Chapitre XXXV - Sept Coups Sur Le Plancher

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Il était déjà tard dans la nuit lorsque la maisonnée se décida enfin a laisser Cerys et Milo entre les mains du destin. Ils avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour les aider et il fallait maintenant les laisser se reposer.  

Tous ou presque dormaient déjà mais Dante, étrangement, ne trouvait pas le sommeil. Il était épuisé; l'affrontement avec Nill l'avait épuisé - il était lui même blessé et, aussi raisonnable lui semble l'idée de laisser son corps se régénérer grâce a une bonne nuit de repos, il ne pouvait se détendre, fermer l'oeil, comme s'il était habité d'une anxiété trop envahissante.

Presque tout autour de lui était plongé dans la noirceur. Sur le canapé reposait Cerys qui était, physiquement, la plus souffrante. Au sol tout près d'elle, Noah s'était endormi pendant son tour de garde auprès de la jeune femme. Dante ne s'en était pas préoccupé. Une seule personne éveillée était largement suffisante. L'âtre d'une cheminée, construite de pierres des champs, réchauffait Rory qui était couchée tout près. La pauvre était exténuée, et bien qu'elle ait souhaité rester au chevet de Milo, on l'avait forcée a se coucher. Quelques bougies brûlaient autour d'eux et laissait une ambiance tamisée dans la pièce. La famille reposait dans la pièce fermée un peu plus loin. Et Nico, assis au pied du mur près d'ou Dante se tenait, fixait la porte comme s'il voulait voir au travers. Dante connaissait parfaitement ses intentions. Il attendait, assurément, le moment propice pour y entrer et faire le sale boulot. Seulement voila; quelqu'un, dans la pièce, ne dormait pas non plus. On pouvait entendre, dans le calme et la tranquillité nocturne, un corps se tourner et se retourner. La respiration des gens endormis était le seul bruit présent; jusqu'à ce qu'un son particulier vint perturber le silence. Dante fut d'abord submergé par une poussée d'adrénaline; et a son instar, Nicolaï s'était relevé rapidement; mais il reconnut bientôt le feulement grave et feutré de Liro. Celui-ci avait passé les derniers jours loin des chevaux - Il chassait dans les environs, suivait la piste du groupe en déplacement - mais Dante ne l'avait pas revu depuis leur départ en calèche. 

La porte s'ouvrit lentement et Florient sortir la tête. Les deux garçons purent entendre son chuchotement;

- Qu'est-ce que c'était que ça?

- Ça va, lui répondit Dante, c'est un grand félin; mais il nous accompagne. 

Un bruit sourd résonna contre la porte. Noah se réveilla partiellement, avant de reprendre pleinement conscience;

- Qu'est-ce que c'était que ça? Dit-il tout haut.

- Shhh! Fit Dante a son intention. Il approcha de la porte doucement. Et si ce n'était pas Liro?

Il décida d'ouvrir tout de même. <Êtes vous sur que c'est une bonne idée?> entendirent-ils marmonner derrière, mais Dante n'y prêta pas attention. Il défit le loquet et entrouvrit la porte. Un grand félin y entra aussitôt; il était trempé mais ne semblait pas blessé. Et il s'agissait bien de Liro. <Pouvez vous l'attacher au moins?> Dante se pencha vers son compagnon. Celui-ci lui lécha le visage; Dante se souvint l'avoir vu naître des années auparavant, et cela lui sembla si lointain qu'un pincement vint se faire sentir quelque part autour du coeur. Il chassa ces pensées loin de sa tête.

- Tout va bien, mon gars? Dit-il alors qu'il passait une main dans la fourrure courte de l'animal. Ce dernier se dépècha de le remmener vers la porte, puis a l'extérieur, et Dante sût pourquoi il était revenu ainsi.

Devant eux, non loin, encore a moitié cachés dans les arbres, la lumière de torches approchait dans leur direction. S'il s'avérait que des hommes impériaux venaient cogner ici, peu importe pour quelle raison, ils étaient foutus. Cerys et Milo ne pouvaient pas se déplacer par eux même, et reprendre la calèche leur était impossible. Les chevaux n'étaient pas attelés, et ils seraient trop visibles.

Dante se retira de la pluie et du vent et revint a l'intérieur, Liro le suivant au pas.

- Problème, murmura Dante a Nico qui s'était approché. Il y a des gens - beaucoup, a première vue.

Nicolaï échappa un juron, sans toute fois laisser transparaître son désarroi par une expression faciale quelconque. Il se dirigea vers une petite fenêtre sur le côté.

- On ne peut plus prendre de chances, sembla-il se dire à lui même. Dante l'avait entendu.

Au moment où il se précipitai sur lui pour l'empêcher de quelconque action, Florient se pencha; Nicolaï porta sa main à sa taille pour saisir ses couteaux; et alors le père de famille se releva en tirant un battant qui se dressa avec lui.

- Prenez tout le monde et descendez ici!

Florient tenait une porte faite du même bois que le plancher. Dante ne l'avait jamais remarqué auparavant.
Nicolaï fut contraint de laisser ses couteaux là où ils étaient.

Noah, qui avait suivi les évènements depuis le salon, se pencha aussitôt pour prendre Cerys.

Milo dormait dans la chambre.

- Je vais prendre l'autre! Dit Nico à Dante. Celui-ci eut une bouffée de terreur; tout le reste de la famille s'y trouvait. Mais il ne pouvait plus faire grand chose. Florient avait réveillé Rory et l'emmenait vers la trappe; il la fit descendre, Noah derrière elle. Il soutenait une Cerys inconsciente, et Dante dut la retenir pendant qu'il descendait pour ne pas qu'elle tombe alors que Noah descendait l'échelle. Puis il s'y engouffra lui même. En descendant la trappe, il se retourna pour voir par la fenêtre, pour entrevoir une demi douzaine de soldats environ, comme il en avait vu au palais. Il prit le couvert de la trappe et la rabaissa vers lui, jetta un dernier coup d'œil à la chambre; Nico n'avait pas le temps de revenir avec Milo. Florient lui jetta un coup d'œil entendu; Dante ferma la trappe et ils furent dans le noir.

Il y avait suffisament de toiles d'araignées dans ce trou pour y remplir un oreiller. Des cannes de conserve et des bouteilles de verre y étaient stockées et Noah lui fit bientôt signe de ne pas bouger. Si elles tombaient, leur plan tomberai à l'eau.

S'il ne l'était pas déjà...

Il y eu quatre coups à la porte la haut. Les jeunes qui seraient cachés en bas tendirent l'oreille. Florient s'y dirigea et ouvrit, feignant un pas lent et endormi, une voix rauque et empreinte de sommeil.

- Bonsoir, messieurs, que puis-je pour vous?

- Nous faisons partie d'une battue à travers le royaume. Cette maison sera sujette à une fouille complète comme toutes celles de votre compté.

- Ah, bien sûr, mais s'il est possible d'éviter de réveiller les enfants...

Les gardes n'en firent rien et entrèrent en écartant eux même Florient. Les jeunes purent les entendre retourner des meubles, vider des armoires, même vider le foyer pour regarder à l'intérieur. Puis l'un d'eux se dirigea vers la porte de la chambre. Des gouttes de sueur perlèrent sur le front de Dante.

- Ah, dit Florient, les enfants et ma femme dorment dans cette pièce, si c'est possible de...

Mais on ne le laissa pas terminer sa phrase. Il y eu le déclic d'une porte qui s'ouvre et des bruits de pas résonnèrent dans la pièce. Un des enfants étouffa un sanglot, puis la voix de l'intrus s'éleva par dessus les bruits de la tempête à l'extérieur.

- L'un des parias se trouve ici!

Tous les enfants crièrent, et Dante entendit la voix de Mellie hurler <Non!> et ce fut la débandade. Dante ferma les yeux, très fort; il pensa à ceux qui se trouvaient, sans défenses ou presque, contre les soldats. Milo, Florient, Mellie, les trois enfants et même Nico... Il y eut un bruit de bagarre étouffée alors que le bruit des bottes de cuir des autres inquisiteurs se ruaient dans la chambre. Dante réfléchit à une façon de les aider, mais n'étant ni en dessous d'eux ni dans un angle ou il pouvait ne serait-ce que les apercevoir, il ne trouva rien. Il entendit, médusé, un corps tomber sur le sol, puis un autre, plus léger, puis un autre... Mellie continuait à hurler, et Florient criait des choses incompréhensible - il se tut bientôt et finalement, lorsque Dante ne put entendre que les pleurs de Mellie, il y eut le brut d'un dernier corps qui tomba au sol et se fut le silence. Quelqu'un marcha hors de la pièce, et lorsque son pied se posa sur la trappe, il se figea. Dante cessa de respirer, et Rory fit le plus grand effort possible pour ne pas céder à des sanglots. Il y eut un déclic, et la trappe s'ouvrit.

REALITIES (La Communauté de l'Ombre)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant