Nous avons décidé d'un commun accord de prolonger cette petite journée détente dans la soirée, en reprenant le bus pour la ville. Il y a quelques affiches pour le festival estival de musique annuel de Belfast. Comme chaque année, je vais y aller avec mes parents, qui oublient parfois que je suis là. Je donnerais tout pour ne pas m'y rendre.
— Tu rêvasses toujours ?
Sheridan est juste à côté de moi, les mains dans les poches de son short. Nous marchons dans les rues sans vraiment savoir où nous allons. Nous nous laissons porter par le vent.
— T'es bien placé pour me dire ça. Je te voyais en cours, quand t'étais affalé sur ta table à pioncer comme un bienheureux.
— Pas besoin de le mettre au passé. Je compte continuer à la rentrée. Ce n'est pas parce qu'on grandit d'une année que je vais arrêter de rendre chèvre les profs.
Nous nous esclaffons tous les deux en même temps. C'est une activité que nous partageons ; embêter ceux qui doivent s'occuper de nous est comme une deuxième nature. C'est toujours très fun d'en discuter avec lui.
Mes pupilles se dirigent vers mes tongs qui claquent au sol. Je pousse un soupir et je me décide à répondre.
— Je pensais à demain soir et au festival de musique. Je ne sais pas comment dire à mes parents que tout seul, comme chandelle pour leur couple, ce n'est pas très agréable. Et que souvent, ils passent des chansons d'amour débiles que je comprends pas.
— Ah ouais, c'est vrai qu'il va falloir se bouger demain. C'est galère, Sibyl va vouloir que je l'accompagne. C'est soulant toute cette histoire.
Je me penche vers lui, complètement interloqué.
— Sibyl ? C'est qui ?
La clope dans le bec, il jure en cherchant son briquet. Il le tient de quelqu'un de très important, je crois.
— Ah bah, c'est ma copine. Et puis c'est aussi la grande sœur de Curtis. Elle va rentrer en year 13.
— Hein ?
Il allume sa cigarette sans aucune pression et expire la première taffe loin de moi. Je le fixe avec des yeux énormes, l'attente devenant incontrôlable.
— Fais pas cette tronche d'ahuri.
— C'est que je suis légèrement désarçonné. Je m'attendais pas à ça venant de toi.
— Ça m'est un peu tombé dessus en fait. On s'est rencontré au club d'échecs, près de chez moi et puis... on s'est pris la tête et un jour, elle m'a secoué comme un prunier pour me demander quand j'allais l'inviter à un rendez-vous. Dieu que c'était galère. D'ailleurs, c'est grâce à elle qu'on a rencontré Curtis. Quand je suis venu chercher Mademoiselle qui exigeait un presque prince charmant, c'est lui qui m'a ouvert. On a vite sympathisé tous les deux et je l'ai présenté aux autres.
— Et... ça fait combien de temps ?
— Deux mois je dirais. Un truc comme ça. Je sais plus trop. C'est soulant de retenir des dates.
— Bah bon sang. T'es le dernier que j'aurais imaginé en couple. C'est... super bizarre dans ma tête là.
— Ouais, j'comprends. C'est le cas pour moi aussi d'ailleurs. Bon, heureusement, Sibyl ne réclame pas qu'on fasse des trucs mielleux ensemble et tout. Sauf que je crois que je vais quand même pas échapper au festival de musique ringardes.
— Mais t'avais pas dit qu'elle était pas là, partie dans leur pays natal avec son frère ou un truc comme ça ?
Sheridan se frappe le haut du crâne et se tourne vers moi.

VOUS LISEZ
Ciel de couleurs
Novela JuvenilBleu, rouge, vert, jaune ou violet, toutes les couleurs conviennent à Valentin, tant qu'elles ne sont pas grises et ternes. Mais lorsque les sentiments s'en mêlent, le tout fait un sacré mélange. Comme un arc-en-ciel. Spin-off de Ciel d'été