Bleu de ciel d'été

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Parce que sans toi et ta douce voix, je serais trop dans le silence. Merci d'être là et de me soutenir jusqu'à deux heures du mat'. Et merci d'avoir inconsciemment certes, en partie construit Valentin. 


J'ai la tête tournée vers le plafond. Je me rends compte que je suis dans cette position assez souvent. Peut-être à cause des couleurs qui le garnissent. Elles sont belles et brillantes, toutes neuves. Elles me font penser à mon cousin qui doit être tout seul dans son fichu hôpital. Elles me font penser à mon copain qui a honte de moi et qui me cache. Elles me font penser à ma meilleure amie qui est juste à côté de moi et que je viens d'embrasser avec une certaine envie. Nos mains droites et gauches sont côte à côte, sans réellement se toucher. Les autres sont sur nos ventres, à écouter notre respiration. On est exactement dans la même position.

— Est-ce qu'on va en parler Valentin ? Parce que ton plafond va me faire avoir une overdose de couleur. Et en plus, je pense encore à plus à ce qui vient de se passer.

Je prends une grande inspiration et mes yeux se promènent sur le violet.

— J'ai pas envie de dire que c'est une erreur. J'veux dire, on était tous les deux consentants, on était pas soûls ou un truc comme ça. On a fait tout ça en sachant que j'ai Curtis et que t'aimes ce Tanaka. Mais... c'était cool, tu vois.

Je tourne la tête vers elle et elle m'imite. On est encore plus proches maintenant et ça pourrait me faire sauter de joie.

— Je me sens coupable. C'est moi qui ai démarré le truc. C'est moi qui t'ai posé la question.

— J'aurais très bien pu dire non.

— J'ai pas envie de te briser Vava.

— Pourquoi est-ce que tu me briserais ?

— T'as eu des sentiments pour moi, tu pourrais très bien les retrouver parce qu'on s'est embrassés. Et... t'es mon meilleur ami. Je veux pas tout foutre en l'air.

— Je ne retomberais pas amoureux de toi Daisy. Je te le jure.

Ses yeux s'écarquillent un peu et elle demande silencieusement des explications.

— Je suis comme Samuel. Tu sais, le site que tu m'as envoyé. C'est... c'est moi tout ça. Le début de sentiments que j'ai eu pour Curtis quand je croyais que c'était la personne la plus géniale de tous les temps, que j'étais le plus gros chanceux de ce pays de l'avoir rencontré. J'ai même pensé à lui dire à un moment. Mais après, y a eu mon anniversaire, y a eu le fait que j'aurais bien voulu lui prendre la main dans le restau de nouille, que j'avais envie de lui faire gouter mon bouillon. Que des trucs complètement cons autres que se rouler des pelles dans les toilettes pendant que personne ne regardait. Et tout ça, ça a disparu. Parce que j'étais plus le gars le plus chanceux de l'univers. Enfin, si, mais pas en amour. Juste en amitié, parce que je vous ai vous. Alors, tu sais, je suis complètement au courant que tu ne tomberas pas amoureuse de moi. Parce que t'as ce gars dans la peau et que c'est une chose qui t'enlève beaucoup trop souvent ton sourire de ta figure. Donc moi, mes sentiments ne risquent pas de revenir. Parce que je suis aromantique. Et t'es la première personne à le savoir.

Elle me sourit, ses yeux brillent de toutes les couleurs de mon arc-en-ciel au-dessus de moi. Mes pupilles naviguent sur le rose et je termine ma réplique.

— Je t'aime Daisy, mais pas de façon romantique. De façon tout à fait platonique, ce qui, contrairement à ce que ça indique, est quelque chose de vraiment chouette. Sérieux, je ne sais pas pourquoi il y a le terme plat dans platonique. Une amitié, ça n'a rien de plat. C'est des montées et des descentes, comme la vie elle-même. Y a pas que l'amour qui a le droit à ça.

— Tu analyses les mots maintenant ? Le job de ta mère t'as déteint dessus ?

Elle rit et moi aussi. Elle vient se caler contre moi et je passe un bras contre son épaule. Non, réellement, je ne ressens rien. Je suis juste heureux qu'on soit comme ça.

— Ouais, un peu. Elle essaie de me mettre à la poésie et le pire là-dedans, c'est que ça marche. J'ai un bouquin d'un certain Lamartine sur ma table de nuit.

J'utilise ma main libre pour l'attraper et je le lui montre en le posant sur mon ventre. Elle se penche un peu pour essayer de lire, mais n'y parvient pas, étant donné que c'est tout en français.

— Ça dit quoi ?

— Ça parle d'un lac et du temps qui passe, qu'on n'arrive pas à rattraper. C'est beau comme métaphore, même si j'aimerais juste que ça avance plus vite. Trouver quoi faire de ma vie, une personne avec qui je serais bien, avoir tout ce dont je rêve secrètement au creux de ma chambre. Et je sais que quand je serais un vieux papi croulant, tu seras là avec ta canne et tu te moqueras de moi en me rappelant qu'un jour, j'ai voulu que le temps passe plus vite et que je me suis fait avoir.

Nouvel esclaffement de sa part. Je sens son corps bouger contre le mien. J'aime cette proximité.

— En fait, t'es carrément adorable comme gars. Tu dessines comme un dieu, tu joues du violon et tu lis de la poésie. C'est beau et tout doux. Quand on plonge nos yeux dans les tiens, on a juste l'impression d'être en plein été, avec les cigales qui chantent et toi qui fais de la musique.

Je relève les pupilles vers le bleu. Cette couleur me fait penser au ciel.

— Comment t'as eu l'idée d'une telle métaphore ?

— En fixant une certaine personne, un de ces jours. Il était sur le toit et moi, je jouais au football. J'étais certaine que c'était lui, les mains appuyées sur les barrières. Je sais qu'il ne regardait personne. Juste... le ciel bleu d'hiver. Et moi, je me suis dit qu'il n'y avait pas à partir aussi loin. Que le bleu, il est juste à côté de moi en fait.

Je souris de toutes mes dents et je reste focalisé sur la couleur qu'elle vient de citer. C'est vrai qu'on a l'impression d'être en été.

— Faudrait éviter qu'on le croise quand je suis dans les parages.

— Le ciel ?

— Mais non, Tanaka.

— Pourquoi ça ?

— Parce que t'imagines, il me regarde dans les yeux et paf, gros coup de foudre parce que mes pupilles lui font penser au ciel qu'il aime tant. Ça mettrait du temps, mais ça pourrait le faire. M'enfin, je dis ça comme ça. Si ça se trouve, il est moche comme un pou et sa personnalité est détestable et je te le laisserais sans hésiter.

Elle ne pipe pas un mot et je passe une main dans ses cheveux.

— Je suis désolé, je ne devrais pas blaguer sur ça. Je sais que ça te fait du mal.

— On peut rien à tout ça, Valentin, rien du tout. Qu'ils soient là ou non, on peut rien. On est des victimes dans ce genre de cas. Alors, si Eliot avait des sentiments pour toi, bah je ne pourrais rien faire. Même pas te détester.

— Eliot ?

Elle avale de l'air, comme si elle avait fait une bêtise.

— Je n'aurais peut-être pas dû... C'est le prénom de Tanaka. Ce n'est pas très poli, comme il est japonais et que je ne le connais pas.

— Oh, répliqué-je.

— Quoi oh ? Tu te demandes pourquoi il s'appelle comme ça ?

— Non... je me disais juste que...

— Que quoi, Valentin ? J'ai l'impression que tu me fais marcher.

Je souris avec mon cœur et mes lèvres et je lève les yeux toujours vers le bleu.

— Que c'est très joli comme prénom, Eliot. 

Ciel de couleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant