Chapitre 19

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« Ça ne s'arrêtera donc jamais ?»
Cléa avait dit cela en apprenant le vol des clés, alors que Percy n'avait qu'haussé les épaules.
Liam était stressé, les nerfs à vif. Combien de fois allaient-ils revivre cette même scène, combien de fois risqueraient-ils de voir leurs amis avalés dans le néant et disparaître à jamais ? Sans doute jusqu'à la leur, de disparition.
Quant à Léonidas, il arpentait les couloirs en poussant des cris de défi rauques, visant à faire peur au fuyard. Même, en étant dans son équipe, il ne manquait pas de faire se dresser les cheveux sur la tête, alors autant ne pas imaginer l'effet que ça avait sur le gris !
Raoul était toujours dans le bureau, veillant sur le docteur qui ne semblait pas se réveiller pour le moment, barricadé à l'abri de tout danger.
Ne restait que les autres, toujours confinés dans la salle d'armes.
Donc si on résume l'essentiel, Liam et Cléa étaient à cran, le Manoir en danger, et Percy s'en foutait.
Les deux complices surveillaient ce dernier en prétextant protéger le hall – Percy en ayant parfaitement conscience. Adossé nonchalamment à la porte, le regard dans le vide et triturant son collier de perles, il cachait cette tornade intérieure qui le tourmentait : des questions sans réponses, un souffle de nostalgie et cette vision, cette fichue vision.
Quelle vision ? Avant l'arrivée des nouveaux malheurs, il était dehors sur la plage. Le coucher de soleil était magnifique, il devait l'avouer, malheureusement, il était trop plongé dans ses pensées, tant qu'il avait eu un "trou noir". Hazel, après être revenue à la vie, avait ce genre de chose : elle pensait à sa vie d'avant sa mort en 1945 et était happée dans un souvenir. Percy avait fait un peu pareil, et s'était retrouvé à la Colonie des Sangs-Mêlés, au moment de sa mort, seulement, il y vit un détail dont il ne se souvenait pas avoir vu la première fois : une ombre, cachée plus loin, observait le dernier souffle de l'amoureux. Et cette personne, Percy n'avait pu l'identifier. Rageant.
En plus de cette vision, il se demandait si ce gris qui venait d'arriver aussi, il le connaissait. Déjà Luke ... Il y avait de quoi se demander ce que les Parques lui réservaient à nouveau. Ethan Nakamura, peut-être ? Un ami à lui mort sur le champ de bataille ?
Enfin bon. Tout ça pour dire qu'il était un peu distrait.
Cependant, Liam et Cléa restaient dans le hall plutôt que de retourner patrouiller. Premièrement pour le cas où il viendrait à l'idée du gris d'essayer les clés qu'il détenait, deuxièmement parce qu'ils n'avaient toujours pas confiance en Percy. C'est vrai que c'était forcer, ils n'avaient jamais porté méfiance si longtemps à quelqu'un avant lui. Percy savait qu'ils le surveillaient, ça ne changeait pas du schéma habituel.
Bon, ils en étaient à là, quand on entendit un grand bruit dans les couloirs, suivit d'un cri de fillette - ou de quelqu'un qui s'exercerait ses talents de soprano, mais en chantant très faux.
"- FOUS-MOI LA PAIX SALE GREC !" Hurla la voix suraiguë après son joli solo.
Liam et Cléa réagirent au quart de tour, courant au bas des escaliers pour intercepter l'intrus, tandis que Percy à leur grande surprise pâlit brusquement, prenant un air tellement abasourdi que si la situation n'avait été plus grave, Liam en aurait bien ri. Puis, tout aussi soudainement, il changea d'expression en prenant un air malicieux avant de se planquer sous l'escalier. Cléa le regarda d'un air énervé, et Percy lui tira la langue avant de faire un grand sourire.
- Trouillard ! siffla Cléa.
Contrairement à Percy, Liam avait du mal à sourire lui. Il ne savait pas que le "trouillard" en savait bien plus que prévu sur la gravité des circonstances, et ça l'énervait de plus en plus de le voir se comporter comme un enfant dans des situations telles que celle-ci.
Le gris arriva plus vite que prévu, et ne pris pas le temps de descendre : il sauta directement d'entre les escaliers, enjambant la rambarde et se réceptionnant en roulé-boulé devant la porte de la cave. Il fit tinter le trousseau de clefs qu'il tenait à la main, et dégaina son épée avant de la faire tournoyer d'un air menaçant. Il était assez singulier, vêtu d'une grande toge pourpre qui le faisait ressembler à un épouvantail avec sa maigreur, un turban blanc sur la tête, des médailles dorées brillant sur la poitrine - des distinctions romaines au vu des symboles, des peluches accrochées à la ceinture avec un grand canif et un fourreau dont le glaive se trouvait en ses mains, le tout sur un t-shirt pourpre - le même que dans l'armoire de Percy - et un blues jeans. Ses yeux bleus délavés fixaient les deux coéquipiers d'un air farouche, machiavélique.
Liam et Cléa encerclèrent le gris, pointant leurs épées en direction du gris qui recula d'un pas, tournant le dos à l'endroit où était caché Percy. Heureusement, ils ne craignaient pas vraiment pour leur âme, le gris étant capable de manipuler les clefs en avait évidemment déjà une.
Que faisait Percy ?
Le gris n'attendit pas sa présence pour frapper : il se jeta sur sa victime d'un coup, tel un aigle fondant sur sa proie. Liam s'effondra, restant conscient malgré la douleur - s'il n'avait pas été déjà mort, il le serait à présent. Il commença à respirer avec peine : Liam ayant un corps plus consistant que les autres, il avait beaucoup plus de mal à se remettre de ses blessures.
Cléa hurla de rage, la douleur la déchirant comme si elle-même avait été transpercée d'une lame d'acier. Elle n'eut pas le temps de réagir qu'il avait déjà introduit les clés dans la serrure, profitant de la détresse de l'adolescente. Heureusement, il n'eut que le temps de tourner la clef et de la reprendre : il se retrouva soudain avec une épée sous la gorge et une voix menaçante lui susurrant d'un ton féroce ;
- Qui traites-tu de traître, Octave ?
- Jackson, fit Octave en serrant les dents.
- Éloigne-toi immédiatement de cette porte, ordonna calmement Percy en sortant de l'ombre de sous l'escalier.
À la grande surprise des deux spectateurs, le gris s'exécuta, visiblement à contrecœur. Percy avait un regard dur, presque effrayant.
- Sale traître ! cracha Octave. Assassin, paria !
- Dit un assassin à un autre, réfuta Percy d'une voix si calme que ça faisait presque peur.
À présent, Octave était au milieu du hall, à trois mètres de la porte de la cave. Percy était derrière lui, son épée toujours sous la gorge du gris. Liam un mètre derrière, et Cléa en face d'eux.
Octave était imprévisible, et à nouveau, il le prouva. Échappant brusquement à la prise de Percy, il sortit de la poche de son jean une poignée de poudre qu'il lança sur le blessé. Percy, d'exaspération sans doute lui mit un coup appréciable sur la tête, tant en colère que le gris tomba à son tour sur le sol.
Cléa n'avait pas bougé, paralysée. Elle regarda Percy avec un air non pas de colère pour une fois, mais de peur, de détresse. Le regard de celle-ci le calma immédiatement, il se rendit compte que la jeune fille avait non pas besoin de colère, mais de réconfort à présent. Comme elle, il détourna lentement le regard vers Liam qui gisait toujours à terre : étant déjà très pâle, il prenait une teinte bleuâtre. Il ne réagit pas quand Cléa l'appela doucement, et son image s'étoila peu à peu, disparaissant bientôt. Liam fut, enfin, avalé par le néant.
- QU'EN A-T-IL FAIT ? QU'EST-CE QU'IL A FAIT ? Cléa explosa, les larmes aux yeux.
Percy la laissa faire, sans rien dire : elle avait son droit d'être en colère.
Mine de rien, cette altercation n'avait pas duré bien longtemps : le temps que Léo traverse le Manoir. Il était dehors au moment propice ( n'ayant pas trouvé le gris à l'intérieur), il était arrivé trop tard malgré son incroyable vitesse à la course. Il arriva à ce moment-là en haut et s'immobilisa sur le palier, comprenant que son disciple pouvait se permettre de ne pas être forte comme se devait l'être une spartiate.
D'un commun accord, Percy et Cléa envoyèrent le gris à la cave avec rage, ouvrant rapidement la porte maudite. Percy, la porte refermée, appuya sa tête contre avec une impression d'écrasement. Où qu'il aille, les ennuis le rattrapaient toujours, même dans la mort. Cléa s'adossa au mur, se laissa glisser au sol ou elle posa sa tête sur ses genoux, les larmes glissant doucement sur ses joues.
Percy, soudain désireux de trouver des réponses, passa sa main au sol à l'endroit où Liam se tenait auparavant. Il n'en ramena aucune poussière, chose normale pour un lieu fantôme qui ne pouvait salir, sauf dans cette situation : l'absence de poussière lui donna un regain d'espoir, et, mû par une impulsion soudaine, il déclara :
- Je sais comment retrouver Liam, enfin, je pense. Léo, je vais au bureau, si je ne reviens pas, c'est qu'il y a une petite chance pour que je l'aie trouvé.
En disant cela, Percy avait un ton froid et neutre, comme si rien ne s'était produit, on aurait presque dit qu'il n'en avait rien à faire, et cela attisait la colère naissante de Cléa. En réalité, pourtant, il était mortifié à l'idée de ce qu'Octave avait pu faire à Liam.
- Mais oui, bien sûr ! Grinça Cléa.
- Ca ne sert à rien de se défouler sur lui Cléa, dit Léo en descendant les escaliers.
- Ce n'est qu'un sale menteur ! Cria-t-elle. Qui est Octave, Percy ? Qui est Luke ? Pourquoi te désigne-t-il comme un traître et un assassin ? Pourquoi Octave porte le même t-shirt que celui caché dans ton armoire ? Menteur ! Comme si j'allais gober ton histoire de colonie de vacances où on apprend à manier l'épée ! Menteur ! Menteur !
- Cléa, ça suffit, dit calmement Percy. Léo, je vais à la Carte, ne m'attends pas.
Sans déconner, il avait carrément ignoré Cléa ! Elle était encore plus en colère, ne sachant pas que Percy se faisait un sang d'encre et paraissait froid pour ne pas trop paniquer.
- Très bien, mais il faut que quelqu'un reste de garde devant la porte, vous avez enfermés le gris avec les clés, raisonna Léonidas. Percy, avant d'y aller, va chercher quelqu'un à la salle d'armes pour garder la porte, que Cléa puisse aller se reposer.
- Non, dit Cléa, je vais rester, je peux m'en occuper. Tu peux dégager Percy, profites de l'excuse que tu t'es trouvée.
Léo et Percy échangèrent un regard, et Percy hocha doucement la tête avant de se tourner vers la porte du couloir d'administration. Cléa se fit la réflexion qu'il ressemblait à un général d'armée donnant des ordres lors d'un siège – sauf que c'était eux les assiégés.
Elle s'était toute embrouillée, elle ne savait pas où elle en était.
Il n'y avait à présent plus personne dans la pièce avec elle, personne pour entendre la voix d'un homme crier depuis la cave :
- Au secours, laissez-moi sortir ! Je vous en supplie ! Je suis un fantôme blanc, pitié sortez-moi de là, ils veulent me voler mon âme !
Ce n'était pas la voix d'Octave, qui venait de crier.

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Surprise ! J'ai retrouvé mon portable !
Pour écrire c'est la galère, mais j'essaie. Ah, oui, et le suspense ... Don't kill me !
Bon, voilà.
Bye !

Liam et le fils de l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant