Chapitre XLIV - Accélère

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Les adolescents se précipitèrent tant bien que mal sur le jeune homme, toujours au sol. Dante, malgré le sentiment extraordinaire que tout tournait autour de lui, réussit à lui saisir un bras et le tira vers lui. Il put entendre Chess rire alors qu'ils se faisaient une accolade, et cela lui procura un grand soulagement. Si Chess s'était avéré être comme Arlo, vide, sans vie ni émotion, il aurait paniqué. Il retrouvait réellement un ami qu'il avait cru mort, perdu à jamais.

- Je suis tellement heureux de te voir vivant! S'exclama il, debordant de joie. Écoute, il nous faut absolument soigner Nicolaï. Il est peut être même déjà mort...

Ils relâchèrent leur étreinte et se retournèrent vers Nicolaï, couché sur le dos. Ils réussirent à couvrir les  quelques mètres qui les séparait, de peine et de misère - Chess dériva au moins cinq secondes vers la gauche sans aucun contrôle - et se penchèrent vers le jeune tueur.

- Vous avez vraiment choisi le pire endroit ou atterrir. C'est impossible de bouger, ici!

- Nous n'avons pas choisi, dit Lucia; c'est compliqué, on te racontera.

Près d'eux, Dante commençait sérieusement à stresser. La seule vision de Nicolaï,  blanc comme un drap, le faisait pâlir aussi.

- On ne peut pas rester ici longtemps, dit Chess. Les morts peuvent nous sentir, et ils sont très rapides. On est à six dimensions de distance de la frontière, et plus on s'éloigne, plus il y en à!

- Les morts? De quoi parles tu? Demande Lucia avec une inquiétude non dissimulée.

- Des choses horribles. Dante et moi en avons combattu un lorsque j'ai disparu.

Dante releva la tête.

- Elle sait ce que c'est.  Lucia, nous en avons tué trois, ce sont ces choses affreuses - C'est l'un d'entre eux qui a blessé Nicolaï - et brisé le bras de Lucia, poursuivit-il en s'adressant cette fois à Chester.

Il ignora l'expression de terreur absolue accrochée au visage de Chess et prit un moment pour observer la blessure de Nicolaï. Dante, malgré touts les efforts qu'il pouvait fournir pour rester calme, suait à grosses gouttes et tremblait incontrôlablement.

<Accélérer, pas condenser. Accélérer,  pas condenser.>

Il n'avait jamais modifié un organisme autre que le sien et le faire pour la première fois dans une situation aussi critique était excessivement angoissant. Il pressa ses mains sur la plaie de Nicolaï, et s'inquiéta au manque absolu de réaction de celui-ci. Sa peau était froide et il ne sentait aucune respiration. Il était peut être déjà trop tard.

<Accélérer, pas condenser>

Il imagina l'abdomen de Nicolaï comme une extension de son propre corps et se concentra. À sa grande surprise, par sa volonté simple, il sentit l'effet s'activer: ses doigts devinrent engourdis et il pût voir quelque chose remuer dans la plaie, alors que les organes atrophiées se reconstituaient doucement. Être loin de la réalité rendait les choses si faciles que s'en était choquant. Certaines parties, cependant, restaient immobiles, trop distantes sûrement des organes auxquelles elles devaient être reliés.

- Aidez moi, dit Dante aux deux autres. Il faut... joindre les bouts détachés avec les autres! Je n'ai aucune idée de comment cela fonctionne! Je ne sais pas qu'est-ce qui va avec quoi!

Dante se sentait exactement comme il était réellement - un jeune a qui on confiait une situation de vie ou de mort, et qui n'avait, de surcroît, aucune idée de ce qu'il faisait.

Bien heureusement, Lucia ne se fit pas prier. Elle plongea les doigts dans la plaie, tenta de placer, sans réellement voir quoi que ce soit, une chose avec une autre. C'était de la folie; Nicolaï mourerait d'une infection, au mieux.

REALITIES (La Communauté de l'Ombre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant