Déni de Vie [Réécrit]

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          Je me rendis tout de même à la patinoire, même si toute envie de m'adonner à mon sport préféré avait désertée. J'y allais juste pour faire bonne figure. Pour faire comme si tout allait bien.

          Un silence profond m'accueillit. Cela ne voulait dire qu'une chose : la poupée avait gagné. Et moi, j'avais perdu tant de choses. Les championnats, c'était fini. Leur respect à tous, fini aussi. En un mot, le patinage et moi, c'était terminé.

          Un peu plus loin, je vis Timaël. Ses yeux étaient posés sur moi, impassibles. Les larmes aux yeux, je me détournai. C'était trop douloureux.

           Ce que j'aimais dans un sport, c'était le pratiquer à haut niveau. C'est pour cela que j'avais travaillé si dur pendant toutes ces années : pour arriver aux championnats. C'était mon but ultime, je m'étais battue comme une folle pour arriver.

          Et aujourd'hui, alors que je le touchais presque, une fille, sortie de nulle part venait arracher ce rêve. Comme ça, en un claquement de doigt. Je n'avais pas envie de retourner à la case départ. Si je ne pouvais pas participer aux championnats cette année, c'était fini. Définitivement.

— Ama ! Te voilà ! Comment ça va ?

Kenan n'arrivait jamais à m'en vouloir. Même si j'étais partie comme une furie, même si je ne lui avais pas adressé la parole pendant deux jours, il me pardonnait toujours. Et moi, je culpabilisais à mort.

— Ça va, toi ?

— Au top ! Pour le concours, y a une dernière épreuve. Faut réussir le foutu porté, tu sais, celui sur lequel on galère depuis des semaines. C'est moi votre partenaire à toutes les deux. T'inquiète, on va assurer.

Ce porté-là ? Il était difficile, et Kenan et moi ne l'avions parfaitement réalisé qu'une poignée de fois. Mais ma confiance en moi était en partie revenue. Peut-être que tout n'était pas perdu, au final.

Je filai sur la glace pour m'échauffer. Au bout d'une vingtaine de minutes, Kenan et moi prîmes place l'un en face de l'autre.

Je m'élançai, sans prendre trop de vitesse non plus pour m'assurer qu'il arriverait à bien positionner ses mains. Il commença à reculer doucement, ne me lâchant pas du regard.

Arrivée juste devant lui, il me prit par la taille et me leva jusqu'à ce que je puisse poser mon genou sur son épaule tout en patinant, emporté par ma propre vitesse. Ses bras tremblaient, et je glissai légèrement du fait de ses mains moites. Néanmoins, je réussis à tenir la pose, bras vers le ciel abdos contractés, jambe tendue à l'horizontale.

Je descendis et Mila prit ma place. Je restai pendant tout son échauffement. Elle s'élança vers Kenan, prenant le parti de prendre plus de vitesse que moi. Celui-ci l'attrapa d'un geste précis et l'emmena en position.

C'est alors qu'une évidence me frappa : ils s'étaient entraînés ensemble.

Kenan s'était entraîné avec ma concurrente, tout en sachant parfaitement que ce porté était difficilement réalisable pour nous deux, que j'étais diminuée et que cela faisait presque deux semaines que je ne m'étais pas entrainée sur cette figure-là.

Pourquoi ? Pourquoi avoir fait cela ? Il voulait que je perde ? Voulait-il Mila comme partenaire pour les championnats ?

Ses bras ne tremblaient même pas, et Mila faisait preuve de beaucoup trop de grâce. C'était fini. Elle avait gagné, avec l'aide de mon meilleur ami. De mon partenaire.

Je me précipitai dans les vestiaires pour me changer, déçue et profondément blessée. Kenan ne tarda pas à me rejoindre. Il arborait une expression mi désolée, mi aimante.