Chapitre XVII - Sous Un Ciel Violacé

52 14 26
                                    

Dante ouvrit lentement les yeux.
Aucun mal de cœur. Aucune sensation qui lui semblait hors de l'ordinaire.
Il était debout, tranquille, avec la simple impression de s'être assoupi un instant. Il ne lui fallut que peu de temps pour retrouver ses sens, comme s'il était sorti d'une pièce sombre dans la lumière du matin. Et devant lui, maintenant, s'offrait la vision la plus extraordinaire qu'il ne lui ait jamais été porté à voir.

Il se tenait sur le toit d'un château - immense, tellement vaste qu'il excédait la taille de n'importe quelle ville que Dante ait pu connaître dans sa vie, plus large encore que Broto - et à une hauteur si vertigineuse qu'il lui semblait pouvoir toucher les nuages en s'étirant un peu. Debout au milieu de cette immense merveille, il se tenait, immobile, sur un balcon de pierre craquelé et couvert de mousse, perdu quelque part entre les toits anguleux et les tours de différentes hauteurs s'élevant ça et là. Au loin à l'horizon se profilaient de larges collines découpées par ce même ciel violacé qu'il avait aperçu sur la toile dans le sous sol du pub... Quelques secondes plus tôt à peine.


La deuxième chose qui le frappa fut l'odeur qu'il perçut lorsqu'il fut remis de cette vision unique; c'était la même, il pouvait le déterminer aisément, qu'un matin brumeux d'automne sur Monte Perdido ou les pins fournis embaumaient l'air d'une odeur fraîche et caractéristique d'une forêt tempérée. L'idée de pouvoir retrouver quelque chose d'aussi familier dans un endroit aussi lointain - plus que ça, en fait - dans un autre univers, le surpris au plus haut point. Il s'attendait à devoir réapprendre les fondements même de la vie et de la nature sous un oeuil différent, mais il n'en était rien.
La limite entre son monde d'origine et celui-ci​ n'était qu'une mince ligne fragile, pouvant être brisée par un enfant.

Nill l'interpella bientôt.

- Venez, Passeur. Il se fait tard, ici. Nous sommes attendus.

Tard? Comme c'était étrange. Ils s'étaient levés avant l'aube, et il lui semblait que le voyage n'eut duré que quelques secondes.
Il suivit toutefois Nill sans le questionner. Il aperçut, près d'eux, Gabriella qui trainait Nicolaï dans son sillage. Celui-ci affichait un air de dégoût profond.

À la suite de Nill qui s'était engouffré dans un large espace à même le sol, il atteint de grands escaliers taillés dans ce qui semblait être du quartz, et les descendit précautionneusement, éclairé par d'immenses torches qui brûlaient ardemment. Le son de ses pas résonnait en échos et Dante se demanda quelle profondeur ces escaliers pouvaient avoir. Bientôt, il entendit d'autres bruits derrière lui, lui indiquant que les deux autres les avaient suivis.
Il descendit pendant près d'une minute entière avant de rejoindre une grande porte de bois aux pentures en fer forgé, traversant les noeuds du bois comme des feuilles de vignes poussant vers l'autre extrémité.

Lorsque Nill ouvrit la porte, Dante découvrit un couloir d'une grande beauté. Un tapis rouge recouvrait le sol et donnait à l'endroit un aspect majestueux, royal. Les murs étaient polis et à chaque cinq mètres, une cavité abritait de nombreuses chandelles semblables à des cierges, éclairant le passage pour quiconque décide de le traverser. Le plafond était très haut, mais de là se balançaient quelques lustres dont les nombreuses bougies brillaient d'une lueur apaisante, ajoutant un peu de lumière à cet endroit splendide.
Le couloir dans lequel ils se trouvaient formait une courbe en U qu'ils suivirent, et en tournant le coin, ils firent face à une salle immense.
Pendant un instant, Dante eut un flash; ce hall d'entrée à Monte Perdido, au pied de l'escalier, où il pouvait voir Arlo et Lucia assis à jouer avec de jeunes félins, et Enzo (qui tombait au sol, couvert de sang, laissant derrière lui un Dante à la merci de ses agresseurs.)

Ce hall, cependant, ne donnait pas sur une entrée et était beaucoup plus grand et resplendissant que celui que Dante avait autrefois connu. Il était surplombé de deux immenses foyers et de nombreux fauteuils, et des cadres sur les murs exposaient des œuvres d'art fantastiques. Le lustre éclairant l'endroit était si énorme qu'il en était presque ridicule; Dante n'aurait jamais pu compter le nombre de bougies qui s'y trouvait. Les allumer toutes devait prendre une journée complète.

REALITIES (La Communauté de l'Ombre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant