Chapitre 11 : Dydy

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J'ai trop chaud. Vraiment trop chaud. Elle me fait courir partout cette petite. Je n'en peux plus. Crevé, je m'affale sur le canapé, juste pour souffler, deux secondes. April fait sa sieste et elle vient d'arrêter de pleurer. A peine assis, la sonnette retentit.

Non...pitié que ça ne réveille pas Ap...

- "DYDYYYYYY"

Fuck.

J'hésite à aller ouvrir mais je me lève quand même, au cas où ça soit important. J'ouvre la porte et un long sifflement légèrement ironique m'accueille. 

- "Tu savais que c'était moi ou tu te présentes comme ça à tout le monde ?" 

Billy me fait face, un sourire moqueur aux lèvres. Je baisse les yeux sur mon torse et je soupire. J'ai enlevé mon tee shirt à cause de mes courses partout à travers la maison. 

- "Ça te gêne ?" 

- "Oh non au contraire tu sais..." me dit il avec une oeillade suggestive, en papillonant des yeux exagérément. 

- "Rhoh t'es con." Dis-je en souriant malgré moi. 

Je lui donne un coup sur l'épaule. 

- "Mec tu tombes mal, elle me fait vivre un enfer...", je reprends.

- "DYDYYYYYY !"

La petite April est descendue, les sourcils froncés, les yeux pleins de larmes et son doudou à la main. Elle aperçoit Bill et se tue. 

- "Salut April ! Moi c'est Billy, mais tu peux m'apeller Bill. Wah quels beaux bijoux ! Tu les as eu où ?"

Pas de réponse. 

- "Bon, je vois que tu n'as pas envie de dormir. Viens, on va faire un gâteau, ça te dit ?"

Il lui tend la main. Elle s'avance, toujours sans rien dire, et la prend. Je reste sans voix. 

- "Tout compte fait je pense que je vais te garder", je marmonne.

En passant près de moi pour aller dans la cuisine, il frôle mon dos et me chuchote avec une voix légèrement aiguë et faussement pleine d'envie, en soupirant : 

- "Oh ouiiii Dydyyyy garde moi près de toiii !" 

Je lève les yeux au ciel et sourit. Très mâture. Je sens que ce surnom va me rester.

Profitant du répit que m'offre Bill, je m'endors à même le canapé. 

                              [ ... ]

- Qu'il est mignon, quand il dort, hein April, bah oui il est mignon le Dydy ! Tu veux le réveiller ? Tiens. 

April étouffe un rire ravie, et je comprends pourquoi quand je reçois en pleine tête un verre d'eau froide. Je bondis en rugissant. 

- "Oh putain. Cours connard." 

- "Oh il est fâché le Dydy, bah oui, il est fâché ! " 

April met la main sur sa bouche mais ne peut s'empêcher de rire aux éclats. Malgré le fait que ça ne me fasse pas rire du tout, je dois avouer qu'il est plutôt comique quand il fait semblant de s'adresser à un bébé. Sauf que là, le bébé c'est moi, et je viens de me recevoir de l'eau gelée en guise de réveil. Je secoue mes cheveux mouillés et jette un regard au reflet de la télé en face de moi. Même sans tee-shirt et les cheveux trempés, certaines diraient que je suis sexy, mais là tout ce que je vois c'est un sauvage qui n'a pas eu assez de sommeil. Je tourne la tête vers Bill, furax, et il attrape la petite April pour s'enfuir en courant, elle toujours hilare dans ses bras. Je pousse un soupir et Bill me crie depuis la cuisine. 

- "Va dormir, je garde ta princesse de cousine ! " 

Bien réveillé, je pense un instant à monter dans ma chambre pour faire une sieste mais je réalise que je ne pourrais plus m'endormir après ça. Je monte dans ma chambre, sèche mes cheveux et enfile un tee shirt propre. J'attrape délicatement l'objet posé sur ma commode et prends une veste en jean. 

Je sors en claquant la porte, n'éprouvant aucun remord à laisser mon infernale cousine à mon connard de voisin. L'allée où se trouve ma maison est vide, et j'en profite pour courir tout au bout et me retourner. Les arbres n'ont pas encore perdu leurs feuilles et celles-ci arborent une couleur doré et rouge. Bien rangées, les belles maisons cadrent avec ce décor automnal et j'agrippe mon appareil photo, par réflexe. Je pose un genou au sol et teste la netteté. Parfait. Je prends un cliché, puis deux au cas où. Un sentiment indéfinissable m'envahit et je me sens... Bien. Comme si la seule raison pour laquelle j'étais sur Terre était de capturer un moment, une couleur, des formes. Emprisonner la vie dans mon petit appareil me ravissait. Les feuilles frissonnaient dans le vent et l'écorce épaisse des arbres semblaient se soulever au rythme d'une respiration silencieuse. Le ciel était d'un gris pâle sans la moindre tâche de bleu. Soudain une porte claqua, une dame sortit de sa maison pour promener son chihuahua et la magie fut brisée. Gromellant, je pars à la recherche d'autres sujets intéressants à capturer mais la chance n'est pas avec moi et plus rien ne me plaît. Je rentre alors, et trouve April endormie dans les bras de Bill. 

- "T'es un génie", je chuchote à mon ami.

Il ne répond pas et baisse les yeux sur la petite chose endormie au creux de ses bras. 

- "Et tu ferais un très bon père." 

Il relève la tête et me sourit. Mais j'aperçois une lueur étrange dans son regard. J'ouvre la bouche pour lui en faire part mais il me coupe. 

- "On t'a laissé une part de gâteau" chuchote-t-il en désignant la grande table d'un léger mouvement de tête. 

Affamé, je m'assois et le termine en deux bouchées. 

- "Et bon cuisinier en plus ! Tu es bon à marier mon vieux !" 

Amusé il me répond : 

- "Y en a encore dans la cuisine, morfale."

Je me précipite dans la cuisine avec mon assiette et fais tomber la petite cuillère posée dessus. Elle fait un petit bruit en tombant mais je bénie le parquet de mon salon. April bouge un peu en grognant et Bill me fait les gros yeux. Je ramasse ma cuillère. Pendant mon goûter, il est monté coucher April puis est redescendu. 

- "Ça te dit qu'on aille à la salle de sport demain après les cours ?" 

- "Pourquoi tu veux y aller alors que t'as plus de machines que là-bas,  dans ta salle de sport à côté de ta chambre ?" rigole Bill.

- "Jsais pas... Comme ça je sors un peu ?" 

- "Moi ça me va. T'as une fille à impressionner ?", me dit-il, complice. 

- "Non", je réponds. 

Je laisse un silence puis : 

- "Plusieurs", je rajoute en souriant. 

Il éclate de rire. 

- "Espèce de connard ! Allez j'y vais mes parents m'attendent pour préparer le dîner." 

- "Femelette." 

- "T'es con", se rembrume-t-il. 

- "J'déconne rhoooh. Tu sais que j'adooore quand tu me prépares tes petits plats, mmh ?"

Il sourit simplement et s'en va. 

Ma tante est venue chercher April une heure après, en me refilant de l'argent que j'ai refusé. Garder ma cousine, c'est du travail, mais c'est que j'l'aime bien ce petit monstre. En sortant de la maison, elle me chuchota le plus sérieusement du monde : 

- "Tu crois qu'il a une amoureuse Bill ? Parce que sinon moi je suis là hein !" 

J'étouffe un rire et elle prend un petit air vexé.

- "Je lui en parlerai April, c'est promis." 

Pas du tout reposant au final, ce week end.

Lonely is so lonely aloneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant