13. Dantesque

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Il entrait dans une ample caverne sombre, à peine illuminée par quelques vieilles torches suspendues contre les parois rocheuses. A peine passé l'arche qui le menait dans un grand hall d'entrée, il tombait directement devant un Arlo désarmé et apeuré. Sans que celui-ci ne puisse faire quoi que ce soit pour se défendre, il chargea et enfonça une lame entre ses côtes. Il pût sentir le choque dans ses doigts, sa main et ses avant-bras la lame frapper une côte avec un bruit sec, avant de glisser sur l'os et s'enfoncer molement dans son foie. Tétanisé, Arlo s'écroula sur le côté, tenant sa blessure à deux mains.
Il enjamba le corps de sa première victime et se retrouva devant une Lucia déjà blessée, à peine capable de se tenir debout. D'une main supplicatrice, elle tenta de le dissuader de l'attaquer, comme si elle implorait sa pitié. Mais il la rejeta brusquement et, dans l'indifférence la plus totale, enfonça sa dague dans la gorge de sa victime. La lame pénétra par le côté et il pût sentir la chair et les tendons céder sous le métal froid. Il effectua un mouvement sec du poignet et le sang chaud coula jusqu'à son coude. Le regard de Lucia se vida alors que ses jambes lui faisaient défaut, la laissant tomber au sol.
Puis il se retourna vers l'escalier qui lui faisait face. Quelqu'un se tenait debout devant lui, et à la seule vue de son visage, un sentiment de peur le saisit. Ce devait être Enzo. Il se rua en avant pour lui planter la lame de son arme directement au visage. Mais au moment exact où il sembla l'atteindre, il entendit du verre éclater juste devant lui. Une fraction de seconde lui permit de comprendre qu'il avait détruit un mirroir. La personne devant lui n'était pas Enzo. C'était lui même.

Dante se réveilla en hurlant. Ce rêve, il l'avait fait plus d'une fois. Celui-ci, cependant, devenait toujours de plus en plus détaillé. Chaque fois, il tuait ses compagnons avec une facilité et une déconnection totale. Et à chaque fois, à la toute fin, il confondait son reflet avec l'image d'Enzo.

Sentant de l'humidité sous sa main droite, posée contre le matelas sur lequel il avait tenté de dormir, il réalisa que le lit au complet était couvert de sueur.
Il passa rapidement en revue l'état dans lequel étaient ses vêtements. Il portait toujours le vieux tricot gris que Lucia lui avait fait l'année dernière. Des taches sombres le recouvrait, vestiges de la violence à laquelle il avait pris part trois jours plus tôt. Ses vieux pantalons de toile noir étaient affreusement sales, et il se sentait dégoûtant. Il avait sué abondamment ces derniers jours, torturé par l'angoisse, le stress et l'anxiété. Il se souvint qu'Enzo lui avait toujours recommandé de se concentrer sur sa respiration lorsque la panique semblait incontrôlable. Cela avait cependant été une épreuve plus difficile à réaliser qu'à l'habitude.

Depuis le jour de la mort d'Enzo et de son départ forcé de leur demeure à Monte Perdido, Dante avait été trimballé sans ménagement. Lorsqu'on l'avait traîné hors de la caverne, il s'était débattu autant qu'il avait pu, mais sa condition, à ce moment, ne lui avait permis que de s'aggraver. Lors de la descente sur le flanc ouest, on l'avait installé en sac à patate sur l'un des chevaux. Ayant été fermement ligoté, Dante n'avait malheureusement pas pu user de ses mains ou de ses jambes, mais comme personne ne l'avait attaché au cheval, il avait compté sur ce détail afin d'échapper à ses ravisseurs.
La nuit du premier jour de voyage, il avait choisi son moment pour ruer de toutes ses forces, tentant de se faire tomber lui même de la monture. À peine quelques secondes avaient suffit, et avec un choque bien pesant, son corps avait heurté le sol sans qu'il ne puisse amortir sa chute. Il n'avait cependant pas choisi son heure de façon aléatoire; il avait décidé de s'échapper lorsque les quatre chevaux s'étaient mis a longer un escarpement abrupte, et malgré le danger toutefois évident, Dante avait pris sa chance.
Comme prévu, il avait déboulé la pente à une vitesse étourdissante. À plusieurs reprises, il s'était frappé la tête asser fort pour qu'un homme adulte moyen en perde connaissance - mais sa détermination (et un brillant usage de sa technique d'endurcissement) le gardèrent conscient, et il roula jusqu'à atteindre le bas de l'escarpement. La, il avait tenté de se relever et de fuir, mais son corps était si endommagé que lorsqu'ils remirent la main sur lui, ils durent s'arrêter pour le reste de la nuit afin de le rafistoler.

REALITIES (La Communauté de l'Ombre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant