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          Je te déteste !

          Alors comme ça je te dégoûte depuis le premier jour et tu me l'as pas dit ?!

          Adieu.

          La douleur ne me quittait plus, comme une seconde peau, ou une vieille amie dont je me serais bien passé.

           J'aurais voulu qu'elle comprenne tout ce que je ne lui avais pas dit ce jour-là. Que si au début, je l'avais détestée, puis voulue comme mon père, j'avais vite compris qu'il n'avait rien à voir avec ce que j'éprouvais pour elle. Je m'étais attaché sans m'en rendre compte et la perdre était bien plus douloureux que ce que je pensais, justement parce que cela ne m'était pas venu à l'esprit.

           Mais elle m'avait attaqué, et je ne pouvais pas lui en vouloir. Je devais lui paraître tellement lunatique ! Le soir je l'embrassais, et un brasier me dévorait de l'intérieur, et le lendemain je l'ignorais comme une malpropre.

            La vérité était que j'avais pris peur. J'avais eu peur qu'elle découvre à quel point j'avais commencé par la haïr, puis par la désirer justement parce que j'avais compris ce que mon père aimait chez elle. J'avais eu si peur que j'avais craint notre relation.

          Comme si elle avait pu m'être nocive, comme si je n'aurais pas réussi à contrôler mon attachement grandissant.

          Je n'aimais pas ce qu'elle me faisait, j'avais l'impression d'être faible, comme engourdi à chaque fois qu'elle battait des cils, heureux quand son sourire dévoilait ses dents blanches, en colère quand elle fronçait les sourcils. C'était comme si ses propres émotions régissaient les miennes.

          Et j'avais eu terriblement peur de tomber amoureux d'elle, à tel point qu'un retour en arrière n'aurait plus été possible. Je voulais éviter ça. Toute ma vie je m'étais attaché à des gens qui m'avaient ensuite fait souffrir et je ne voulais pas que ce soit encore le cas. Il fallait que je me contrôle.

          Mais bordel ce que c'était dur.

          Voir son visage larmoyant, reflétant sa déception m'avait tué. Mais à cet instant j'avais été faible et je lui avais tout raconté. Je savais qu'elle n'était pas prête à ça, nous ne nous connaissions pas depuis si longtemps. Néanmoins je voulais qu'elle comprenne dans quoi elle plongeait.

          Et elle n'avait pas sauté.

          Elle m'avait planté, comme une part de moi l'espérait, la part lâche et faible. L'autre aurait voulu lui crier que j'avais dépassé ça, que mon père n'avait plus rien à voir avec nous et qu'elle me plaisait.

           J'avais vu ses larmes bien qu'elle ait tenté de me les cacher. Ses mots aussi m'avaient détruit parce qu'ils étaient si spontanés ! Je ne voulais pas qu'elle souffre autant que je souffrais, et qu'elle s'interdise de tomber amoureuse. Il fallait qu'elle vive.

           Je gardais espoir qu'elle se rende compte à quel point je lui étais attaché. J'en avais besoin, et j'étais terriblement égoïste. Mais je savais qu'elle aussi m'appréciait, peut-être que rien n'était perdu, qu'il m'était permis d'espérer.

          Qui ne tente rien n'a rien, après tout.

          Fort de mes résolutions, j'avais décidé de m'approcher en douceur pour être sûr qu'elle ne me repousse pas. Mais je m'étais dégonflé au moment où je l'avais aperçue.

          J'avais alors passé la journée à l'éviter, jusqu'au moment fatidique où elle m'avait surpris en train de l'observer.

          Je me souvenais encore de son expression mêlant surprise, tristesse et déception. Ses sourcils froncés, son nez légèrement retroussé, ses yeux anormalement sombres - alors qu'ils étaient d'habitude si clairs qu'on croyait voir au travers - ses cheveux dissimulant toute une partie de son visage.

          Elle se tenait là, face à moi, si proche et pourtant si loin... Je l'avais vue hésiter. Peut-être serait-elle venue vers moi, j'espérais, j'attendais. Puis son toutou de compagnie s'était une fois de plus placé entre nous et j'avais tourné les talons le plus vite possible.

           Je me contentais d'espérer en silence.  

Déni de Vie [Réécrit]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant