Chapitre 8 : Pris la main dans le sac.

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Je me sens heureux. Vraiment heureux.
Pourtant la journée vient à peine de commencer et dans quelques minutes les cours vont débuter. De plus, les nuages gris qui planent au-dessus de nos têtes depuis quelques jours auraient pu déprimer n'importe qui, même si la météo capricieuse de Londres faisait partie de la routine de ses habitants.
Mais je n'en ai rien à faire qu'il pleuve, vente ou qu'un grand rayon de soleil vienne me chatouiller la peau à travers la fenêtre. Ce week-end, j'accueille ma petite cousine à la maison ! Dans le courrier que m'avait tendu ma mère l'autre jour, s'étirait la délicate écriture de ma tante sur plusieurs lignes dans des tournures de phrases toutes plus polies les unes que les autres. C'est ainsi qu'elle m'annonça sa visite prochaine en précisant qu'elle ne viendrait pas seule. Pour être plus juste, elle me proposait de m'occuper de ma petite cousine en cette fin de semaine, histoire de la revoir un peu mais surtout parce qu'elle avait besoin d'une nounou pour la dépanner.
À la fin de sa lettre -et à ma grande surprise- était écrit en majuscule "APRIL". De toute évidence, ma petite cousine avait signé de sa propre main et ce geste d'attention m'avait fait sourire. Alors bien sûr, je ne pouvais pas refuser.

Le cours va bientôt commencer et les discussions dans le couloir ne cessent de bourdonner à l'unisson autour de moi comme si un essaim d'abeilles s'était précipité sur la même fleur.
Devinez qui est la fleur.
Je me retiens de pouffer suite à cette pensée. Moi, une fleur. Hum.
Mais au lieu de me mêler à l'une d'entre elles (de conversations, pas des abeilles puisque je suis une fleur), je préfère me remémorer certains détails sur ma petite cousine qui avec le temps s'étaient peu à peu estompés. Je me contente de fixer un point invisible en face de moi et fais abstraction de tout ce qui m'entoure. Je laisse alors les souvenirs affluer calmement dans ma tête.
Je réfléchis. La dernière fois que je l'ai vue elle devait avoir... quatre ans ? Maintenant elle doit en avoir six si je ne me trompe pas. Un bon bout de temps s'était écoulé. Dans mon souvenir cette petite était absolument adorable ! Je me souviens surtout d'un jour où elle goûtait pour la première fois de la barbe à Papa. Ses yeux étaient devenus deux énormes soucoupes quand elle avait senti le sucre fondre sur sa langue. Elle avait immédiatement ri de ce rire caractéristique d'enfant joyeux et ne pouvait plus s'arrêter de sautiller en me tirant par la manche pour que je lui glisse à nouveau un morceau de nuage rose dans sa petite bouche.
Vraiment, je suis pressé de la retrouver le temps d'un week-end. 

- Qu'est-ce qui te fait sourire comme ça, beau gosse... ? Me chuchote une voix mielleuse. 

- Ta beauté May..., lui dis-je un sourire en coin.

Elle rit doucement et me fait un clin d'oeil. Bon je lui ai partiellement menti puisque je n'étais pas focalisé sur sa personne mais visiblement, cette réponse lui a plu. 

- Tu viens ?

Et elle m'entraîne dans la salle de classe. 

Je déambule dans les rayons du supermarché, toujours de bonne humeur. Je me surprends même à fredonner une chanson en cherchant le rayon des fruits et légumes. April adorait les pommes. Un détail me revient : elle préférait les rouges. Les pommes rouges. Je suis sûr que ça lui fera plaisir.
Mon caddie se remplit peu à peu de quelques fruits et légumes, de produits ménagers pour notre femme de ménage et surtout beaucoup de jus de fruits, bonbons et gâteaux. Je me permets même d'acheter un pack de bière. Après tout, si on me donne autant d'argent c'est bien pour me faire des plaisirs de temps à autre non ?

Je passe à la caisse et lance un sourire d'enfant sage à la caissière qui doit avoir l'âge de ma grand-mère. Ça fonctionne puisqu'elle ne me dit rien quand elle passe les bières au scanner. Je paye et elle m'offre un sourire bien veillant que je lui rends.

- J'espère que vous n'en abuserez pas trop jeune homme, je vous fais confiance !

Oups grillé.

- Je vous assure que je ne boirais pas trop de jus de fruits Madame, dis-je en plaisantant, mais je dirai à mon père de faire attention, l'abus d'alcool ce n'est pas bon pour la santé !

Elle rit et passe au client suivant, non sans prononcer cette expression universelle que les plus de cinquante ans aiment particulièrement employer : "Ah, les jeunes...".

Je me dirige ensuite vers la pharmacie pour acheter les produits de ma mère. Quinze boîtes d'autobronzant ! Et toutes de teintes diverses. J'imagine qu'elle doit en ramener pour d'autres mannequins qui ont une palette de couleurs de peau différentes. 

- Ohhh toi ! Tu dois sans doute être le fils de Mégane. Sauf si je me trompe et que tu comptes te servir de tout ça ? Me lance la dame au comptoir d'un air rieur.

Décidément, tous les vendeurs ont quelque chose avec moi aujourd'hui ! 

Je plaisante un instant avec elle puis lui confirme que je suis bien son fils. Un instant plus tard, je la salue et me félicite d'avoir terminé mes courses relativement vite.

- Mais nooon !?

- Mais si ! Je te jure, c'était malsain son regard.

Étendus l'un sur l'autre, nous regardons les centaines lumières colorées qui illuminent Londres. Cette nuit, le ciel est trop couvert pour laisser apparaître les étoiles. Je suis en train de raconter à Bill la fin de ma journée. 

- De toute façon, qu'est-ce que tu veux qu'il fasse ? Dit-il en haussant les épaules.

- Je sais pas... dis-je songeur. Il pourrait très bien se foutre de ma gueule. 

- Mais tu m'as dit qu'il ne savait même pas parler ! S'esclaffe mon ami. Comment tu veux qu'il dise à tout le monde que tu mets de la crème autobronzante !? "

Vexé, je croise les bras.

- Tsss avec ta peau toute dorée aussi là... Hé c'est pas de ma faute !

Mon pull a fusé en plein milieu de sa tête. 

- Arrête de te moquer de moi aussi !

- Ok ok, pardon. 

Cependant, il échappe un dernier rire qui s'accompagne d'un de mes regards noirs et termine par dire :

- Bref. Il marque une pause. En tout cas, je suis content pour toi que ta cousine vienne te rendre visite. Si t'arrives pas à gérer, tu m'appelles hein ? Bébé Derm...

C'en est trop. 

Je lui assène des guillis au ventre et il se tord de rire. Très vite, il se venge à son tour en me chatouillant le cou. Je suis TRÈS sensible au cou et ce détail ne lui avait visiblement pas échappé après toutes ces années. Vous nous auriez vu, on aurait dit deux anguilles en train de s'asphyxier de rire.

Oui vraiment, c'était une bonne journée. Et j'étais heureux. 

Lonely is so lonely aloneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant