Chapitre XXII - Arlo

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Dante se releva d'un bond, comme si quelqu'un l'avait poignardé dans le dos. Incapable de quitter le jeune homme qui se tenait devant lui des yeux, il avait cette impression presque impulsive qu'il disparaîtrait au moment où il détournerait le regard.

Arlo le regardait d'un œil grave qui ne lui ressemblait pas. Chaque détail sur son visage semblait magnifié, comme s'il représentait la vision que Dante se faisait de lui. Ce ne pouvait pas réellement être Arlo.
Arlo était mort, n'est-pas? Dante y rêvait presque chaque nuit. Comment pouvait-il se trouver ici, à la Frontière?

- Arlo?.. tenta Dante d'une voix éteinte. Il n'y eu aucune réponse; mais subitement, Arlo se releva - si brusquement que Dante dut faire un bond vers l'arrière. L'apparition leva le doigt un instant, immobile, et Dante comprit qu'il attendait, ou qu'il écoutait quelque chose. Il porta une oreille a ce qui se passait autour d'eux; quelques minutes passèrent, mais tout ce que le garçon réussit à entendre fut la respiration régulière de Nicolaï dans la pièce voisine. Dante regarda Arlo d'un air dubitatif. Désirait-il tuer Nico?

Sa réponse vint bien rapidement. Alors que les secondes s'écoulaient successivement, Arlo se remit en marche - et ce fût une chose à laquelle Dante ne s'était certainement pas attendu. Brisant le silence et l'immobilité qui régnaient depuis un moment déjà, Arlo se retourna d'un seul mouvement; puis l'instant suivant, il s'élançait vers la porte de la chambre qui était grande ouverte alors que, quelques instants plus tôt, elle était fermée à double tours.

Dante ne perdit pas une seule seconde. Désireux de garder les yeux sur son ami, il bondit derrière lui. Il prit à peine le temps de penser a tout ce qui pourrait arriver, ou aux conséquences qui l'attendrait. Arlo était le signal qui sommait à son cœur de se réveiller, et à son courage de s'embraser à nouveau. Devant lui, il y avait peut être une vision de son futur, un retour vers le passé. Rien au monde, pas même la fatigue et l'abandon qui l'avaient habité dernièrement, ne sauraient se mettre en travers de cela. Ce soir, il suivrait Arlo jusqu'au bout.

Les garçons s'engagèrent dans le couloir, toujours en sprintant; Dante espérait ne croiser personne, mais se doutait que de nombreux gardes devaient patrouiller un peu partout dans le château. L'endroit cependant, était tellement immense, qu'avec un peu de chance, ils passerait inaperçu. Que ferait-il si on le prenait à s'enfuir à toutes jambes, seul, lorsque Arlo aurait disparu à nouveau?
Chaque fois qu'ils tournaient un coin, Dante s'attendait à perdre Arlo et se retrouver face à face avec un garde. Chaque fois qu'ils passaient une porte, Dante s'attendait à la trouver fermée. Mais chaque fois, Arlo, devant lui, n'avait qu'à pousser pour qu'elle cède. Ce ne pouvait être normal. Est-ce que, devant lui, se trouvait une vrai personne qui avait préparé un passage pour s'échapper?

Il coururent de longues minutes jusqu'à atteindre une des extrémités du château - Dante se souvenait de l'endroit, il y était allé une seule fois, quelque jours auparavant.

Ils étaient approximativement au niveau du sous-sol. Les murs froids et mousseux qui les entouraient n'étaient éclairés par rien d'autre que la lumière de la lune, à l'extérieur. À leur droite, de grands cercles ouverts à l'extérieur étaient fermés par de solides barres de fer, ne laissant qu'un minuscule espace entre chacune d'entre elles.
Devant lui, Arlo avait cessé de courir, et Dante en fut ravi; il était à bout de souffle. Ils avancèrent plus lentement cette fois. Le sol sous leur pied était briqué, et une flaque énorme les faisait patauger dans quelques centimètres d'eau. Étant donné la forme recourbée du sol, construite comme une cuvette, Dante comprit que l'endroit avait dut être innondé la majorité du temps. Un peu comme un ancien égout.

Arlo reprit son avancée et Dante se dut de presser le pas à son tour pour ne pas le perdre. Ses jambes lui faisaient mal, et marcher dans l'eau était extrêmement désagréable. Ses vieilles chaussures de cuir lui faisaient horriblement mal.

REALITIES (La Communauté de l'Ombre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant