Bonus n°1: Écoute ton coeur

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Lundi 2 octobre 2017
à 9h30

     Je monte en salle 122 comme d'habitude quand je suis en permanence et il se trouve que je suis toute seule, pour le moment. Je m'installe tranquillement sur le canapé après m'être fait un café. Je sors ma lecture actuelle et je me replonge dedans. 

     Étant donner que j'étais en français l'heure d'avant, j'en avais légèrement profité pour lire un peu. Sauf que la prof m'a griller, tout le monde s'est tourner vers moi en faisant des commentaires et je suis sortie quelques secondes dehors pour me calmer. 

     Le bruit d'une porte qui s'ouvre me fait lever les yeux et fermer le bouquin. A ma surprise, Benoît et Alice sont arrivés en même temps. Il nous en manque un. Je sors de ma rêverie en entendant Benoît me demander:

_ Christian n'est pas là?

_ Je ne pense pas. Répondis-je en buvant une gorgée de café.

_ Je suis dans le labo. Je t'ai vu arriver Hana. Mais je n'ai pas voulu te déranger pendant que tu lisais. Nous répond une voix depuis la salle de gauche. 

_ Bien sûr, un peu de savoir vivre ne peut pas être mauvais en sachant ce que tu m'as fait en début d'année. Lui rétorquais-je sur un ton sarcastique.

_ C'est bien écrit dans le règlement alors j'ai rien à me reprocher, tu sais?

_ C'est pas dans le règlement. C'est seulement écrit que la galerie est interdite de stationnement pendant les récréations et de 12h30 à 13h30. Tu peux vérifier, cher collègue.

     Je lui montre mon carnet à la page du règlement quand il sort du labo. Il vient vérifier de plus près et il reconnaît son erreur. Il s'excuse donc et retire sa blouse blanche. Il prend place à ma droite, Alice à ma gauche et on discute pendant un bon moment. 

     C'est quand je me lève que Benoît me demande d'un air tranquille:

_ Où vas-tu?

_ Faire un tour. J'ai besoin de me dégourdir les jambes. Répondis-je. 

_ Sinon, on pourrait aussi te faire un cour particulier, tu ne penses pas? Me propose Alice. 

_ Un peu de sport ne peut pas me faire de mal non plus. Rétorquais-je.

_ Surtout que j'ai son groupe de classe pendant une heure, juste après la récréation. Ricane Christian en corrigeant ses copies de terminale.

     Je lâche un soupir pour me détendre en sentant la tension monter très légèrement et j'ouvre la porte. J'ai mon laisser-passer alors je suis tranquille si un surveillant me dit de descendre. 

     Je passe en salle 125 pour parler tranquillement à Jean et il se trouve qu'il est tout seul dans la salle. Je souris légèrement et il m'invite à entrer. Ce que je fais aussitôt et je m'adosse au mur. Il finit une petite mise au point et se tourne vers moi. Il me dit d'un air calme:

_ Je n'ai pas été trop long?

_ C'est certainement moins long d'attendre que tu finisses de régler quelques détails plutôt que d'attendre des contrôles. Enfin, passons la question de l'attente. J'ai juste besoin de ton avis, en fait.

_ Sur? Me demande-t-il, surpris.

_ Suis-je vraiment obliger de tout cacher à mes amis? Je ne supporte pas vraiment cette idée. Je sens très bien venir le moment où je vais devoir faire un choix et je le sens très mal. Au fond, c'est comme si tu me demandais de choisir entre continuer de lire là-bas, à côté de la salle 123, et avoir une heure de colle. Parce que je sais que je mérite la retenue.

_ Pourquoi tu la mériterais? Tu ne fais rien de mal? Les surveillants n'ont rien à dire. Et en parlant de ça...

_ J'ai une dette envers toi, maintenant, c'est ça? Demandais-je en baissant les yeux.

_ C'est rien de méchant, je te rassure. Tout simplement une leçon de moral à suivre à la lettre.

_ Tu vas me faire des remontrances, non?

_ Non. Écoute ton coeur. Il est bien meilleur guide qu'un règlement ou des dissuasions, tu sais. Me dit-il en posant sa main sur mon coeur.

_ Jean... Je... 

_ Continue de lire à ton endroit si ça te chante, personne n'a le droit de contester le temps que tu n'es pas là au heures notées sur le carnet. En conclusion, tu es loin d'être en tort. Après tout, qu'est-ce que tu fais de mal? Rien du tout. Tu vérifies toujours si il y a un cours en 123 ou en 120 quand tu vas lire. Tu fais ça pour éviter de déranger la classe qui y serait. Et quand on se croise, tu ne parles pas fort exprès pour ne pas te faire remarquer. Tu fais parti de ceux qui ont renoncer depuis longtemps mais qui ne veulent pas abandonner. Tout ça parce que tu écoutes ton coeur.

_ Je confirme. Mais je voulais savoir en quoi est-ce que ça leur pose problème que j'aille là-bas. Je ne supporte plus le CDI, ni les permanences, ni le foyer. Je suis devenue hyperacousique et misophone. Seulement cet endroit me convient, en plus de la salle 122. Un endroit calme avec tout juste assez de bruit pour éviter que les acouphènes me viennent. 

_ Et je le comprends parfaitement. Va demander l'avis de nos collègues. Ils te diront quoi faire pour tes amis.

     Je le remercie et on se quitte avec le sourire. Je marche sur la galerie en direction de la salle 122 et je suis appelée par une amie. Elle est du côté de la salle 120 alors je vais la rejoindre. Je l'entends me demander d'un air calme:

_ Je peux savoir où tu vas pendant tes permanences? Je ne te vois plus à ta place habituelle. J'ai commencer à être inquiète.

_ T'en fais pas pour moi, Léa. Tout va bien. Je suis juste "occuper" avec "quelqu'un". Je ne peux pas en dire plus sans autorisation. Je m'excuse de ne pas pouvoir faire autrement.

     Je baisse les yeux, m'avouant vaincue par la règle que mes trois collègues m'ont infligée et perdue avec les paroles de Jean. Je ne sais plus quoi faire ou quoi dire. Ce que Léa remarque parfaitement. 

     Avant qu'elle ne dise quelque chose, j'allais lui dire que je devais y aller mais j'entends une porte s'ouvrir. Celle de la salle 122... 

     Je me retourne d'un bloc, faisant face au regard froid de Christian. Mon premier réflexe aurait été de baisser les yeux si je refusais d'avoir des soucis. Mais je ne suis plus comme ça. Alors, quand il me dit d'une voix aussi tranchante que le blizzard en hiver:

_ Tu as une promesse à tenir, ne l'oublie pas.

     Je lui réponds sous le regard surpris de mon amie qui ne s'y attendait pas et de Jean qui arrive avec un paquet de photocopies dans les mains:

_ Effectivement, je ne l'oublie pas. Mais pourquoi serais-je obliger de ne rien dire à mes amis? Ils comptent pour moi, ils me soutiennent, sont toujours au courant d'une grande partie des choses qui me tracassent. Mais là, si on me demande de choisir sans avoir le temps de réfléchir, j'en suis incapable. 

     Je sens ma voix se brisée et les larmes perlées aux coins de mes yeux. Je m'effondre à genoux, au sol, en larmes, les mains sur les yeux, la tête basse. J'entends quelqu'un s'approcher face à moi et je pense que c'est Jean, dans un premier temps. Mais non, c'est Christian. 

     Je le sens se baisser à ma taille et je l'entends me dire d'un air calme au passage d'une bourrasque faisant voler mes cheveux vers l'avant:

_ Sache que je ne te laisserais pas tomber. Mais il y a certaines personnes dont il faut se méfier parce que nous sommes jamais à l'abri d'une trahison. C'est pour cette raison que tout ce que l'on se dit que tout ce que l'on fait doit rester dans la salle où l'on est.

The Last (Ou "La Survivante")Où les histoires vivent. Découvrez maintenant