40 - Partie 2

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           Ma mère me réveilla en posant sa main fraîche sur mon front. A ses côtés, Solal me regardait avec un sourire attendri. Trop de guimauve dans l'air...

— Salut Ama ! Bien dormi ?

          Je me redressai, la nuque raide et les muscles endoloris. Sullivan était à nouveau dans son berceau, calme et endormi. Mon coeur se serra devant son visage paisible, et minuscule. J'avais toujours apprécié être imperméable à ces êtres mignons mais fourbes, et je me sentais - déjà ! - flancher. Je sortis dans le couloir empli de lumière en évitant ma mère et Solal, et je compris qu'il était déjà tard. J'avais énormément dormi, malgré tout, la fatigue persistait.

          Encore une fois, j'avais l'impression que mon corps ne m'appartenait plus et avait une volonté propre. Mes yeux bouffis, les cernes que je devinais immenses, mes jambes cotonneuses, tout cela en attestait. Ce n'était pas normal. J'aurais dû être en pleine forme, capable de donner le change et paraître de bonne humeur. Mais ce n'était pas le cas.

          Je descendis machinalement dans la cuisine et me confectionnai un sandwich. Enfin, je demandai à mon père un sandwich. J'étais incapable de faire à manger, il ne valait donc mieux pas que je le fasse, pour la sécurité de la maison. J'avalai rapidement mon petit-déjeuner et fis passer le tout avec un verre de jus de pomme. J'allai ensuite à la salle de bain.

          En croisant mon reflet dans le miroir, je me stoppai net. Je m'approchai et passai ma main sur mon visage. J'avais l'impression que cela faisait une éternité que je ne m'étais pas regardée. J'en avais même oublié mes boutons !

          C'était une étrange impression, comme retrouver quelqu'un que nous avions détesté sans l'avoir vu pendant plusieurs mois. Durant quelques jours, je les avais oubliés. Durant quelques jours, ils n'avaient pas été au centre de mon attention. Le retour à la réalité était dur. Aujourd'hui plus que jamais, j'avais besoin qu'ils disparaissent. Pour autant, ils ne me donnaient plus envie de m'arracher la peau, ils ne me semblaient que secondaires, bien que dérangeant. Ma mère toqua à la porte.

— Amaryllys ! Solal te cherche !

— Je prends ma douche !

         Je l'entendis s'éloigner et entrai dans la douche. En sortant, vêtue d'un short en tissu fluide bleu marine et d'un haut à manches longues et bouffantes assorti, je croisai Solal. Nul doute qu'il m'attendait, assis dos au mur. Ses yeux sombres se plantèrent dans les miens et je frissonnai.

         Solal n'était pas convoité pour son physique, mais l'aura de mystère qui l'enveloppait attirait beaucoup les filles. C'était très cliché, mais ça fonctionnait, je pouvais le prouver. Oui, il fallait avouer que j'avais été très sensible à son charme. Or quand on le connaissait, il n'était d'ailleurs ni sombre ni mystérieux, et savait se montrer sociable, enjoué ou taquin.

— Ama, ça va ? Comment tu te sens ?

— Je crois que... ça va. Je pense que je réalise pas encore.

          Il hocha la tête et passa sa main sur ma joue dans un geste d'une tendresse inouïe. Puis il entra dans la salle de bain, me laissant plantée en plein milieu du couloir. Je me rendis dans ma chambre comme un automate, mais ma mère m'appela avant que je ne l'atteigne.

— Am', Sully prend son biberon, tu veux lui donner ? me questionna-t-elle d'un air gentil, ne voulant sûrement pas me brusquer.

          J'acquiesçai. Il était temps de prendre mes responsabilités. Je m'assis dans le fauteuil à bascule et le pris dans mes bras. Quand il buvait, il était très calme. J'observai son petit nez en trompette et ses yeux translucides.

Déni de Vie [Réécrit]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant