Menthe à l'eau (différent)

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C'est à la fin de notre repas que la sonnette retentit dans le vestibule. Je démarre comme une trombe pour accueillir la personne que j'ai invitée. Je sens les yeux bleus de ma mère sur moi. J'ai peur qu'elle soit déçue sur l'identité de l'invitée en question.

— Yo Daisy ! T'as bien pris de la glace au thé vert ? dis-je en ouvrant à mon amie, un grand sourire aux lèvres.

Les deux adultes derrière moi — qui aiment décidément m'espionner comme ce n'est pas pensable — font une tête bizarre.

— Désolé, mais Curtis s'en fout de passer les vacances avec moi. Du coup, ce sont des personnes qui valent le coup qui viennent ici. On va s'empiffrer de chose grasse et on va causer jusqu'à en crever de soif. N'est-ce pas ?

La rose hoche la tête et se déchausse. Pour une fois, elle a mis un jeans, sans doute pour être à l'aise. Elle aurait carrément pu venir en jogging, peut-être même qu'il attend tranquillement son heure dans le sac qui se promène sur son épaule.

Mes parents me fixent étrangement et je les imite, en parfait miroir. Je ne comprends absolument rien.

— Bah quoi ? Qu'est-ce qu'il y a de mal à inviter sa meilleure amie à passer la journée avec soi ?

Ma mère m'attrape par le bras et m'amène dans la salle de bain non loin du vestibule. Elle s'assied sur la baignoire et me fixe, les bras croisés.

— Écoute, j'ai aucune envie de jouer aux devinettes alors vas-y, ne te gêne pas.

— Tu as rompu avec Curtis ?

J'écarquille les yeux et croise à mon tour les bras.

— Bah non, pourquoi ?

— Parce que tu parles de lui comme si c'était l'ennemi.

Je claque le couvercle de la cuvette et m'assieds en tailleur, à sa droite. Je la regarde bien fixement, prends une grande respiration et lui raconte absolument tout ce qui se passe dans mon crâne en ce moment, ma discussion avec mon amie, ce que j'ai dit aux autres. Elle m'écoute, hoche la tête aux instants critiques. Je n'ai pas l'impression de parler à un mur. C'est rassurant.

— Toutes ses actions envers moi me montrent qu'il me ment en me disant qu'il m'aime. Je sais que ce sont les vacances de Noël et que c'est une fête de famille. Mais il m'a dit qu'il se fichait légèrement de la sienne et que de toute manière, Sheridan venait chez lui. Je ne demande pas de passer toute l'après-midi avec moi ou que sais-je encore. Mais quelques heures, c'est quoi dans une vie ? Je devrais lui manquer chaque minute de chaque journée, il devrait mourir d'envie de me voir ! Alors que là, j'ai juste l'impression de l'embêter.

— Tu lui as dit ? Vous en avez discuté ?

Je soupire et baisse les yeux.

— Il va encore me sortir que je me prends la tête pour rien, il va me rappeler qu'il est amoureux et que ça devrait me suffire. Et puis le connaissant, il est capable de faire une petite piqure de guêpe parce que je n'ai rien dit sur mes sentiments, moi. Alors je n'ai pas envie de parler dans ces conditions. Je laisse couler et je passe du temps avec mes amis.

Je me lève sur la fin de la phrase pour lui monter que pour moi, c'est le moment de rejoindre Daisy qui doit attendre dans le vestibule.

— Il faut que tu le fasses, Valentin. Parce que si tu continues comme ça, tu vas tout emmagasiner, ça va déborder et tu vas te transformer en un volcan ultra virulent. Et crois-moi, tu en es tout à fait capable. Et puis, à force, tu risques d'être malheureux. De devenir gris, si ça te parle plus comme analogie.

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