Couleur raclette

231 47 57
                                    

— L'appareil est chaud ? On peut commencer à manger ou pas ?

La journée est passée à une vitesse impressionnante. On est déjà le soir, après une après-midi surprise dans la neige, dans le jardin de la maison. On est tous trempés et enroulés dans toutes les couvertures du salon, après avoir prêté des habits à presque tout le monde — je remercie Daisy d'en avoir pris un peu plus pour ces deux jours chez moi. Les ventres crient famine, les plats sont préparés et les patates sont épluchées, attendant tranquillement dans leur gros saladier.

— Comme j'ai failli me cramer la main en la passant au-dessus, je pense que oui, répondis-je à Coby.

Tout le monde est alors attiré comme un aimant vers la table de la salle à manger et nous nous installons tranquillement sous la chaleur.

— J'adore décidément ton pays Vava ! continue le brun à la figure hirsute en se servant généreusement.

— Tu résumes mon pays à de la bouffe ?

— Je résume tous les pays à de la bouffe, voyons ! Mais attends, tu sais ce qu'on devrait faire ? On devrait mélanger la bouffe française et la bouffe anglaise. Genre... fish'n'raclette.

Le reste de la tablée fait une grimace, que j'accompagne avec plaisir. Ça ne m'a pas l'air très délicieux cette histoire.

— Surtout que résumer un pays à sa nourriture est assez réducteur, indique Harold en posant son premier assemblage de fromage et de jambon.

— On le fait bien avec l'Angleterre en disant que ce qu'on fait est dégueulasse, je me venge du coup, réplique Coby.

— Certes. C'est une certaine logique et je comprends ton raisonnement.

On sent qu'il veut en rajouter, mais il s'arrête rapidement, parce qu'il n'a pas totalement envie de lancer un débat sur la nourriture et le pays. Et je l'en remercie pour ça. Car les patates ne vont pas attendre la fin de la discussion.

La première bouchée de fromage et de salami est un pur délice pour les papilles. J'ai l'impression que ça danse en moi comme une polka, avec la musique super entrainante et tout. Et étrangement, ça me fait penser à Charles et à sa playlist qui traine toujours sur mon téléphone.

— Vous voulez un peu d'ambiance sonore ? Rien de bien méchant, je vous le promets.

La bouche pleine, aucun de mes amis ne répond, mais ils hochent la tête en cœur. Je profite de mon absence de la table pour lancer un fromage et je cours en chaussettes sur le parquet pour trouver l'enceinte laissée par mon père et y brancher mon téléphone. Je farfouille dans les menus, déniche la liste intitulée Super Cousin et l'enclenche en riant d'avance. Ils vont être surpris et ça va être vraiment fun.

Lorsque la toute première chanson retentit dans la pièce, Kat sursaute en faisant couler son fromage sur sa pomme de terre. Elle se retourne vivement vers moi, qui souris de toutes mes dents, innocent.

— Qu'est-ce que c'est que ce machin ?

— De la super bonne musique !

— C'est... c'est très bizarre.

— Ce qui est différent ne veut pas forcément dire que c'est bizarre ma chère. Allez, profitez un peu et chantez si vous en avez envie. On est dans une maison qui ne juge pas.

Je vais me rassoir en souriant et en étant tout guilleret, sentiment qui provient de la chanson que nous avons dans les oreilles. Ça me rappelle la peinture de mon plafond.

— Et depuis quand tu écoutes ce style-là ? reprend la jeune femme, visiblement intéressée par mes goûts musicaux.

— Depuis qu'on en a discuté avec Charles, la dernière fois qu'on s'est vus, au début du mois. C'est lui le précurseur de tout ça.

Ciel de couleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant