Bleu turquoise

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— Valentin ? Tu rêves encore ? Sérieux, à chaque fois qu'on se voit, t'as la tête perdue dans tes pensées. À un moment, faut redescendre sur le plancher des vaches, tu sais.

On me passe la main devant les yeux et je sursaute en rougissant violemment. Voilà que je viens de littéralement boguer en face de quelqu'un qui m'est parfaitement inconnu. J'ai l'air fin maintenant. Surtout qu'il doit se demander qui est l'extra-terrestre qui se trouve juste sous ses yeux.

— Ton prénom est très original. C'est la première fois que je l'entends dissocié de cette fête rose de février.

Je sursaute une nouvelle fois. Voilà que Vert d'eau s'adresse à moi. Qu'est-ce que je fais ?

— Ah ? Ah bon ? C'est bizarre ça. Ça court pourtant les rues les Valentins, la preuve, je suis juste en face de toi.

Je ne sais même plus ce que je raconte. Tous mes amis lèvent un sourcil à l'entente de ma réplique complètement à côté de la plaque, pendant que Vert d'eau rigole très discrètement. Nos pupilles se croisent une nouvelle fois et je me sens obligé de reculer. Il me fixe, c'est certain. Pour couper court à cet échange gênant, Harold propose qu'on continue vers la plage qui n'attend plus que nous. Au moment de faire démarrer les tongs qui claquent à nos pieds, Vert d'eau me retient par le bras et me ramène vers lui, sous mes deux grandes pupilles écarquillées.

— Tu sais, j'aime beaucoup tes yeux. Ils sont magnifiques, lâche-t-il le plus naturellement du monde, comme si de rien n'était.

Je rougis telle une tomate trop mûre, ma tête ne doit pas ressembler à quelque chose de connu. Je n'ai absolument aucune envie de croiser un miroir dans la minute. Et je m'entends très tranquillement sortir, les mains dans les poches de mon short.

— Bah les tiens ne sont pas mal non plus. On dirait une menthe à l'eau. C'est... je ne sais pas trop comment le qualifier.

J'aimerais me crier à moi-même d'arrêter les trucs incompréhensibles et de faire comme Coby m'a raconté : de retourner sur terre.

— Bon... tu viens ? Les autres vont se poser des questions si on reste plantés là comme des végétaux.

— Oui, nous avons besoin de nous arroser, comme nous sommes des plantes. Bien que cette discussion était tout sauf déplaisante.

Et il s'en va, en me laissant comme un con à me poser mille questions. Est-ce que ce mec était en train de me faire du rentre-dedans, rentre-dedans auquel j'ai répondu allègrement en lui faisant à mon tour un compliment ? Je crois bien que oui. Et comme il le dit lui-même, c'est tout sauf déplaisant. Dans un sens, j'ai bien envie de mettre toutes ces interrogations sur pause pour le moment, le temps de la journée du moins. J'ai juste envie de profiter de l'océan, de mes amis et de cette nouvelle personne fort mystérieuse. Il me tarde de me plonger à nouveau dans son vert d'eau.

Alors mes pieds démarrent à leur tour vers la plage, hurlant que j'arrive à pleins poumons. Je me débarrasse de toutes mes affaires en deux secondes, croise le regard de Curtis qui s'étale de la crème solaire sur tout le corps. Mon t-shirt orange est balancé au-dessus de mes épaules pour rejoindre le sable et je perçois ses yeux menthe à l'eau sur moi. Je me fais mater sans vergogne.

— Tu viens ou tu comptes finir en gâteau de sable, à force de te couvrir de crème ?

Un éclat dans les iris, un sourire un peu de travers. Il s'arrête, je descends vers sa peau brun clair, cherchant les rayons du soleil. Il me crame de très loin et son sourire augmente. J'ai l'air vraiment bête.

— C'est une invitation ?

Je lui attrape le poignet, mettant fin à ce petit jeu. Moi, je ne suis pas doué, je préfère l'action à tout ça. Lui ça ne semble pas du tout lui déplaire, parce qu'il se lève sur mon impulsion et ma réplique.

— Carrément !

— Alors je ne peux qu'accepter.

Et nous courons tous les deux vers le reste du petit groupe. La mer est toute bleue autour de nous, comme une sorte de rêve. Je n'ai pas envie de la quitter.

Ciel de couleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant