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          En me levant, je me surpris à prier, pour la première fois de ma vie. La veille, mon père n'était pas rentré, et j'espérais de tout cœur que ça avait été le cas dans la nuit, si tard que je ne l'avais pas entendu.

          Mais celui chargé d'exaucer les vœux devait être en vacances car je remarquai tout de suite l'absence de ses chaussures et de son manteau dans l'entrée lorsque je descendis prendre mon petit déjeuner. Comme Kenan et Sidonie étaient partis en Italie, je n'irai pas au Starbucks seule.

          Je trouvai ma mère dans un état de nervosité extrême. Ses mains tremblaient, son chignon toujours impeccable était à moitié défait et elle buvait du thé. D'habitude, ma mère prenait toujours son café le matin, sinon elle disait qu'elle ne pouvait passer la journée.

— Ama, ton père n'est pas rentré cette nuit, déclara-t-elle d'une voix blanche lorsqu'elle me vit.

          Je me sentis blêmir en songeant que c'était exactement ce à quoi je pensais ce matin. Il n'était pas rentré. Où avait-il passé la nuit ? Certainement pas sur le plateau de tournage !

— Ama, je... et s'il était avec une autre..., balbutia ma mère.

          Je vis les larmes emplir ses yeux et je me précipitai pour lui faire un câlin. Non ! Je refusais l'idée que mon père soit capable de lui faire ça ! De nous faire ça. Il avait beaucoup de torts, mais c'était impensable qu'il trompe sa femme.

— Non, Maman. Je suis sûre que non. C'est obligé.

          Je la sentis hocher la tête contre moi pendant que ses larmes mouillaient mon t-shirt. Puis elle prit une profonde inspiration et se redressa, reprenant un air enjoué mal joué.

— Heureusement que j'avais mis du waterproof !

          Je souris spontanément en l'entendant se soucier d'une chose aussi futile alors que l'instant d'avant elle fondait en larmes à l'idée que son mari la trompe. Elle savait très bien changer de sujet.

          Je remontai dans ma chambre pour me débarbouiller et quand je vis le carnet sur mon bureau, l'accablement s'abattit sur moi. Je m'effondrai par terre, en pleurs. Tout était de ma faute. Combien de fois cette semaine et ces mois derniers avais-je souhaité qu'il ne rentre pas ? J'aurais voulu qu'un autre rentre à sa place, celui qu'il était, avant. Et maintenant que mon vœu était exaucé, je me sentais tellement mal ! Je me rendais compte que je l'aimais, et ce quoiqu'il fasse. Parce qu'il était mon père.

          Et maintenant que j'aurais voulu reprendre mes mots, c'était trop tard.

          Il n'était pas rentré.

          Mais qu'avais-je fait ? Quelle fille souhaite que son père ne rentre pas ?

          Je me sentais minable et honteuse, et si triste ! Tout était de ma faute !

          Mes ongles s'enfoncèrent avec force dans la peau tendre de mon bras, m'arrachant un gémissement de douleur. Mes larmes redoublèrent et je ne pus retenir plus longtemps mes sanglots. Je suffoquai en m'accrochant à ma chair, la lacérant de mes ongles.

          Je m'écrasai par terre, sur le dos, et tentai de calmer ma respiration sifflante sans pouvoir cesser de sangloter. Une éternité plus tard, je retrouvai mon souffle et restai prostrée sur le sol en attendant d'être complètement calmée. Inspiration, expiration. Et on recommence. Je finis par me redresser en position assise et remarquai que mes ongles étaient toujours enfoncés dans mon bras. Je les retirai en même temps qu'un filet de sang s'écoula.

Déni de Vie [Réécrit]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant