Noir sans étoiles

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J'ai les amis les plus géniaux de l'univers. J'ai envie de le hurler lorsqu'ils toquent tous les cinq à la porte de chez moi, sur les environs de dix-huit heures trente. Moi, je suis déjà changé et en jogging, prêt à me détendre pour cette fin de soirée tranquille avec mes parents. Mais eux, ils sont drôlement bien apprêtés.

— Merde, t'aurais pas dû répondre, jure Coby. Ma petite blague ne va pas marcher si c'est toi qui es en face de nous.

Je lève les sourcils d'incompréhension complète et demande expressément des explications.

— Je peux savoir ce que vous faites ici ?

— On vient te kidnapper pour la soirée. Vu que c'est ton anniversaire, espèce de blond, reprend le brun au sourire un peu animal.

— Mais...

— Tu croyais vraiment qu'on avait oublié ? T'es notre pote depuis des années et des années Vava, ça ne va pas bouger avant qu'on soit vieux et croulants et qu'on radote sur les mêmes histoires. Alors bien sûr qu'on a prévu un truc pour ce soir ! Un vendredi, on ne va pas laisser passer ça.

Et comme ce matin quand Curtis est apparu comme si de rien n'était, j'ai envie de les serrer dans mes bras. Je me jette donc dans le tas et manque de me retrouver par terre. Mais chaque personne y met un peu du sien et les parfums se mélangent dans mes narines.

— J'avais peur que vous m'ayez zappé. J'avais l'impression de parler à des murs quand je m'adressais à vous et ça me foutait les jetons.

— Ça, réplique Kat, c'est parce qu'il y en a un qui ne sait pas garder sa langue dans sa bouche. N'est-ce pas Coby ?

Le susnommé grommelle dans sa barbe inexistante et croise les bras sur la poitrine.

— Ça fait presque un mois que c'est décidé. Mais c'était dur de ne pas te parler. C'était dur de répondre des monosyllabes quand tu t'adressais à moi au lycée, me rassure Daisy. Mais c'est génial de te voir réagir comme ça, ça montre qu'on avait raison de faire ça.

Je souris, mais le cœur n'y est pas vraiment. Je ne suis pas d'accord avec elle, vu l'état dans lequel j'étais ce matin à cause de leur silence. La présence de mes amis m'est vitale et c'était en train de me faire devenir aussi fade qu'un ciel blanc. Je n'étais plus un arc-en-ciel.

— M'enfin, va enfiler quelque chose de plus beau, on t'amène dîner ! termine Coby en me poussant vers l'entrée. Et appelle tes parents.

Ça, je n'ai pas besoin de le faire. Ils sont déjà là, sur le pas de la porte à nous regarder avec un sourire aux lèvres. Ma mère a laissé tomber sa tête sur l'épaule de son mari.

— J'avais raison, Theodore. Il nous abandonne. Mais observe bien son visage. Jamais je ne serais mécontente de le voir ainsi. C'est l'une des choses les plus lumineuses chez lui.

Je n'ai pas envie de me retourner vers eux. Je n'ai pas envie qu'ils sachent que j'ai tout entendu à travers les rires de mes amis. Alors je lui adresse un rapide sourire un peu lointain et carrément en coin et je sors de la maison, agrippant mon porte-monnaie qui se retrouve dans ma poche de manteau. Je fais deux pas dans la rue que je tombe nez à nez avec Curtis.

— T'as tout raté ! l'invective Coby en lui donnant une frappe sur l'épaule. Mais je t'excuse, t'es jamais venu ici alors t'as pu te perdre. Surtout que les instructions de Sheridan ne sont pas les plus simples à suivre.

— Hé, mais je fais ce que je peux ! C'est pas ma faute si son sens de l'orientation est affreux et qu'il n'arrive pas à se retrouver sur un boulevard !

Ciel de couleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant