Chapitre 8

455 53 35
                                    

J'étais mort.
Genre littéralement mort.
Décédé.
Fini.
Terminé.
Plus de ce monde
Jeté aux oubliettes.
Condamné à pourrir au fond des Champs du Châtiment, à endurer des souffrances physiques (écouter du Justin Bieber pour l'éternité par exemple) et morales (écouter du Justin Bieber pour l'éternité par exemple).
Enfin... Non.
Ça, c'est ce qui aurait DÛ arriver.
À la place, j'étais au Manoir, un domaine immense rempli de personnes étranges et – d'après ce que j'avais pu en comprendre – de tous siècles. D'ailleurs, c'était quoi cet endroit ?
Excellente question.
L'Élysée, peut-être ?
Euh non, peut-être pas.
Dernière option, j'étais à l'état de fantôme.
Je pensais bien que ce soit cela : que je sois à l'état de fantôme expliquerait bien des choses – sauf le fait que j'ai échappé à mon oncle (même si parler du Seigneur-Des-Morts-Hadès-Tout-Puissant comme mon oncle est bizarre).
Bon : pour tout comprendre, il fallait revenir au début des explications : comment j'ai su que j'étais mort.
Ça avait commencé avec les conversations qu'avaient les autres dans mon dos : c'est qu'ils n'étaient pas très discrets. À les entendre discuter, j'avais fini par déduire que les hurlements qui venaient de l'étage du bas n'étaient pas ceux d'aliénés mentaux, mais de fantômes gris (d'où le surnom). Sans couleur ni consistance, ils auraient perdu leurs âmes à cause des crimes commis de leur vivant.
Je n'avais pas menti quand j'avais dit à la vieille institutrice que je n'irais pas à la cave, j'étais un aimant à embrouilles assez efficace pour m'en créer sans cela. De plus, ces roublards semblaient représenter un grand danger pour le Manoir et flanquaient la frousse aux autres.
Donc avec ça et bien d'autres détails légers, j'avais fini par comprendre. C'est au moment où j'ai compris que ÇA m'est revenu : le moment où j'étais mort.
Comment avais-je pu l'oublier ?
Pourtant, j'avais eu une belle mort, comparée à celle qu'ont habituellement les gens comme moi (se faire déchiqueter, dévorer, métamorphoser ET ENSUITE dévorer, offenser un dieu, offenser ma fiancée, broyer, lacérer... Ou peut-être même juste offenser ma fiancée : ça faisait tout en un paquet gratuit avec souffrances incluses).
Ce moment-là pourtant, je m'en souvenais à présent : j'étais avec Annabeth (justement ma fiancée), sur la terrasse de la Grande Maison, on se tenait la main, aucun de nous ne soufflait mot.
On avait une vue imprenable sur les bungalows, qui formaient des dessins énigmatiques avec leurs ombres qui s'étiraient sous l'effet du coucher de soleil. Le lac de canoë-kayak et le détroit qui nous faisaient face scintillaient de cette lueur orangée qui ne laissait jamais les regards émerveillés.
Tout cela était si poétique...
Sauf cette petite tache d'ombre. Il fallait toujours qu'il y en ait une. Cette petite tache, qui de seconde en seconde, prenait de l'ampleur, en même temps que le mal qui me rongeait. Doucement, mais sûrement.
Cette petite tache d'ombre qu'était la voix insidieuse qui me susurrait : «Profite bien Persée, car c'est la dernière fois » .
De quoi était-ce la dernière fois ?
De tout.
Oui, je savais que j'allais mourir. J'avais eu le temps de dire au revoir, à ma mère, à mes amis, il ne restait à ce moment-là plus qu'Annabeth à mes côtés, à qui je n'avais pas dit au revoir. Pouvoir faire ses adieux à sa famille était un luxe qui n'était pas offert à n'importe qui, mais...
Nous nous sommes mis à parler. De tout, de rien.
Je lui ai dit que je l'aimais, je ne voulais pas la perdre, je crois même qu'à un moment elle à pleuré, c'était si rare.
On s'est embrassé une dernière fois, j'ai eu le temps de lui dire au revoir.
Nous étions debout et je l'avais prise dans mes bras au moment où ça arriva.

Je suis mort à ce moment-là, dans ses bras.
Elle m'a retenu pour que je ne tombe pas, ça n'avait plus vraiment d'importance. Elle est allée chercher Chiron dans le salon de la grande maison.
Pendant ce temps, je me relevais, un peu paumé. J'étais à l'état de fantôme, de courant d'air, d'âme perdue.
Encore au même moment, un véhicule se garait devant la Grande Maison, un genre de fourgon pénitentiaire américain datant du dix-neuvième siècle, gris avec des klaxons sur le toit. Un homme assez vieux mais robuste, aux larges épaules et en grand manteau noir, était au volant. Il était descendu du véhicule rustique et m'avait ordonné de monter dans sa camionnette. En la regardant bien, on voyait qu'elle était un peu floue – tout comme l'homme d'ailleurs. Je n'y avais pas vraiment prêté attention, ou bien, je n'avais pas voulu voir.
Je me souvenais maintenant. Pourtant, le trajet, l'arrêt, tout me laissait un grand vide, comme pour l'instant de ma mort : si j'avais réussi à m'en rappeler, le reste me faisait défaut.
Une chose était sûre : il s'était passé quelque chose entre le moment où je m'étais endormi dans le fourgon et celui où je m'étais réveillé dans le taxi. Une assez longue période où je n'avais aucune idée de ce que j'avais pu faire ou voir, mes souvenirs avaient été totalement gommés.
BREF, tout ça pour dire que j'avais retrouvé la moitié de ma mémoire, chose m'ayant aidé à capter la situation.
Restait encore une troisième raison qui me poussait à affirmer que j'étais mort, celle-la tenait en deux mots : Luke Castellan.
Le nouvel arrivant, qui portait le nom et l'âge de mon ancien ami-ennemi-ami (dans cet ordre-là sauf erreur) – du moins l'âge qu'il avait à sa mort. Il avait exactement la même voix, ça ne pouvait être que lui. Alors a moins qu'il ait ressuscité...
C'était tout ça qui m'avais permis de comprendre, et voilà où j'en étais à présent. Même si j'avais toujours des questions, par exemple : si les autres aussi étaient à l'état de fantômes, pourquoi ne les voyais-je pas flous et vaporeux, mais qui avaient l'air parfaitement vivants ? Et je parlais en connaissance de cause, j'avais vu tant de fantômes de mon vivant (quelle expression horrible), à commencer par ceux de mes amis morts au combat : Bianca entre autres, était totalement différente d'Hoël, de Lou ou de Richard, qui semblaient tellement réels !
De toute façon, peut-être les voyais-je ainsi parce que j'étais dans le même état qu'eux, ou alors à cause du fait qu'on soit dans ce Manoir ?
Bonne question.
Retour à ma petite crise de chagrin. Je ne pourrais plus revoir Annabeth, et ça, c'était la cata. Je devais la revoir ! Je n'avais pas l'intention de passer l'éternité à me dire qu'elle me manquait, c'était tout bonnement inconcevable. Et puis j'avais comme un pressentiment, quelque chose me disais que je la reverrai. Mais sans savoir pourquoi quand je pensais à cela, j'avais comme une sensation d'étouffement, je commençais à culpabiliser, sans raison apparente pourtant.
Annabeth... J'ose à peine imaginer son état, son fiancé mort alors qu'il était si jeune. Peut-être était-ce ça cette culpabilité, le fait que je l'ai abandonné et qu'elle soit maintenant seule ? Où alors peut-être avait-elle tenté de se suicider et inconsciemment, je le savais ? J'avais l'étrange impression que ce n'était pas ça.
Et puis j'avais encore autre chose qui me tracassait : vous voyez quand on part en voyage, et que tout le long du trajet, on a l'impression d'avoir oublié quelque chose ? Ce moment où on se rend compte de ce qu'on a oublié qu'une fois arrivé à destination, autrement dit trop tard pour rectifier le tir ?
Eh bien moi, dans mon exemple, je n'étais pas encore arrivé à destination, et cette horrible impression d'oubli me taraudait sans cesse.
Et autant de questions sans réponse, encore.
Enfin. C'étaient mes pensées joyeuses du jour.
Tout au long du couloir, je marchais sans vraiment regarder ou j'allais. Je me dirigeais automatiquement vers ma chambre à travers les méandres des corridors que je connaissais bientôt par cœur, avant de la trouver et d'y entrer me changer.
J'avais un peu menti aux amoureux, car en réalité, je ne partais que dans vingt-cinq minutes au cours de sport renforcé. Léo était parti avant pour tout mettre en place sur la plage, me laissant le temps de manger. Mais pour une fois, j'avais voulu échapper à l'interrogatoire et j'étais parti plus tôt.
J'ouvris mon armoire : à l'intérieur, se trouvaient des pantalons de rechange, mais aucun autre t-shirt que celui du Camp Jupiter, ce qui n'était guère mieux que celui de la Colonie des Sangs-Mêlés : ils portaient des noms compromettants par rapport à mon passé et à l'endroit où vivent beaucoup de mes amis. Aussi, pour cacher les inscriptions dessus, je devais porter en permanence mon blouson, assez embêtant.
Je pris donc mon habituel t-shirt orange et le short que je mettais à la colo pour donner des cours d'escrime, l'enfila et sortit d'un pas peu pressé rejoindre Léo que je voyais s'activer sur la plage depuis la fenêtre de ma chambre.
Je passais près du réfectoire quand j'entendis les voix de Cléa et de Liam : ils ne parlaient pas à voix haute, mais leur table était près de la porte, sans le vouloir, j'ai surpris une bribe de leur conversation :
« - Écoute Liam, Percy est dans le parc avec Léonidas, et au moins si c'est un gris, on le saura... » disait Cléa.
J'écoutais davantage : peut-être que cela ne se faisait pas d'écouter aux portes, mais quand on parle de soi, difficile d'y résister, et puis Liam ne s'était pas gêné avec le docteur !
Ils parlaient de... Fouiller ma chambre ? Très bien.
Ils allaient en prendre pour leur compte : après avoir entendu de telles choses, il était certainement plus judicieux d'aller faire quelques modifications à ma déco ...
Liam et Cléa voulaient savoir qui j'étais ? Pas de problème.
J'eus un sourire espiègle : Persée est bien le nom du héros grec de la légende ?
Je portais ce nom à cause de lui, car c'est le seul héros qui n'a pas eu de fin tragique et douloureuse. En y repensant, c'est vrai que je faisais penser à lui, c'est-à-dire que, j'avais passé les huit dernière années à vivre la même vie. Dans ma façon d'être, on pouvait penser que j'étais moi-même grec, et si j'avais bien compris Léonidas venait lui directement de là-bas, c'était donc possible que je puisse être cet homme.
Après tout, toutes légendes ont un fond de vérité ! Liam ne pourrait pas aller voir ce qu'il en est par la carte, ne possédant pas de dates et pas vraiment de lieu.
Est-ce que se faire passer pour lui serait une bonne idée ?
« Non, mais ça pourrait être assez drôle » pensais-je en souriant.
Eh, voilà, la machine infernale était lancée, Liam et Cléa allaient s'en mordre les doigts. Il ne fallait pas chercher !
Je ne pus m'empêcher de m'esclaffer. Je me stoppai très vite en voyant le docteur et Raoul sortir du couloir d'administration avec des mines sombres, en discutant à voix basse d'un sujet apparemment peu réjouissant. Au même moment, j'entendis les deux amoureux de lever.
Bon, il était temps de filer d'ici, et au plus vite. L'air de rien, du genre PAS DU TOUT en train d'écouter aux portes, je traversai le hall et montai les escaliers, avant de faire comme si j'entrais dans une des chambres. Au lieu de cela, je me tassai dans le renfoncement du mur contre la porte, de façon à n'être pas visible (du moins, je l'espérais) depuis l'étage inférieur. Je tendis l'oreille, et ce que j'entendis me fit l'effet d'une claque : ce n'était donc pas vrai ! Même le docteur voulait me faire parler !
Ils se méfiaient de moi, je les inquiétais même. Après, comment leur en vouloir ?
Ils avaient ici des enfants, et accueillaient des inconnus chez eux, peut-être dangereux ! Il valait mieux prévenir que guérir, et je respectais cela, même si je devais subir un interrogatoire continuel.
De toute façon, je m'en irai bientôt d'ici, alors pour ce que ça changerait...
Oui, même mort, je comptais voir s'il était possible de partir et m'en aller au plus vite.
Soupirant, je sortis rapidement de mon renfoncement et je repartis vers ma chambre. Lorsque j'y arrivais, je cachais tous les éléments compromettants sous une latte décollée du parquet, dissimulant mon album photos, des cadres et d'autres choses, ne laissant que de quoi embrouiller les deux fouineurs.
Je sortis de ma chambre et filai vers le parc après avoir fermé les rideaux de ma chambre. Je préparai un petit plan pour les surprendre, riant tout seul à mes bêtises.
Et j'étais assez pressé d'aller en cours, car j'avais bien besoin de me changer les idées, surtout en sachant ce que j'avais réellement fait le matin même : je n'avais quand même pas passé la matinée chez le docteur !
Non. En effet, alors que Liam était parti se coucher, moi, l'infatigable que j'étais (et je commençais déjà à le regretter), était parti dans le parc pour trouver un moyen de m'échapper. Chose qui, en plus des autres découvertes, m'avait plombé le moral, car je n'avais pas trouvé d'issue : le portail vert avait comme disparu, me laissant désespérer devant le haut mur gris du domaine.
Oui, cet endroit était une véritable prison, de laquelle je comptais bien m'échapper. Je savais que je trouverais une issue, il le fallait !
Oh non, ce Manoir ne me retiendra pas longtemps.  

ππππππππππππππππππππππππ

Hey !
Comment que ça va bien ?

Pour parler sérieusement, je peux annoncer que par écrit j'en suis au chapitre 38 presque 39, que je viens d'avoir le 3ème tome de la saison 2 du Manoir (sorti en librairie cette semaine et déjà fini), qui pourrait me permettre d'être plus précise sur les personnalités de chaque personnage lors de la correction.

A plus !

( Note à moi même : ce chapitre compte 2337 mots )

Liam et le fils de l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant