Chapitre XVIII - Faire Face Au Monde

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Les événements qui avaient suivi l'instant où la porte s'était refermée derrière eux furent si grotesques qu'ils semblèrent irréels aux yeux de Dante.

La nuit en soi s'était avéré être un véritable cauchemar. Dante avait tout fait pour s'éloigner de Nicolaï au départ, mais peu de temps s'écoula avant que celui-ci ne tentes sa chance. Sitôt Dante eut il le dos tourné - et il est important de mentionner qu'il ne s'agissait là que d'une seconde de distraction et non d'un laisser aller dans la vigilance du jeune homme - Nicolaï avait bondi en avant, le bras levé vers Dante, brandissant sa lame semblable à une aiguille. Avant même qu'il ne puisse réduire l'écart entre lui et sa victime, il fut forcé de s'arrêter; quelque chose l'avait arrêté en plein élan et il passa très près de se fendre le crâne sur une dispendieuse table de salon en marbre; cloué au sol, recoquevillé sur ses genoux, l'Ukrainien s'était tenu la tête à deux mains, et Dante l'avait regardé se convulser et suer toute l'eau que pouvait bien contenir son corps. La douleur semblait sur le coup si vive qu'il ne pouvait même pas crier. Il lui avait fallu quelques secondes pour reculer et mettre quelques mètres entre lui et le jeune espagnol, suite à quoi il vomit sans avertissement. Dante avait pu constater à quel point il semblait exténué, comme s'il avait couru sur de nombreux kilomètres.

Puis Nico s'était tranquillement relevé, comme si rien ne s'était produit; et l'interminable veillée avait commencé.

Ni Dante, ni Nicolaï ne s'étaient lâchés du regard depuis; à un tel point qu'autant l'un que l'autre n'avaient pris le temps d'observer pleinement leurs alentours. La chambre dans laquelle ils se trouvaient était ravissante; divisée de façon à laisser de l'intimité à de nombreux occupants, elle pouvait aisément accueillir six invités. Les murs étaient ornés de magnifiques gravures et chaque petit détail semblait resplendissant. Des rideaux opaques pendaient à certains endroits, leur permettant de diviser la pièce a leur goût. Les meubles semblaient antiques et chaque partie du mobilier semblait valoir plus que tout ce que Dante n'avait jamais vu dans son monde.
Les deux jeunes hommes se fixèrent si longtemps dans une immobilité si complète que Dante aurait pu peindre chacun de ses traits même en fermant les yeux. <Quel étrange coup de théâtre du destin, pensa il, de me retrouver ainsi durant des heures devant l'assassin de mes parents et de ne rien pouvoir faire.>

Un silence lourd s'installa pour rester, et perdura jusqu'au matin, ou Dante, soulagé par le bruit du déclenchement de la serrure, put enfin se détendre.

Ce fût Gabriella qui vint les chercher, n'affichant aucune surprise face au dénouement de cette nuit blanche.

- Je ne prends que Dante ce matin, dit elle froidement, observant Nicolaï avec un détachement et un manque de prudence éblouissant. Dante, aterré, connaissait plutôt bien son caractère explosif et savait qu'il aurait pu la tuer à n'importe quel instant. Apparament, elle se savait clairement hors de danger.

Dante se leva tranquillement. Ses jambes étaient aussi lourdes que des sacs de patates; passer la nuit aussi tendu sans bouger d'un pouce avait été aussi nécessaire que souffrant.
Le jeune homme prit la seule chose qui lui appartenait: le couteau qu'il avait utilisé pour se défendre contre les assassins qui les avaient assaillis à Monte Perdido, il y avait des lustres de cela. Ceux la même qui le détenaient aujourd'hui.
Il rejoint Gabriella à la sortie de la chambre sans lâcher Nico du regard, et se détendit lorsqu'ils furent à l'extérieur.

- Il doit y avoir un million de chambres dans cette baraque, pourquoi m'avoir laissé avec lui?! Demanda-il avec empressement à la femme qui marchait devant.

- Je ne sais pas. Vous le demanderez à votre hôte.
Dante savait qu'elle faisait allusion à l'homme de la veille, et il n'avait pas dutout envie de lui demander quoi que ce soit.

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