Chapitre 36 : Toy Girl

322 16 61
                                    

Je venais à peine de refermer mon stylo et de ranger la copie dans ma veste sans faire de bruit, que Lola m'avait doucement secoué l'épaule. Mes yeux s'étaient fermés en sentant le sommeil embrumer mon esprit une dizaine de minutes plus tôt et voilà que le brun avait entreprit de ramener Lola chez moi. 
Cette journée promet d'être longue. 

Sur le chemin de la maison, Lola avance doucement en frottant ses yeux d'enfant endormi. Je lui prends alors une de ses mains potelées et lui dépose un baiser sur le front. Elle me sourit timidement en me fixant de ses grands yeux puis attrape les doigts du bouclé avec son autre main. Un air de malice traverse son visage de princesse et elle nous tire tous les deux vers l'avant avec sa force minimoyesque comme heureuse d'être entourée et aimée par ses princes. 
J'ai regardé la réaction du brun et il m'a semblé apercevoir une esquisse de sourire. 
À ce moment-là, je me suis dit que l'on formait un drôle de trio : une sourde, un muet et un mec trop égocentrique, marchant dans la pénombre matinale de Londres. Plus comique encore : nous venions de nous échapper de la maison libanaise comme des voleurs et nous nous appretions à ramener une jeune fille chez elle après quelques jours de disparition, sans que personne ne soit au courant. 

Et pourtant, dans ce contexte complètement improbable, un léger sentiment de bonheur planait dans la rue, et la joie explosait non loin de là, sans un bruit.

J'aurais aimé que cet instant dure longtemps. Étonnant n'est-ce pas, pour quelqu'un qui ne se préoccupe que de soi-même et non des autres ? 
Si j'avais pu, j'aurais arrêté le temps. Parce que je n'étais absolument pas préparé à ce qui allait suivre le reste de la journée.

Enfin, pour le moment, me voilà en train de crier à Michael de m'attendre. Je n'ai pas dormi et j'ai déjà trébuché deux fois sur le trottoir. La mauvaise humeur commence à pointer le bout de son nez mais j'essaye de la chasser en secouant la tête. 
Le brun n'en fait qu'à sa tête et presse le pas. Je ne l'ai jamais vu aussi pressé d'aller en cours.
Dans la fatigue, je l'interpelle encore une fois et fait allusion à la veille lorsqu'il avait presque lâché un mot : 

- "Quoi ? C'est pour hier soir ? C'est pas de ma faute si t'as envie de me parler!

Grave erreur de ma part. Le bouclé se renfrogne et accélère jusqu'au portail de l'école. Il croit vraiment qu'il peut m'échapper ? J'aimerais réellement tout reprendre depuis le début avec lui. J'aurais aimé ne jamais avoir laissé ces étranges taches délavées sur sa peau. Personne ne mérite ça. 

- Mais attends !

Il me regarde, un air de défi planant sur son visage. Quand mon cerveau ramolli comprend enfin ce changement de comportement, je me fige et m'aperçois de ce que je suis en train de faire. Entre mes paumes de main, je sens ses longs doigts qui n'offrent aucune résistance. Et pourtant, je m'empresse de retirer les miens aussi rapidement qu'ils se sont refermés sur eux, comme s'ils étaient cinq petits cactus qui me rappelaient à l'ordre. Ici, on ne se fréquente pas. Ni ailleurs d'ailleurs… Voilà le message qu'il a voulu me faire passer. 
Et c'est presque déçu que je le laisse filer. Décidément, le retour de Lola a mis mes sentiments en vrac. Je ne sais plus quoi penser ni comment réfléchir. Comme si tout autour de moi, était irréel. 

- Hum… Andreas ? 

Une voix brisée me sort de mes pensées et je découvre une blondinette au nez rougi. Des ombres sombres pendent sous ses yeux et elle semble à peine tenir sur ses jambes. 

- J-Je… 

Ses lèvres tremblent et je cherche à comprendre si cela est dû à sa grande timidité ou si elle cherche à retenir ses larmes. Bien que je ne m'intéresse pas aux autres, tout le monde sait qu'elle s'est fait larguée par le plus gros imbécile de tous les temps : Justin. 

Lonely is so lonely aloneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant