15. Réclusion

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- Les crimes qu'il a commit dans ce petit village en Ukraine n'ont jamais été payées non plus. Enzo était, dans sa jeunesse, un meurtrier qui a terrorisé deux plans différents et qui a échappé à presque tout le monde. Jusqu'à très récemment. C'est pour cela que, lorsque le prêtre du village où vous viviez nous a décrit celui qui vous avait emmené, nous pensions ne plus jamais vous retrouver. Quelle ne fut pas notre surprise lorsqu'une de nos sentinelles vous a repéré, six ans plus tard, dans le village où vous aviez vécu.

Dante n'osait plus relever la tête, et peinait à rester immobile sur sa chaise. Il avait en mains des articles de journaux qui relataient des horreurs, toutes commises par Enzo. Il se souvenait de celui-ci, plus jeune, racontant que quelqu'un avait un jour ravagé le village de Nicolaï. Que c'était pour cela que le jeune meurtrier détestait autant les gens de la Frontière.

Il lui fallut rassembler ses forces pour trouver une dernière source d'hésitation.

- Si vous nous pensiez mort, pourquoi avoir laissé une patrouille a Torla pendant six ans? Enzo n'a jamais eu d'attitude déplacée envers nous depuis le tout début. Il a été un père pour nous.

Un trémolo dans sa voix trahit beaucoup d'émotions. Malgré des preuves relativement tangibles, il ne pouvait s'empêcher d'aimer cet homme comme il l'avait toujours fait.

- En fait, cette patrouille ne vous cherchait pas à l'origine. Nous faisions des recherches sur l'emplacement. Nous voulons savoir pourquoi certaines personnes naissent avec les aptitudes propres aux passeurs. C'est quelque chose qui nous échappe complètement.

- Allons. Vous me direz que ces hommes armés - ou simplement l'homme qui avait le même stand que plusieurs années auparavant, étaient là pour de la recherche?

- Le stand en question n'était qu'une couverture. S'ils rencontraient un intrus, ils pouvaient faire croire qu'ils étaient des marchands qui n'avaient voulu que faire une halte et qui s'étaient butés contre une villa déserte.

- J'ai peine à y croire. Ils... m'ont attaqués sans hésitation.

La femme se tut un moment. Dante pensa avoir marqué un point, mais le vieillard, qui s'était contenté de l'observer minutieusement depuis le début de la conversation, poursuivit à sa place. Il s'exprima avec fluidité, sans l'ombre d'un accent.

- Ne savez vous pas, jeune homme, que dans la Réalité, les gens qui ont recours à des activités occultes dégagent une certaine aura qui est facilement perceptible?

Dante ne sut quoi répondre. Il n'en avais jamais entendu parler. Face aux trois inconnus qui lui faisaient face, il se sentait très seul, et il peinait a regrouper ses idées.
Ses doigts parcouraient nerveusement la nappe. Il aurait tellement aimé être ailleurs.
Mais une aide inattendue lui vint alors. Étonnamment, elle vint du militaire au regard dur. Dante l'avait évalué rapidement; bras croisés, visage tendu, crispé, jetant de nombreux coups d'œil aux alentours comme s'il était pressé de quitter la table. Lorsqu'il s'adressa à ses confrères, toutefois, ce fut d'une voix très douce et posée qui surprit Dante.

- Je pense que ce jeune homme en a eu asser pour ce soir.

La femme le regarda d'un air incertain, presque confus.

- Il est cependant important de lui expliquer pourquoi nous nécessitons son aide.

- Soyez concise, dans ce cas.

Elle se retourna vers Dante et lui sourit doucement. Le jeune homme eut l'impression d'y voir de la pitié.

- Désolée. Nous y sommes allés un peu fort et je réalise que nous n'en sommes pas venus à parler du sujet principal. Que prendrez vous?

REALITIES (La Communauté de l'Ombre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant