Bonus

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Je vous avais promis ce bonus, et je m'excuse pour le délai (oui ça doit au moins faire trois mois), je ne savais vraiment pas quoi écrire. Et puis ça m'est venu comme ça hier soir, j'ai pris énormément de plaisir à l'écrire. S'il reste des lecteurs ici, j'espère que cela vous plaira !

         Je lissai ma jupe blanche fluide, si courte qu'elle cachait juste la culotte du justaucorps, rajustai le haut pour qu'il couvre ma poitrine, inspirai un grand coup. J'avais la gorge nouée d'appréhension, j'en tremblais même, mais je n'aurais échangé ma place pour rien au monde. Je vérifiai une dernière fois que mes patins d'un blanc nacré étaient correctement lacés et me levai finalement, mue par une détermination infaillible. Je m'avançai sans hésitation vers le vestiaire dédié aux garçons et entrai sans toquer, pour aussitôt plonger dans un regard argenté.

Ses cheveux blonds savamment ébouriffés, ses joues rosées par le stress, ses yeux brillant de détermination accélérèrent les battements de mon cœur jusqu'à ce que ma respiration s'emballe. Il fallait que je me calme, mais de délicieux frissons couraient le long de ma colonne vertébrale pour exploser en une gerbe d'étincelles de désir. Oubliée, mon inquiétude. Seule l'admiration perdurait, rongeait mon ventre, s'insinuait sous ma peau pour mieux me pousser vers lui.

Ses bras bien plus musclés qu'avant, à force de me porter, me réceptionnèrent en douceur contre son torse chaleureux. Je me fondis contre lui jusqu'à fusionner nos cœurs, dont les battements ne tardèrent pas à s'accorder selon un rythme bien précis. Ce tempo ne tarderait pas à baigner nos deux corps, afin qu'ils s'agitent au gré de la musique. Mais pour l'instant, seule comptait sa présence autour de moi, le réconfort prodigué par sa chaleur. Je me sentais apaisée, même si mes tremblements n'avaient jamais été aussi puissants, allant jusqu'à secouer mes poumons.

- On y va, susurra-t-il à mon oreille. On est prêts, Ama. Montrons aux autres ce dont on est capables ! On va clouer le bec à Alexie, fais moi confiance.

Et je le croyais, parce qu'en presque six mois, il ne m'avait jamais fait douter de lui. À aucun moment je n'avais eu à remettre en question l'amour que je lui portais, ou la relation qui nous liait. Notre confiance était absolue, autant que mon envie d'aller au bout de cette aventure. Aventure que j'avais d'ailleurs crue impossible à réaliser depuis la venue de Sully. Mais il m'avait portée à bout de bras, avançant que notre symbiose suffirait à compenser le manque d'entraînement commun. Et cela avait payé. Enfin, nous le saurions dans quelques heures.

          Il s'empara de ma main, aussitôt, une vague de calme m'assaillit. Je percevais mieux mon environnement, ma respiration désormais apaisée, le discret roulement de ses muscles sous son justaucorps aussi immaculé que le mien, les bruits provenant de la salle. Tout était exacerbé, mais j'étais paisible. Confiante.

          Je pris une profonde inspiration, il m'adressa un sourire si lumineux que je m'en sentis retournée de l'intérieur, aussi profondément que s'il avait pris mes intestins pour en faire des noeuds. Nous fîmes alors notre entrée en pleine lumière, sous les applaudissements des spectateurs. Je ne cherchai pas mes parents et Sullivan, car je savais qu'ils étaient là, qu'ils me soutenaient à distance. Et c'était suffisant, tout ce dont j'avais besoin me tenait la main en ce moment même.

         Je remarquai à peine que nous avions glissé sur la glace pour rejoindre le centre de la piste, tellement c'était machinal. Nous prîmes position, lui à genoux face à moi, sa tête enfouie dans mon ventre en un geste plein de désespoir, tandis que j'avais les bras tendus vers le ciel. Mais je le regardais, nos regards étaient profondément figés l'un dans l'autre, gris souris chaleureux se noyait dans le bleu glacier. Les premières notes retentirent alors, mon cœur eut un sursaut lorsque l'adrénaline s'empara de mon corps tout entier.

          Timaël se releva en s'écartant de moi d'un geste vif, je tourbillonnai vers l'arrière pour éviter sa prise. Nos regards restaient accrochés, mais nous enchaînions les spirales sur la piste, restant toujours le plus éloigné possible l'un de l'autre. Ma silhouette vêtue de blanc traçait des arabesques sur la glace, fendait l'air dans un bruissement d'étoffe au gré de la musique, les battements de mon cœur en suivaient le tempo.  Tout s'accordait pour qu'aucun frôlement ne nous unisse, mais nous nous regardions toujours, même lorsque l'un effectuait un saut, ou une pirouette au sol. Nous ne nous touchions pas, mais nous étions unis par le contact visuel.

          Je me précipitai alors vers le centre de la piste, patinai jusqu'à sentir la vitesse me procurer des frissons, et Timaël s'empara de ma taille pour me soulever à l'horizontale au-dessus de sa tête. Mais aussitôt, il me repoussa avec force et j'atterris avec grâce, une jambe tendue vers l'arrière. Une main sur le cœur, je m'éloignai à nouveau de lui, son visage faussement défait me faisant trembler malgré moi.

         Nous continuâmes à nous éviter, chacun de mes mouvements voulait me porter vers lui, sans que cela ne soit rendu possible par la chorégraphie. La surface de ma peau brûlait d'étreindre la sienne, mes terminaisons nerveuses me suppliaient de leur accorder un toucher, un simple et bref contact. Prenant à nouveau de la vitesse, la musique me porta jusqu'à lui, il me propulsa à la verticale et me fit effectuer une pirouette dans les airs. J'atterris dans ses bras, tout mon corps s'enflamma brusquement, me laissa pantoise contre lui.

          Nous nous étreignîmes sur la dernière note, nos corps tendus à l'extrême, mais mon esprit était apaisé. Cette danse, c'était l'aboutissement de notre relation, une sorte de retour en arrière pour les mois qui nous avaient amené ici, sur cette patinoire. D'abord tout ce temps passé à nous repousser, sans pitié, puis notre rapprochement irrémédiable lorsqu'il m'avait dit qu'il m'aimait. Et toutes les semaines qui avaient suivi, alors que nous pensions que tout allait bien. La réalité nous avait administré une puissante claque en pleine face, rien n'était réglé.

         Nous nous aimions, mais ce n'était pas suffisant à ma reconstruction, mes failles étaient trop grandes, même pour lui. J'avais alors effectué un long et fastidieux travail sur moi-même. Je voulais changer, je voulais aller mieux, et je ne voulais le devoir qu'à moi-même. Alors j'avais lutté contre mes démons, je m'étais relevée quand ils avait essayé de me terrasser, toujours en comptant sur l'appui de Timaël. Et maintenant, j'étais là, dans ses bras, sur une glace que je ne voulais pas abandonner, dans un silence profond qui me tétanisait.

         Je relevai la tête, croisai ses yeux presque bleus, cette fois-ci, une larme m'échappa. Et le public explosa, leurs applaudissements tintèrent dans mes oreilles, grondèrent dans ma cage thoracique, firent éclore un sourire sur nos visages éprouvés. Nous sortîmes en saluant, à bout de souffle, mais emplis d'un puissant sentiment de sérénité, la satisfaction d'avoir été jusqu'ici. D'avoir persévéré, même lorsqu'il avait pris du recul en réalisant ce qu'impliquait mon statut de mère, même lorsque mes parents s'étaient séparés, même lorsque mon père avait arrêté de vivre de sa passion pour s'occuper de Sullivan.

          Nous retournâmes prestement aux vestiaires, où je vis avec joie que mes parents et Sully nous attendaient. Ils avaient instauré une certaine distance entre eux, mais elle était compensée par le sourire de mon fils - Dieu que ce mot était encore étrange ! - qui illuminait la pièce. Son léger hâle obscurcit par un sombre duvet faisait ressortir ses yeux aussi clairs que les miens, dont le regard était planté dans le mien. Je m'empressai de le prendre dans mes bras, et il enfoui son visage dans mon cou sans un mot.

        Timaël m'enlaça alors, il ne pouvait rien exister de mieux au monde que leur deux contacts, sous les yeux attendris de mes parents. Peu importaient les résultats de ce concours, qui détermineraient notre entrée aux championnats. Parce que j'étais apaisée, et je ne craignais plus de vivre. Il était temps de faire uniquement ce qui me faisait vibrer, et d'oublier le reste, me concentrer sur ce qui comptait vraiment.

Cette fois-ci, c'est vraiment la fin de Déni de Vie, mais je peux quand même vous encourager à lire une autre de mes fictions, À un souffle de toi. C'est une romance, et cela me ferrait très plaisir de vous y retrouver !

La bise ~

Déni de Vie [Réécrit]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant