisée pendant mon combat avec les hommes que j'affrontais quand vous avez fui. J'ai dut achever les deux derniers à la main.

- À la main? Demanda le garçon dans sa chaise avec un sourire narquois. Et votre terrifiante sorcellerie, elle?

Nicolaï fronça le nez avec dégoût. Il n'était pas du tout habitué qu'on puisse le narguer.

Il entendit alors quelqu'un descendre une rangée d'escaliers derrière lui. Péniblement, il se releva, se retournant pour faire face aux deux jeunes qui étaient maintenant dans la pièce, avec lui.

Dante venait de descendre les marches après s'être reposé pendant un moment. Il se sentait encore un peu nauséeux, mais ne voulait pas laisser Arlo seul en bas avec Nicolaï.
Lorsqu'il atteint le palier du rez-de-chaussée, toutefois, il remarqua Nico debout près du canapé, lui faisant face. Arlo, toujours assis dans sa chaise, ne semblait pas alarmé outre mesure. Dante décida instinctivement de suivre son exemple.

REALITIES (La Communauté de l'Ombre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant