Noir étoilé

251 43 110
                                    

Lorsque je retrouve Daisy au coin de nos rues, je lui saute à moitié dessus, la prenant par les épaules et la remuant comme un prunier. La pauvre est toute secouée et décoiffée à cause de moi. Mais je ne sais pas comment exprimer ma panique ambiante.

— Regarde ce que j'ai eu ! Regarde !

Je lui tends le paquet offert par le rouge une dizaine de minutes avant. Elle le fixe sous toutes les coutures et hausse les épaules.

— Bah quoi ? C'est un cadeau de ta maman ? C'est super chou, surtout que c'est ta fête aujourd'hui !

— Non, c'est de Curtis. Il était devant chez moi, en chair et en os, avec un sourire lumineux et il m'a roulé une énorme pelle quand on s'est séparé vers nos lycées respectifs. Il a jamais fait ça Daisy. Jamais !

— Et alors ? Peut-être qu'il est réellement en train de penser les mots qu'il te répète à chaque fois que vous vous voyez. Je l'ai sans doute mal jugé.

— C'est surtout qu'il m'a demandé s'il pouvait venir passer la soirée chez moi, que ses parents s'en foutent un peu et qu'il veut dormir à la maison.

— Bah, il se comporte enfin comme un petit ami, ça fait du bien à attendre.

Je la fixe avec les yeux tout écarquillés.

— Dormir. Daisy, il veut dormir. Dans ma chambre. Avec moi. Ce soir. Le soir de la Saint-Valentin. Je dois te faire un dessin de ce qui me fait littéralement flipper ou pas ?

— Oh.

— Oui, oh. Ce oh-là. Parce que, sérieusement, sa langue tapie au fond de ma gorge tout à l'heure et son je t'aime au summum de l'hypocrisie, ça voulait dire ça, c'est que le début des choses sérieuses.

— Comment t'as réagi à tout ça toi ?

Je baisse la tête. Je sens la honte de haut en bas. Surtout en haut, à vrai dire.

— J'ai rougi comme une tomate trop mûre et je lui ai rendu son baiser. Si j'étais lui, je pense que j'en aurais sous-entendu que j'étais aussi pressé d'être ce soir. Alors qu'à l'intérieur, je suis en train de me liquéfier.

— Tu as peur ? Tu n'as pas envie ?

— Les deux. Je flippe complètement parce que c'est la première fois... tout court. Et puis, comme tu dis, je n'ai pas envie. Fin, je suis de ceux qui croient que c'est important et tout et je veux pas faire ça avec un mec qui se fout de ma gueule et me ment. Je suis sûr qu'il se rend même pas compte de son comportement, c'est ça le plus horrible.

— Il faut absolument que tu lui dises Valentin. Il ne faut pas que tu te laisses faire si ça ne te plait pas. Sors-lui une excuse ou alors la vérité, c'est toi qui décide, mais surtout ne te force pas. Parce que sinon, ça sera affreux. Même si ça a des conséquences désastreuses sur ton couple, il vaut mieux que tu rompes que te payer des séquelles toute ta vie. D'accord ?

Elle me tient par les épaules et m'oblige à la regarder dans les yeux. J'ai l'impression qu'elle connaît son sujet et qu'elle l'a peut-être même vécu. Mais son regard complètement paumé, malgré les lentilles opaques, me dissuade de lui en parler. Je n'ai pas envie de lui ramener des souvenirs traumatisants.

— D'accord. Merci de veiller sur moi Daisy. Encore une fois.

Elle me fait un bisou sur la joue et reprend le chemin plus guilleret. C'est vraiment une perle, cette fille.

— Alors, tu as préparé des chocolats pour ton amoureux ? Enfin, devrais-je dire Eliot ?

Je me moque un peu d'elle et vu ce que nous venons de vivre, elle entre très facilement dans mon jeu. J'adore ça.

Ciel de couleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant