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En amitié comme dans un couple, la confiance est le plus important. Et si je voulais qu'Amaryllys me fasse à nouveau confiance, il fallait que je commence par m'excuser. Il était inutile d'aller trop vite, de se précipiter. D'autant plus que j'étais encore « en couple » avec Erin.

Ce soir-là, j'avais bien fait de l'attendre à la sortie de la patinoire. J'étais censé aller directement de la résidence spécialisée où était placé mon père chez Erin, mais je voulais la voir, m'assurer qu'elle allait bien de mes propres yeux. Je me persuadais qu'elle allait me rejeter au moment même où elle allait me voir, mais, contre toute attente, elle m'avait laissé m'excuser. Elle avait même entamé la conversation comme si tout était revenu à la normale, comme lorsque nous nous étions connus.

Ses innombrables questions m'avaient manqué, tout comme sa façon adorable de les poser, les yeux brillants et semblant attendre une réponse sérieuse et franche.

Et c'était toujours ce qui arrivait. Peu importe le degré d'intimité que requérait sa question, j'y répondais sincèrement. Elle seule réussissait à me faire parler de mon père aussi ouvertement. A croire que je ne me confiais qu'à elle sur mes peurs les plus profondes.

Qui d'ailleurs étaient invariablement causées par mon géniteur.

Je craignais l'eau à cause de lui, qui avait failli me noyer dans mon bain. Je craignais le noir et la solitude par sa faute, même si c'était d'avantage une conséquence directe de sa présence, plus qu'un de ses agissements dominés par la folie envers moi.

En effet, avant que je n'apprenne à jouer du piano, je n'avais aucune bulle où me réfugier pendant que mes parents se disputaient. Terrorisé, je m'enfermais dans le minuscule placard de ma chambre et je plaquais mes vêtements contre mes oreilles pour ne pas entendre ses coups de poing contre le mur.

A plusieurs reprises, ma mère m'avait retrouvé assis dans le noir total, pleurant, des vêtements froissés serrés dans mes petits poings.

Et cela, je ne me sentais capable de l'avouer à personne d'autre qu'Amaryllys, pas même à ma psy.

Autant dire que j'étais devenu beaucoup plus sensible à ses émotions après m'être confié de cette manière. Visiblement pas assez puisque je l'avais blessée en déclarant que j'allais voir Erin, mais j'avais eu ma réponse. Elle était jalouse.

Néanmoins je m'en voulais de toujours lui faire du mal et contribuer ainsi à son malheur, notamment comme aujourd'hui. Mais j'avais du mal à faire la part des choses, et après avoir été à deux doigts de l'embrasser, je n'étais pas capable d'agir normalement. Et la seule chose que je savais faire en ce cas, c'était la repousser. D'où mon regard sûrement impassible posé sur elle.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, je détestais qu'un autre que moi lui fasse du mal. Je devais vraiment avoir un problème, autant il m'arrivait de lui faire subir des choses monstrueuses, autant j'étais prêt à en coller une à son toutou de compagnie pour choisir l'autre conne en cire pour les championnats.

N'importe qui aurait vu à quel point Amaryllys y tenait. Et pourtant il venait de réduire son espoir à néant en exécutant à la perfection cette foutue figure avec cette fille que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam, mais qui convoitait sa place auprès de Kenan.

Cela se voyait qu'ils s'étaient entraînés au préalable, cela se voyait que le con y avait mis du cœur, sinon ils ne seraient pas arrivés à ce résultat aussi rapidement. Et Amaryllys aurait conservé sa place aux côtés du toutou. Pas que cela me ravisse, mais j'avais vu son visage défait et le regard déçu qu'elle lui avait lancé.

Il l'avait blessée et rien que pour cela il méritait mon poing dans la figure, bordel.

J'avais décidé d'agir, puisque c'était la dernière chose que je pouvais encore faire pour elle.

D'un pas décidé, je me dirigeai vers Alexie, en grande conversation avec Kenan. Encore en dehors de leur champ de vision, je ralentis pour les écouter parler d'Amaryllys.

J'espère que tu es sûre de toi, Alexie. Tu sais que je ne veux pas arrêter le patinage si près du but. Tu sais que je voulais continuer avec Ama. J'espère pour toi que tu as confiance en Mila et que tout ce cirque aura servi à quelque chose !

Alexie était donc à l'origine de cette merde ? Avait-elle incité Mila à défier Amaryllys ? Un profond ressentiment me fit serrer les poings.

Je n'y suis pour rien si son ego est démesuré. Si je l'ai faite entrer dans ce club, c'est par ordre de son père. Il est puissant et a fait pression sur moi pour lui trouver un partenaire compétent. Non, le plus compétent des partenaires.

Je faillis rire. Non, sans blague, un père puissant ? Je croyais rêver. Et Alexie avait cédé ? La colère me fit avancer à leur encontre. Aussitôt, ils se turent et je vis la culpabilité sur les traits du caniche. Dieu que je ne l'aimais pas lui alors !

Je veux faire d'Ama ma partenaire, déclarai-je calmement.

Toi ? m'interrogea Kenan avec incrédulité. Tu veux être son partenaire ? Elle n'acceptera jamais !

Mon sang bouillonna dans mes veines sous l'affront. C'était si invraisemblable que je veuille patiner avec sa meilleure amie ?

Quoi ? Ça t'étonne ? Tu pensais qu'après l'avoir lâchement abandonnée, personne ne viendrait prendre ta place ? Je peux t'assurer qu'elle acceptera. Parce qu'elle sait qu'elle compte pour moi.

Il me lança un regard noir que j'ignorai. Je n'en avais rien à battre de lui ! Je le supportais tout juste parce qu'il était son meilleur ami. Et encore...

Les garçons... Écoute, Timaël. Je veux bien tenter le coup mais tu vas devoir donner beaucoup de ton temps. Plus qu'en individuel. Vous avez tout à recommencer, et très peu de temps pour le faire. Mais si tu es motivé, si Amaryllys est d'accord, je ne vois pas pourquoi je vous en empêcherais.

Je partis sans la remercier, en ignorant Kenan qui me fusillait du regard. Maintenant, c'était entre elle et moi.

Déni de Vie [Réécrit]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant