Chapitre 4

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Buvant le liquide repugnant, les yeux collés à la télévision, ce fut ainsi que commença ma soirée. Théo termina de se doucher, vint me rejoindre, me fit la conversation quelques minutes avant de s'installer avec son ordinateur pour travailler, voyant que j'avais besoin de me changer les idées devant des personnages dessinés.

Une heure passa ainsi. Une autre suivit et une troisième arriva, mais je n'avais pas bougé. Au bout de la quatrième heure, je parlai à mon jeune avocat.

– Prenez la chambre pour ce soir, je vais m'allonger ici.

– Non, merci.

– Vraiment, je ne pourrai pas dormir dans le lit, lui avouai-je.

Il y avait de fortes chances qu'être seule dans le lit me fasse penser aux longues heures d'attentes que j'avais dû passer à craindre qu'il vienne me rejoindre dans la chambre d'invité où je m'étais réfugiée.

– Alors nous dormirons les deux ici.

– Je ne serai pas à l'aise. Je vous en prie, prenez la chambre.

– Mademoiselle Harrison, je suis votre avocat, je travaille pour vous, je ne peux pas prendre votre lit.

– Je vous le permets. Je vais prendre ma douche ensuite je vous laisse la chambre.

Sur ces mots, je me levai et partis dans la chambre. Je pris mon plus grand pyjama, des bas, mes produits et m'enfermai dans la salle de bain.

Là, je me déshabillai, me démaquillai et me regardai enfin réellement pour la première fois depuis que Frank m'avait souillé de cette manière.

Je commençai par le bas, ne voulant pas déjà affronter mon visage de zombie sans maquillage montrant toute ma souffrance.

Alors en silence, je regardai mes cuisses portant ses empreintes mauves, je pouvais me souvenir comme si c'était hier de la première fois qu'il m'avait tenu aussi fort. J'avalais le nœud que j'avais dans la gorge et regardai mes hanches égratignées et bleuies. Doucement, je passai mes doigts sur les marques, sentant les larmes commencer à couler sur mes joues.

Ensuite vint mon ventre. Combien de coups de poing avais-je reçus là ? Combien de fois avais-je craché du sang ? Plus vite qu'avant, incapable de m'attarder sur chaque blessure, je sautai quelques marques pour atterrir sur mes seins.

En les voyant, on pouvait penser que j'avais simplement un amant torride qui me faisait vivre des moments de plaisir extatiques, torrides, à couper le souffle, mais non. Ces marques étaient les toutes les fois que j'avais tenté de me séparer de lui. Pour me punir, il me mordait toujours là.

Quelqu'un pleurait bruyamment, était-ce moi ? Était-ce réellement moi ?

Pour vérifier, je levai les yeux vers le miroir et enfin, je vis la victime, je vis enfin la personne qui pleurait jusqu'à ne plus avoir de force depuis déjà un mois.

Ses yeux semblaient avoir rapetissés, leur vert semblait être recouvert d'une couche de gris impénétrable. Ses cernes étaient si visibles, si sombres qu'ils représentaient parfaitement l'état de l'âme meurtri de leur propriétaire. Ses joues habituellement rosées étaient devenues aussi blanches qu'une feuille de papier. Ce reflet n'était rien d'autre que le mien, pas vrai ?

Voulant m'assurer que c'était réel, je touchai mes cheveux et le reflet aussi en fit autant. Je m'essuyai ensuite le nez d'un mouchoir et se fut la même chose de l'autre côté du miroir. Je souris et le même sourire triste me fut renvoyé par le miroir.

– Il t'a détruit. Tu n'es plus rien, me dis-je et comme je m'y attendais, il n'y avait personne pour me dire le contraire ou me dire que tout ira mieux. Seulement le miroir et moi. Seulement nous deux. Lui montrant ma peine et moi à l'observer.

Ne leur dit pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant