Jaune Soleil

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Mille mercis pour tout 

Je suis dans mon lit à regarder le plafond comme un imbécile heureux. Le téléphone sur le ventre, je souris de toutes mes dents en pensant à hier. Nous avons passé l'après-midi ensemble, à se faire des papouilles, à discuter d'un peu de tout et de rien, à rire et à jouer à un jeu directement sur le sol de ma chambre. Lorsqu'il est reparti, je suis allé enlacer ma mère qui lisait sur le canapé, une fine couverture sur les genoux.

— Je t'adore maman, avais-je dit en souriant. Et puis, j'adore quand t'as raison.

— Il t'a révélé ses sentiments ?

— On peut dire ça. Y a pas eu de gros mot, mais ça m'a fait du bien. Et je ne me suis même pas senti obligé d'y répondre, même si dans une certaine manière, je l'ai fait. Je n'ai éprouvé aucune pression ou quoi que se soit du genre. Je planais un peu, pour tout te dire.

Elle m'a embrassé sur la joue et je suis venu me caler tout contre elle, posant les yeux sur les mots français qu'elle apprécie tant. Et pour une fois, je n'ai fait aucune remarque. J'ai lu avec elle, jusqu'à ce que mon père nous rejoigne et qu'on se décide à regarder un film un peu nul à la télé. Ça, c'est des soirées comme je les aime. Je n'ai jamais eu besoin de faire une fête d'enfer pour me sentir exister.

Et là, nous sommes dimanche, je respire les bonnes odeurs de cuisine à travers ma porte. Je ne suis pas encore levé, bien que réveillé depuis un quart d'heure. Je réfléchis à toutes sortes de choses et la première qui me vient à l'esprit, c'est que mon plafond est drôlement moche, tout blanc, assez décrépi. Il est temps de le repeindre et je connais deux personnes qui seraient ravies de m'aider dans mon entreprise. Tout guilleret, je cours dans les couloirs en claquant la porte et je me dirige vers mon père, qui doit sans doute jouer au gouteur pour le bœuf bourguignon familial.

— Voilà notre petite marmotte. Alors, bien dormi ?

Je m'étire un peu pour leur montrer que c'est le cas et réplique, en me laissant tomber contre la chaise.

— Ouaip, totalement bien. Je me suis endormi comme un caillou. Mais après, je me suis réveillé avec une vue affreuse au-dessus de moi.

— Une araignée était en train d'observer son prochain festin, c'est-à-dire ta personne ? blague mon père en se retournant vers moi.

Je fais une grimace de dégout, imaginant une de ces bestioles avec une fourchette et un couteau et un bavoir afin de me dévorer. Quelle vision d'horreur. Remuant la tête pour chasser cette image abominable, j'explique mon idée.

— Mon plafond. J'ai l'impression qu'on y a pas touché depuis que je suis né. Alors, je me demandais, comme Charles vient à la maison et que je crois qu'il aime bien peindre, on pourrait peut-être s'en occuper cette après-midi. Et puis, je suis quasiment certain que tu dois avoir un sacré stock de peinture dans ton atelier, papa.

Mes deux parents écarquillent les yeux et je penche la tête, totalement surpris de cette réaction démesurée à mon idée.

— Bah qu'est-ce qu'il y a ? Ça ne vous plait pas ? Vous ne voulez pas ? Dites quelque chose au lieu de me regarder comme des poissons tout juste sortis de l'eau. Vous faites un peu flipper comme ça.

— Tu viens de découvrir ton cadeau d'anniversaire. Avec deux semaines d'avance. C'est assez embêtant, à vrai dire. Alors, on se demande ce qu'on va bien pouvoir t'offrir, maintenant que tu sais tout, baragouine ma mère.

— Hein ?

— Nous voulions profiter d'un week-end chez tes amis ou même chez ton petit-ami pour pouvoir repeindre ton plafond en arc-en-ciel, parce que tu adores répéter que tu en es un, et à juste titre. Les peintures sont cachées dans le garage pour ne pas que tu mettes la main dessus.

Ciel de couleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant