Chapitre 4 - Voyage dans le temps

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Vendredi 22 septembre 2017
à 18h20

     Je ne sais pas vraiment si on peut dire que ces trois profs sont mes collègues. Mais au pire des cas, je pense que je peux les considérer comme des associés. Ça me fait légèrement sourire sur le chemin.

     Étrangement, je sens une présence supplémentaire. Je me retourne et je ne vois personne. J'ai droit à un regard intrigué des trois profs et on reprend notre chemin.

     Je lâche un soupir de soulagement quand on arrive au portail noir charbon et je l'ouvre. On sillonne les allées sous le couché de soleil sans dire un mot.

     C'est quand je trouve celle d'Aurélie que je suis surprise. Une photo d'elle, souriante avec sa famille, est accrochée sur le marbre gris.

     Je passe ma main sur la pierre tombale et m'excuse muettement pour ce que je vais faire. Les deux mains au sol, à genoux, je finis par dire en caressant l'herbe du bout des doigts:

_ Tu sais? C'est parce que l'on se pose des questions que l'on est ici à cette heure-ci. Pourquoi avoir laisser ce mot? Pourquoi n'as-tu pas essayer de résoudre le mystère? Et est-ce que tu as ta part de responsabilité dans la série de malheurs qui surviennent après 1996?

     Rien ne se passe en premier lieu et ensuite, c'est notre surprise à tous les quatre.

     A notre plus grand étonnement, nous ne sommes plus au cimetière mais chez elle. Enfin, chez elle avant sa mort. Je regarde instinctivement la pendule au dessus de la porte de sa chambre et c'est la stupéfaction quand je lis qu'il est 14h40.

     J'ignore avec précision dans quelle ville nous sommes mais je suis certaine d'une chose: elle n'est pas loin du lycée.

     On a 40 minutes minimum pour la trouver dans le bahut. On a été ramener au vendredi 17 mai 1996 avant sa mort... Pourquoi?

     Par simple curiosité, je demande à Alice:

_ Est-ce que tu te souviens en quelle salle vous étiez à ce moment-là?

_ Je sais qu'on était en anglais avec madame Legros mais je ne me souviens pas de la salle. Me répond-elle.

_ Tu nous parleras de ce que tu as fait quand on reviendra au présent. En attendant, on ne peut pas altérer le passé et notre classe de 1996 ne nous verra pas. On ne peut pas interagir avec eux. Et on monte en salle 214. Nous dit Benoît.

     On fonce au lycée sans aucune hésitation, on passe le portail de justesse avant qu'il ne se referme et on cour jusqu'au fond de la cour ouest pour monter les deux étages.

     C'est avec un énorme soupir que l'on s'adosse au mur de la salle et que l'on attend la sonnerie de la récréation. Je croise les bras sur ma poitrine et mes trois acolytes finissent par me demander dans un unisson parfait:

_ Comment est-ce que tu as fait pour nous ramener jusqu'ici?

_ Je parle aux âmes.

     Ils me regardent avec surprise et je continue d'un air plus calme et plus détendu:

_ Si on a pu voyager jusqu'ici, la date exacte et 40 minutes avant le drame, c'est parce qu'elle nous l'a accorder. Elle nous fait confiance pour comprendre ce qu'il s'est passer à ce moment-là. C'est elle qui décide du temps que l'on doit rester ici, pas moi. Et d'ailleurs, vous n'étiez plus que 8 à ce moment-là, non?

_ La dernière victime était le deux juin, me semble-t-il? Se demande Christian.

_ Non. Elle était bien en juin mais pas le 2. C'était Marc, le 7 juin. Je m'en souviendrais toujours parce que j'étais avec lui à ce moment précis.

     Ils se tournent tous les deux vers Alice et la regardent avec des yeux ronds de surprise. Je lâche un sourire franc et elle continue en leur précisant:

_ Il m'avait proposer de l'accompagné à la gare routière pour le dernier jour. Sauf que le drame s'est produit à ce moment-là et on passait proche d'un chantier. Je vous laisse imaginer la suite...

_ C'est à nos risques et périls de se faire des amis dans cette classe, vous savez? Demandais-je.

_ Alors c'est encore pire d'en faire parti. Me dit Benoît.

_ Je confirme. Mais ceux qui survivent chaque années n'ont pas le choix de changer de filière en terminale?

_ C'est comme ça qu'on est tous les trois devenus profs de physique. Et si tu te poses la question, Jean est notre assistant parce qu'il voulait un travail après avoir arrêter les cours. Me précise Christian.

_ Et comment on va faire quand Aurélie va sortir de la salle pour aller à la récré? Me demande Alice.

_ On attendra qu'elle sorte et on va la suivre. Si c'est la seule chose que l'on a à faire... Dis-je dans un souffle.

_ Comme tu dis. Approuvent les trois profs.

_ Et je voulais savoir, malgré mon statut d'élèves, vous me considérer comme l'une de vos collègues dans ce malheur?

_ On peut dire ça. Sauf que, à chaque fois que tu viens, dans la salle 122, tu devras toujours être seule. On te donnera la clé et nos emplois du temps vendredi prochain, si tu es d'accord, du moins? Me demande Benoît avec un large sourire.

_ Je suis tout ce qu'il y a de plus d'accord. Répondis-je de la même façon.

     Je soupire et on parle de beaucoup de choses. Mes projets si je reste en vie, ce que je fais en dehors des cours, les prochaines possibilités de morts... Des conversations habituelles de L1. Néanmoins, je garde un oeil sur l'heure. Il est 15h. Il nous reste 20 minutes pour parler.

     La question de Christian me tire de mes pensées qui m'ont au moins pris cinq minutes:

_ Tu penses qu'elle peut nous voir?

_ Si je ne serais pas surprise qu'elle me voit, ça me surprendrais qu'elle détecte la présence de ses camarades.

     La sonnerie nous tire de nos pensées et on voit les élèves sortir de la salle un par un. Mes trois acolytes de 21 ans plus tôt sont déjà sortis et il ne reste que Aurélie et la prof dans la salle.

     Je m'avance discrètement jusqu'à la porte et je la vois se tenir le coeur. Elle tombe, heurte une table et s'effondre, le crâne en sang. Je donne un coup dans le mur et on retourne au présent.

     On est bien au cimetière des L1, il n'y a pas de doutes. En revanche, par gratitude, je remercie Aurélie. Le vent se met à souffler et je dresse les oreilles en entendant:

_ Je t'en prie.

     La voix s'éteint dans le vent et je souris. Elle est en paix, désormais. C'est une bonne nouvelle pour elle.

     Je regarde la photo de classe et la retourne. C'est une surprise de lire un "merci à vous".

     Je demande à mes trois acolytes si ça ne les dérange pas de me raccompagner chez moi. C'est Alice qui m'étonne en me proposant de venir passer la nuit dans leur collocation. Ils me ramèneront chez moi demain.

     Quand on arrive, je suis surprise de voir un petit appartement mais c'est charmant. Un salon, une salle de bain, trois chambres et une cuisine.

     Sous les conseils de Benoît, je m'installe dans le canapé, une couverture sur le dos, et je m'endors assez rapidement.

The Last (Ou "La Survivante")Où les histoires vivent. Découvrez maintenant